mardi 15 août 2023

Répugnante transparence


 Dans J'ai réussi à rester en vie, livre consacré à sa première année de veuvage et publié en 2011, Joyce Carol Oates écrit ceci (c'est elle qui souligne) : « Notre époque est celle de la “transparence”. Ceux qui s'y livrent se flagellent, dans une sorte de parodie de repentir public, et supposent alors que flageller, exposer et humilier les autres est justifié. Je trouve cela immoral, contraire à toute éthique. Grossier, cruel et inadmissible. »

De fait, la “transparence” est le grand rêve, le but ultime des tyrannies modernes : on se souvient de Goebbels déclarant, pour s'en réjouir, en février 1933, que désormais aucun Allemand ne serait plus jamais seul. Au moins, à l'époque, face au nazisme et au communisme, ces deux mâchoires du même étau, il devait être encore possible – à condition d'être prudent... – de préserver sa solitude, de se réfugier dans l'opacité. Mais qui y songerait aujourd'hui, quand tout secret protégé prend des allures de monstrueux péché contre l'humanité tout entière ?

Il est urgent de rendre leur épaisseur opaque à notre monde et aux silhouettes vagues et translucides qui le peuplent encore.

6 commentaires:

  1. Mais non, mais non ! Un journal fonctionne comme un écran de cinéma : tout le monde peut voir les images qui s'y inscrivent, mais personne ne sait ce que pense et fait le projectionniste…

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  2. Vous avez des choses à cacher, c'est clair.

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  3. J'allais faire la même remarque que Fredi M. ... tout en sachant que ce sont nos contradictions qui nous rendent (qui nous perpétuent) humain et nous permettent l'auto-dérision (ce qui manque furieusement à certaines catégories de furieux, justement).

    La transparence... ce n'était pas une illusion des années 60-70, quand on imaginait qu'en "disant tout", ou pire ou mieux, en "se disant tout", on parviendrait à l'harmonie universelle?
    Il m'a fallu des années pour comprendre qu'il ne fallait surtout pas tout (se) dire.

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  4. J'aurais tendance à nuancer cette prétendue transparence moderne. Même si les occasions et les moyens sont innombrables, les réseaux sociaux remplis des vies passionnantes de nos contemporains, tout ceci ressemble davantage à un gigantesque théâtre d'illusions où chacun s'efforce de jouer sa partition devant ses suiveurs.

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  5. Ne serait-ce pas une transparence de papier puisque nos chères têtes blondes, par narcissisme et fuite en avant, s'inventent des vies à travers les réseaux sociaux. Ces hérauts modernes se mentant, il est vrai, en premier lieu, à eux-mêmes.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.