lundi 27 juillet 2020

La Gôchunie est de retour (alleluiah) !


Ah ! ça fait tout de même plaisir, cette sympathique et soudaine émulsion idéologique ! Oui, nous y sommes presque, c'est une affaire de semaines, peut-être d'heures : en mettant un Joffrin à son immobilisme, la gauche, notre gauche, la gauche française va de nouveau s'unir autour de son tout récent pivot autoproclamé et foncer vers l'avenir sans même attendre le futur. 

Évidemment, on entend déjà quelques esprits chagrins, et à gauche même, se lamenter qu'il ne faudrait pas confondre un ramassis de guignols ravagés de post-modernitude avec une véritable union de la gauche, comme ont su, jadis, en réaliser une ces grands hommes d'État que furent François Mitterrand et Georges Marchais – sans même évoquer le regretté Robert Fabre, que le monde oubliait régulièrement de nous envier même de son vivant. Mais enfin, le Programme commun, ça c'était du sérieux, de l'acier sans paille, de l'or vierge d'alliage ! Du moins, c'est le souvenir que certains octogénaires en gardent sans doute, et dont ils entretiennent pieusement le souvenir dans le confort feutré des EHPAD…

Le hasard a voulu que je tombe justement sur un paragraphe concernant Mitterrand et son fameux Programme. Je l'ai trouvé à la page 368 des mémoires de ce mauvais esprit de Jean-François Revel, Le Voleur dans la maison vide (1997, Plon). Il aurait été égoïste de ma part de ne point vous en faire profiter. C'est un peu long, mais bien divertissant, vous verrez. Le voici donc :

« Dans Un prince des affaires (1996, Grasset), portrait biographique d'un grand capitaine d'industrie, Ambroise Roux, l'auteur, Anne de Caumont, raconte un déjeuner organisé par Laurence et Pierre Soudet chez eux en mars 1977, pour faire se rencontrer le plus influent des patrons français et le Premier secrétaire du Parti socialiste. De l'avis général, l'alliance socialo-communiste allait gagner les élections législatives l'année suivante. Les deux hommes ne se connaissaient  pas. Ambroise Roux raconta plus tard que, posant à François Mitterrand, durant ce déjeuner, plusieurs questions sur des articles du Programme commun de la gauche qui lui paraissaient “extravagants”, il s'aperçut que le chef socialiste ignorait le contenu dudit programme. J'avais fait la même découverte en décembre 1972, par hasard également chez Laurence et Pierre Soudet, qui avaient bien voulu organiser chez eux le dîner destiné à préparer mon entretien avec Mitterrand pour L'Express. […] Le propos d'Ambroise Roux révèle qu'entre 1973 et 1977, Mitterrand n'avait toujours pas pris le temps de lire ce programme commun, bien qu'il l'eût cosigné, ne de s'enquérir des objections élevées contre ce texte par les économistes et les entrepreneurs, tant était inébranlable son indifférence aux idées. Ses mimiques de cabotin politique ne s'étaient pas non plus modifiées. Ambroise Roux ayant cité quelques absurdités du funeste programme, Mitterrand foudroie un Soudet penaud (il en avait été l'un des rédacteurs) et lui demande : « Est-ce vrai ? On a écrit de telles conneries dans le Programme commun ? » L'interrogation et l'aveu d'ignorance équivalaient à rejeter les “conneries” sur ses collaborateurs. De même, en 1972, je m'étais gaussé d'un article du Programme commun qui attribuait la pollution de l'environnement au seul système capitaliste et j'avais rappelé à Mitterrand ce fait notoire que la pollution était mille fois pire dans les pays communistes. Il partegea ma gaieté jusqu'au fou rire et, m'arrachant le livre des mains pour bien vérifier le passage, il s'écria : « Non ? Pas possible ? Ils ont écrit cette ânerie ? » “Ils”… Toujours les autres. L'autocrate irresponsable que Mitterrand deviendrait durant ses deux présidences se peignait là déjà tout entier. »

J'ajoute que les vingt ou vingt-cinq pages que Revel consacre, dans ces mémoires, à Mitterrand et à ses rapports personnels avec lui forment un fort savoureux cocktail de férocité et de drôlerie parfaitement dosées. Et l'on se demande si, toujours de ce monde, il aurait été capable de tracer plus de deux ou trois maigrelets paragraphes à propos de Laurent Joffrin.

