vendredi 4 septembre 2009

Calme bloc ici-bas chu... et toi-même !

À Pascale G.


Il faut se recadrer. Pas facile. Revenir à la vie courante, oublier ces espaces, ces lumières – et ces étranges grands placards miroitants, dont il n'y a rien à dire, dont chaque soir, il y a plus à dire que la veille, parce ce que les yeux s'ouvrent, un peu plus.

Ce Calme bloc, par exemple : il est difficile de dire à quel point il... Difficile. Combien sont-ils, dans ce bloc ? Nul ne le sait, bien sûr. Ils sont aussi nombreux qu'on a envie de les voir – peut-être davantage encore.

Et juste à droite (regardez mieux, regardez !), Dante et Beatrice : quatre semaines à contempler ce merveilleux regret de n'y être plus. Beatrice, toute petite, enfermée dans son carré (21 x 29,7), centre de l'œuvre, décentré, bras transformé en aile d'ange, ou en arc de cupidon. La flèche (de feu, de cire, simple trace) transperce Dante – son œil charbonneux nous le confirme : il est vaincu. Mais...

Mais il est Dante, elle n'est que Beatrice. Il souffre, il se tourne, il voudrait exister. Elle est là, naturelle, petite, à peine visible, ployante, presque pas là.

Autour d'eux, le feu, la matière bénigne, et la flèche qui transperce cette espèce de géant contorsionniste, lancée par la pointe de l'aile, par l'ange femelle et silencieux. – Dante peut darder son œil charbonneux, qu'importe : il est vaincu, au moins ici, dans ce tableau. Beatrice gagne.

Beatrice gagne toujours – tant mieux.

6 commentaires:

  1. Mais c'est, qu'en plus, il sait faire éclore l'émotion, ce narrateur...
    Stop Mr Goux...s'il vous plaît....
    toutefois merci pour cette photo pleine de lumière

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  2. De l'émotion oui, et une envie folle d'y retourner... Merci pour ce beau texte requinquant cher Didier !

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  3. "Revenir à la vie courante", oui, pas le choix mais "oublier ces espaces, ces lumières", non. On se sent un peu plus riche d'avoir habiter ces lieux pendant quelques semaines.

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  4. Cher Didier,
    Oui, « combien sont-ils » ?
    Permettez-moi, pour prolonger votre méditation, de citer cette phrase capitale de Gaston Bachelard :
    « Si une image présente ne fait pas penser à une image absente, si une image occasionnelle ne détermine pas une prodigalité d’images, il n’y a pas imagination (…) La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire ».
    Et, plus explicite encore si possible celle-ci de Marcel Havrenne (mettez simplement "sculpture" à la place de "tableau":
    « Un tableau n’est rien s’il n’est un foyer d’analogies et s’il ne propose à celui qui le contemple une image figurée de l’univers, un ensemble de signes qui donne aux apparences sensibles leur chance d’éternité. »
    Ce calme bloc, lourd de la mémoire des âges, nous étreint d’une grande nostalgie.Merci pour ce beau billet.
    Aline

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