lundi 10 novembre 2014

Le Singe vient réclamer son crâne


Ce roman au titre étrange est le premier de Iouri Dombrovski, écrivain russe dont j'ai déjà parlé ici et . Commencé en 1943, sur le lit d'hôpital où l'avaient conduit ses quatre années de camp sibérien, il ne sera vraiment terminé qu'en 1958, par l'ajout d'un long prologue à la version initiale ; laquelle, en 1949, lui vaut une nouvelle condamnation, cette fois de dix ans, qui sera heureusement abrégée de quelques années après la mort de Staline. Le roman sera publié à Moscou en 1963. À cette époque, Dombrovski s'est déjà attelé à son chef-d'œuvre, La Faculté de l'inutile, dont il sait bien qu'il l'écrit “pour le tiroir”. Il parvient tout de même à faire passer son manuscrit à l'ouest, lequel est publié en russe à Paris, au printemps de 1978 ; malheureusement pour lui : quelques semaines plus tard, sauvagement agressé dans la rue par trois inconnus, fort suspectés d'appartenir au KGB, Dombrovski meurt à 69 ans, des suites de ce passage à tabac.

« Qu'est-ce qui se passe, mes bons messieurs ? Qu'est-ce qui arrive à notre pays ? Ces affaires incroyables, ces suicides inexpliqués, ces condamnations en vertu de lois huit fois séculaires, ces assassinats, ces rapts, ces viols commis par des boy-scouts, ce naufrage tragique et comique de notre civilisation, tout cela germe-t-il sur un terreau commun ? Pourquoi décrivons-nous ce désastre avec une espèce de délectation, sans songer à la pourriture qui le nourrit ? »

Iouri Dombrovski, Le Singe vient réclamer son crâne, Verdier, p. 30.

2 commentaires:

  1. Se mettre à trois pour tabasser un vieillard à cause de ses écrits...ce n'est pas en France qu'on verrait ça...sauf peut-être Robert Faurisson en 1989, mais c'est différend, on est en démocratie...

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  2. "Le mal court" et il semblerait qu'il ait aussi atteint nos contrées.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.