vendredi 18 septembre 2009

Nostalgie à double arbre à came (en tête)

À Marie-Georges, qui m'attend à la porte du garage...


Longtemps, je me suis demandé pourquoi la chanson de Charles Trenet, Qu'est devenue la Madelon ? exerçait sur moi un charme aussi prenant, aussi peu résistible. J'ai fini par trouver, ce matin, entre Mantes et Meulan, alors que je me la chantonnais.

C'est qu'il s'y niche une double nostalgie, une mélancolie au carré. La chanson (voir plus bas le texte) exprime la première couche de ce sentiment, celle d'un homme vieillissant repensant à l'époque de sa prime enfance. Bien. Ce pourrait être banal ; de fait ce l'est et, que je sache, la chanson en question n'a pas fait un malheur lors de sa sortie.

Seulement, vient se greffer là-dessus une sorte de surgeon mélancolique, apporté par l'auditeur lui-même, et par l'auditeur d'aujourd'hui – à condition qu'il ait l'âge requis. Cette seconde couche est celle que la nostalgie que l'on peut éprouver, d'une époque presque aussi surannée que celle de la chanson, une époque où il y avait encore beaucoup d'hommes et de femmes capables d'exprimer leur propre nostalgie des années 1910. Capables de parler de la Madelon comme d'une femme n'ayant pas cesser de parcourir les routes de France. Anonyme, mais bien vivante...


Qu'est devenue la Madelon ?

Qu'est devenue, depuis,
La Madelon jolie
Des années seize ?
A-t-elle toujours les yeux
Étonnés d'être si bleus,
La taille à l'aise ?
A-t-elle toujours ce geste
De la main un peu leste
Pour dire : "Sois sage"
A ses amis d'un jour,
Amoureux des contours
De son corsage ?

Dans quel village est-elle,
Loin de sa clientèle,
Dans quelle contrée ?
Sous le ciel de quelle ville
Vit-elle encore agile
Ou retirée ?
Est-elle passée près d'moi,
Dans la rue quelque fois ?
Mon cœur en tremble.
A-t-elle, dans sa famille,
Qui sait, une jolie fille,
Qui lui ressemble ?

En voyant, hier soir, au ciné,
Une histoire de ce temps suranné,
Je m'disais qu'à notre âge atomique,
Il est triste qu'cette époque devienne comique
Et j'allais au hasard dans les rues
Retrouvant des images disparues
D'mon enfance, d'la jeunesse de mon père,
De ma mère et aussi de la guerre.

Qu'est devenue, depuis,
La Madelon jolie
Des années seize ?
A-t-elle toujours les yeux
Étonnés d'être si bleus,
La taille à l'aise ?
A-t-elle toujours ce geste
De la main un peu leste
Pour dire : "Sois sage"
A ses amis d'un jour,
Amoureux des contours
De son corsage ?

Ils sont restés fidèles
Comme au temps où près d'elle
Ils venaient boire
A la santé d'la France,
A l'oubli d'la souffrance,
A la victoire.
Vision de ces images
Qui furent celles d'un bel âge
Et qui s'effacent,
Le feu sur un toit de chaume
Et l'empereur Guillaume,
Comme le temps passe.

25 commentaires:

  1. C'est sûr qu'il vaut mieux faire une chanson sur la Madelon que sur la charmante corse du village, qui a trois frères plutôt bons tireurs (je parle d'arme à feu, là...) !

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  2. Oui, mais vous parlez d'un temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître... Non, en fait, vous expliquez bien cette nostalgie au carré, que tout le monde peut ressentir en regardant l'album photo de ses parents, ou de ses grands parents. On a la nostalgie de leur jeunesse: ce temps que nous n'avons pas connu est familier tant que nos parents vivent encore, tant qu'ils sont des anciens jeunes, des anciens enfants encore vivants. Si ma mère aimait Sablon et Fréhel, je vais être nostalgique de cet amour qu'avait ma mère pour eux quand je les entendrai, pas de leurs chansons, pas de leur temps à eux, mais de la jeunesse de ma mère.

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  3. Chapeau bas chère Suzanne, vous exprimez magnifiquement bien ce que je ressens et suis bien incapable d'écrire aussi bien que vous !

    @Dorham, @Didier, les charmantes corses savent très bien la boucler quand l'heure est grave ou coquine, c'est selon...

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  4. Dorham : ne dites pas de mal des Corses, que j'aime de plus en plus (comme les Japonais).

    Suzanne & Pluton : oui, c'est exactement cela.

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  5. Je suis nostalgique de ma jeunesse à moi. A l'époque, le préfet des Côtes d'Armor n'avait pas rendu obligatoire la fermeture des bistros à 1 heure du matin.

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  6. Et je n'aurais pas voulu la jeunesse de mes parents qui ont connu la guerre, cette époque où on était obligés de se cacher pour dénoncer les juifs.

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  7. certes, qui n'a pas un grand père qui a "fait Verdun"? ...
    DGeargies

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  8. Dgeargies : ben... moi : ils étaient trop jeunes tous les deux. Quant à mon arrière-grand-père, borgne à la suite d'un accident de chasse : réformé.

