samedi 10 août 2013

L'adieu au saucisson


J'y pensais à l'instant, alors que je livrais un dur combat à un sandwich au saucisson de montagne cendré (fabriqué par la maison Rochebillard et Blein, à Violay dans la Loire). Il était plutôt goûteux, ce saucisson, mais Dieu qu'il se montrait robuste au maxillaire ! Et je me disais que, du temps où les habitants de France n'étaient pas encore tous saisis par la démence, venait toujours un moment, dans une vie d'homme, heure assez émouvante si l'on veut bien y songer, où il fallait faire solennellement ses adieux au saucisson. Un jour, y mordant, on s'apercevait que les dents étaient devenues trop fragiles, trop branlantes, trop espacées, et que l'ère du saucisson était terminée pour nous ; de roboratif, il devenait pure nostalgie. J'entends encore la voix de ma mère, il y a quelques années, me disant justement, à l'occasion d'un repas pris en commun, elle qui pourtant en raffolait : « Ah, non, le saucisson sec c'est terminé ; je ne peux plus… » C'était dit sans pathos, sur ce ton de simple constat qu'emploierait, j'imagine, un ancien sprinter olympique pour dire : « Tiens, ça y est, je suis repassé au-dessus de la barre des dix secondes… » À la suite de quoi, de cet adieu sans solennité excessive, le saucisson continuait à sécher et à mûrir dans la mémoire jusqu'à s'élever au mythe.

Plus rien de tout cela aujourd'hui, naturellement. Désormais, parce qu'il y a droit, Modernœud exige de pouvoir continuer à engloutir ses épaisses rondelles ; la simple idée d'un renoncement possible le fait trémuler d'indignation égalitaire. Et puisque ses molaires deviennent rétives à sa mastication, eh bien ! le saucisson sec n'a qu'à changer de nature et devenir mou ; s'il le faut, pour obtenir satisfaction de cette exigence, il ira jusqu'à Bruxelles ! Il a d'ailleurs dû y aller en effet, car la plupart des choses que l'on trouve désormais sous l'appellation ont une consistance qui rappelle davantage celle de l'italienne polenta que du robuste chibre auvergnat ou savoyard. Et comme notre post-moderne charcutailleux entend bien saucissonner jusqu'à son centenaire, le temps ne devrait pas être long avant que l'on voie apparaître en tête de gondole des jésus vendus en bol et présentant la texture d'une Blédine premier âge.

Le saucisson sec n'est bien sûr qu'un exemple de cette démence qui nous affecte ; on pourrait en trouver d'autres. J'aurais pu, ainsi, vous parler des fabricants de boudin qui, presque tous désormais, s'ingénient, en le moulinant de plus en plus fin, à faire visiblement disparaître le gras de leurs préparations sanguines. Parce que Modernœud a décrété que le gras était mauvais, mais qu'il a droit tout de même à sa portion de boudin, c'est est fini de ces serpents magnifiques, où de gros éclats de blancheur venaient joncher la matière sombre et légèrement grenue.

Mais quand, et comment, mon Dieu, nous débarrasserez-vous de cette engeance, de cette pure imprécation, souriante et niaise ? Vous que le saucisson ne doit pas laisser tout à fait indifférent : le fait que l'un d'eux se nomme le bâton de berger prouve assez son origine pastorale, pour ne pas dire divine.

21 commentaires:

  1. Robert Marchenoir10 août 2013 à 17:09

    Hahaha, désolé de bousiller ce péan franchouillard, mais le Bâton de berger, c'est chinois.

    Le Bâton de berger est une marque de Justin Bridou, qui est une marque du groupe Aoste, qui fait partie de la multinationale espagnole Campofrio, qui est contrôlée par le groupe américain Smithfield Foods, le plus grand producteur de porc mondial, lequel vient d'être racheté par le groupe alimentaire chinois Shuanghui International Holdings.

    Ah, juste pour rigoler, aussi : Campofrio est propriétaire de... Weight Watchers.

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    1. Casseur de rêve ! contempteur de saucisson ! porcophobe !

      Je me demande si vous seriez pas un peu musulman, finalement…

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  2. Une seule réponse : La soubressade , c'est espagnol ,je dirais même plus des îles Baléares.
    pour le saucisson , je ne mange que du à l'ail.

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    1. Non pour sa facilité a être consommé avec facilité même avec de des ratiches de vieillard mais il devient de plus en plus difficile d'en trouver de l'extra avec de gros morceaux de gras.

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  3. Encore plus suave,la demande prononcée avec un accent de titi parisien :
    "Hé, file moi un rond d'sauciflard ste plait"

    Duga
    A jamais privé de saucisson because le cholestérol

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    1. Mais enfin, le cholestérol n'empêche pas le saucisson ! Il y a des traitements, contre le cholestérol, voyons ! (J'en sais quelque chose…)

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  4. La Loire, très bonne origine pour un saucisson.
    Mais quelle hérésie de le manger dans un sandwich !
    N'avez-vous jamais vu les paysans se découper des tranches de saucisson à la pointe du couteau et les enfourner telles quelles et alternativement faire de même avec une bonne miche de pain ?
    J'ai au moment où j'écris un mini-jésus entamé qui vient de La Terrasse-sur-Dorlay. Il est tout à fait tel que vous décrivez votre saucisson.
    Pour en venir à bout sans dégâts dentaires, ma méthode est la suivante : je le découpe en fines tranches à l'aide d'un machine électrique allemande, après quoi il est plus facile de les manger que si c'étaient des bonbons.
    J'entends d'ici les puristes se récrier. Mais quoi ? Ne vaut-il pas mieux les affronter plutôt que de devoir renoncer à mon cher saucisson, surtout s'il s'appelle Jésus ?