19 commentaires:

  1. Je vais finir par regretter notre mécano de chez Messerschmitt.

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    1. Lui aussi, d'ailleurs, sort en loques des mémoires de Revel !

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  2. Cretinus Alpestris27 juillet 2020 à 11:53

    Arrêtez de tirer sur le Joffrin à main.

    Pourquoi Joffrin n'est-il pas rentré au Figaro ?

    Il n'était pas assez blindé pour devenir un Mouchard d'Dassault.

    Ah.

    Ah ah.

    Hum.

    Oui. C'est lundi.

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  3. Et dire qu'on était un certain nombre à l'avoir épluché, critiqué ponctuellement et soutenu globalement...

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    1. C'est à cause de tout ce temps perdu que vous n'avez pas été élu président de la République…

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  4. On peut donc en déduire que beaucoup de blog de gauche ne sont pas rédigés par leurs tauliers. On peut donc relaxer ces derniers.

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    1. Les blogueurs de gauche seraient en prison ? Ah ben…

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  5. Citation pour cotation en voici une autre :
    "La France, dit-on, est le pays de la liberté...
    En 1950,les élites exaltaient le paradis soviétique et chantaient la louange de Staline. En 1960, elles assuraient que la décolonisation suffirait à garantir le bonheur des peuples d'outre-mer. En 1965, elles s'enflammaient pour Fidel Castro, Ho Chi Minh. En mai 1968, elles rêvaient de libérer l'individu de toute contrainte sociale. En 1975, elles saluaient la victoire des communistes en Indochine. En 1985, elles proclamaient que la France devait accueillir les déshérités de la terre entière. Dans les années 1990, l'idéologie libertaire et l'ultralibéralisme se rejoignaient pour affirmer que le temps des nations, des familles et des religions était terminé.
    Pendant cinquante ans, les esprits réfractaires à ces positions ont été victimes du terrorisme intellectuel, car ils ont été traités de réactionnaires, de fascistes, de capitalistes, d'impérialistes, de colonialistes, de racistes, de xénophobes, d'obscurantistes ou de partisans de l'ordre moral, même quand ils ont eu raison avant tout le monde..."

    Le Terrorisme intellectuel - Jean Sévillia - Perrin éditeur (février 2000)

    Et voilà que vingt ans après - malgré Raymond Aron et malgré François Furet, dont le nouveau pouvoir ignore tout - on associe les deux camps "les vainqueurs et les vaincus", la droite et la gauche, pour imposer à la France la dictature maastrichtienne.

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  6. Non: c'est parce que j'ai mis trop de temps à comprendre que, pour un vrai politique, les programmes ne servent qu'à gagner les élections ( comme l'aurait dit Mitterrand à Attali, d'après ses Verbatim, pour lui expliquer pourquoi Rocard n'aurait jamais aucune chance.)

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  7. Rappelons tout de même que Mitterrand n'était pas de gôche.

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    1. Certes, mais ceux qui osaient le dire de son vivant se faisaient agonir d'injures.

      De toutes façon, qu'un mafieux soit “de gauche” ou d'ailleurs n'a qu'une importance très secondaire.

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    2. Ce qui me plaît, chez Macron, c'est qu'il aura mis 2 ou 3 ans à atteindre la présidence, obsession à laquelle Mitterrand aura consacré une soixantaine d'années.

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    3. Mais ne le dites pas à Sqrkofrance !

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    4. Justement, à propos de Sarkotruc : comme vous êtes un assidu lecteur de ses brillants commentateurs, vous devriez savoir que Macron n'a absolument aucun mérite, puisqu'il n'est qu'un pantin bourré de son, mis en place grâce au plan machiavélique ourdi secrètement par les puissances occultes de la finance internationale aux noirs desseins, c'est-à-dire une gigantesque toile d'araignée ayant le pouvoir de nuisance des Sages de Sion qui se seraient associés aux 200 familles.

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    5. Les Sages de Sion SONT les 200 familles, qui se sont déguisées en Juifs pour ne pas être reconnues.

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    6. Encore un coup des forces judéo-maçonniques !

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    7. Panaché d'un complot américano-sioniste, évidemment.

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  8. Sarkozy ?
    C'est lequel déjà ?
    Celui qui ne s'est pas fait Lady Di, ou celui qui ne s'est pas fait la Princesse de Clèves ?

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.