    Bon, cela dit, mon grand-père maternel s'est rattrapé en faisant sauter quelques trains allemands entre 43 et 44, du côté de la "poche" de Saint-Nazaire...

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  9. Nicolas : où avez-vous pris qu'il fallait se cacher pour dénoncer des juifs ?

    Du reste, de nos jours, les dénonciateurs de juifs, les brûleurs de livres deviennent patrons de l'UNESCO avec l'appui de notre beau pays, alors...

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  10. Didier,

    Un corse vous dirait la même chose que moi... Et puis, ils ne se gênent pas pour se moquer des sardes, les corses, y a pas de raison. On devient potes quand il s'agit de tailler des croupières aux siciliens. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    En Corse, vous devriez y aller, pour commencer... C'est une île qui mérite qu'on se déplace ! Les habitants, je sais pas, je les connais trop, je suis pas objectif !

    Par contre, les japonais...

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  11. Tiens, c'est une idée ça, Dorham ! Didier, et si on s'expatriait en Corse. C'est moins loin que Saint Pierre et Miquelon et il fait plus chaud !

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  12. Tout à fait, Catherine! En voilà une idée qu'elle est bonne! Et puis Plieux vous a habitués à la chaleur!

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  13. @Suzanne
    Entièrement d'accord avec Pluton! Je ne rajoute rien, ce serait gâcher!

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  14. Pluton et Orage : merci pour le compliment !

    En Corse ? Avec tous ces brigands, ces machos, ces montagnes où il n'y a que des côtes, ces hordes de touristes, ces paillottes, ces préfets qu'on dézingue ?

    Nicolas: vous n'avez pas connu les Côtes du Nord, vous ?

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  15. Suzanne,

    Si, pourquoi ? Surtout pourquoi devrais-je préférer l'ancien nom ?

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  16. Nicolas : parce que c'était le vrai nom ! Le nouveau est un truc pour touristes, c'est à chier.

    C'est comme ma ville natale, Châlons-sur-Marne, qui est devenue la prétentieuse Châlons-en-Champagne (d'autant plus grotesque qu'on n'y a jamais produit la moindre boutanche de roteux...).

    Les seuls Français intelligents sont les Alsaciens : ils s'accommodent très bien de leur Bas-Rhin...

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  17. Catherine,

    et ce qui est bien (attendez, je mets mon costume bon marché de vendeur bouffeur de rouille, coupé trop court aux chevilles) c'est que la Corse offre une étonnante DIVERSITE de paysages. C'est un monde en miniature. Au nord, sur le Cap Corse, on se croirait parfois en Bretagne (la chaleur en plus), au Sud, ça ressemble à la Calabre, rien que ça, les Montagnes sont splendides et fraîches, et magnifiquement enneigées. Nan, ça déconne pas la Corse. Seul hic, difficile d'y construire si on n'a pas les meilleures relations et l'achat est cher...

    L'autochtone du nord est plus sympa que celui du sud. Et Bastia, que j'aime d'amour, est toujours magnifique, et figée dans le passé (et oui !)...

    Bref...

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  18. En plus, moi, j'ai connu une Flavia, bastiaise...

    (Je rappelle ça juste pour dissuader l'Irremplaçable de déménager en Corse : ça devrait marcher...)

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  19. Didier,

    pour Chalons machin je suis d'accord et pour le 22, soyez assuré que je m'en fous. Mais pourquoi considérer ce nom "Cotes du Nord" comme le vrai nom ? Il a été fixé par un fonctionnaire, il y a 200 ans... Des élus ont décidé de le changer en 85 (de mémoire), ça ne me parait illégitime.

    A part qu'en Breton (et en temps que fils d'instits issus de 1905, je me fous du Breton qui n'est qu'une langue theorisee), ça ne veut rien dire.

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  20. Oups, je voulais dire que Cotes d'Armor ne voulait rien dire. D'autant qu'à Loudéac, les "cotes de la mer" on s'en fout un peu.

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  21. Diantre ! Vous avez lu dans ma nostalgie, c'est fort, ça... Pour moi, aujourd'hui étant une date très particulière, ce fut plutôt une ambiance à la "papa pique et maman coud".

    (Vous paraîtrez quand, dans votre superbe auto ?)

    (merci !)

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  22. Marie-Georges : Papa pique et maman coud ? Ne me dites pas que Monsieur votre père est kleptomane, ce serait trop affreux !

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  23. Dorham, c'est bien tentant même avec les brigands de Suzanne et la Flavia de Didier.

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  24. Didier : Que non pas ! Disons alors "Papa repique" (les salades), pour coller au réel.
    Catherine : Vous avez le goût du risque ! Je vous imagine dans une sorte de "Corse-Lanta" (excusez-moi, je viens de lire un article sans intérêt sur l'émission maso-sauvage de TF1)...

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  25. Catherine,
    Comment ça s'expatrier? Sachez-le, JAMAIS la Corse ne sera séparée du continent!

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.