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    1. une machine électrique allemande...une trancheuse pour les puristes...

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    2. Robert Marchenoir10 août 2013 à 21:56

      Une machine électrique allemande ? Pour trancher notre bon saucisson français ? Il y en a qui ont été tondues pour moins que ça !

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    3. D'abord, il n'y a pas d'hérésie entre nous, nous devons nous concentrer contre nos ennemis. Si les mangeurs de saucisson en viennent à se battre entre eux, nous sommes foutus.

      Ensuite, on tombe dans les goûts personnels. Les miens me poussent à aimer le saucisson qui se mâche, qui résiste. Même chose pour le jambon (cru) : je n'aime pas la découpe italienne évanescente, je suis pour la manière espagnole de faire jaillir des copeaux qui "tiennent" sous la dent.

      Mais, bon : c'est chacun son truc, du moment qu'on vire les porcophobes et qu'on discute entre nous.

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    4. Marchenoir, je me permets de vous rappeler qu'en tant que nauséabonds assermentés nous n'avons pas le droit moral de dire du mal des Allemands. Par conséquent, j'aimerais quie vous vous teniez un peu mieux sur ce blog.

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    5. Robert Marchenoir11 août 2013 à 07:23

      Ah oui, pardon, je m'y perds un peu, moi.

      Donc, je précise, afin d'éviter toute interprétation tendancieuse : j'admire beaucoup l'industrie allemande.

      BMW, qui a conçu les turboréacteurs devant équiper le bombardier stratosphérique à aile volante imaginé en 1944 pour terroriser les populations civiles américaines.

      Daimler-Benz, qui a conçu le bombardier géant A-I voulu par Hitler pour précipiter des avions-suicide sur les tours de Mahnattan, bien avant Ben Laden. L'avion devait décoller avec un deuxième bombardier fixé sous son fuselage. Ce dernier, largué au-dessus de l'Atlantique, était conçu pour s'écraser sur les gratte-ciels, afin de "punir l'arrogance de New York, capitale de la finance juive cosmopolite"... ce qui vous rappellera quelque chose.

      AEG, qui a lancé dès 1936 les recherches sur le système de vision nocturne Vampir, révolutionnaire pour l'époque, utilisé par certains fantassins d'élite de la Waffen SS en 1945 en combinaison avec le Sturmgewehr (premier fusil d'assaut au monde).

      Leitz, qui a conçu les optiques de ce système.

      A la ménagère de plus ou de moins de cinquante ans qui souhaite bénéficier de la fabuleuse qualité de l'industrie allemande, tout en rendant un hommage discret aux Zeurléplusombres de Notristouâr, je ne saurais trop conseiller l'aspirateur Vampyr commercialisé aujourd'hui par le même AEG...

      Egalement un très bon choix pour toi, jeune facho, qui joue les warriors de clavier tout en laissant un bordel sans nom prendre la poussière dans ta turne mal aérée.

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  5. De toutes façons, sans vouloir être défaitiste, le saucisson comme la charcutaille seront bientôt prohibés en France.

    Alors, avoir des chicots ou pas ...

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    1. Pas du tout : la charcuterie vaincra ! Vous verrez…

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    2. Robert Marchenoir10 août 2013 à 22:03

      Vous ne comprenez rien à la géo-politique. Les Chinois sont de féroces défenseurs du porc, dont ils ont des quantités. Comme j'ai eu l'honneur de vous l'expliquer, nous venons de conclure une alliance stratégique entre le sauciflard français et le cochon chinois. Si jamais les musuls bougent une oreille (de cochon), les Chinois leur enverront ça :

      http://french.peopledaily.com.cn/31966/206106/

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  6. France-Hélène10 août 2013 à 21:44

    Le boudin que tu évoques, avec des morceaux de gras bien visibles,, on le trouve encore à Carcassonne. Et comme la saucisse, on l'achète au mètre.
    - Té, madame Rajol, les enfants arrivent, vous me mettrez un mètre de boudin et un mètre cinquante de saucisse.

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    1. Bon, d'accord. Maintenant, la question qui tue : tu vas quand à Carcassonne et tu repasses quand par chez nous, greluche ? Hein ? Hein ?

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    2. greluche: (Péjoratif) Jeune fille, jeune femme aux mœurs légères ou sotte.
      (pour ceux qui ignoreraient)

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  7. Eh bien, moi j'ai mangé la semaine dernière du très bon saucisson résistant de la charcuterie Carteron (Chevrières, 42)

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.