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mardi 19 juin 2012

Donne du Rom à ton home (oui, bon…)


Dans le passage qui suit, daté du 30 mars 1992, l'Eliézer dont il est question est gendarme. (Phrase éminemment stupide : Eliézer ne saurait être gendarme seulement dans le passage qui suit…) Quoi qu'il en soit :

« Pas le temps de faire des phrases, mais : tout semble avoir commencé par l'évocation tout à fait tranquille, dans la bouche d'Eliézer, de l'arrivée des “Manouches” sur une des communes de sa circonscription. Ils viennent tous les ans, à l'occasion d'une fête religieuse. Aussitôt, les gendarmes sont sur les dents, parce que les cambriolages et les vols de toute espèce augmentent de soixante pour cent durant leur séjour. « Tu es sûr de ce que tu dis, ce n'est pas une légende ? » Ma question le fait rire : les statistiques seraient formelles. Il dit aussi que les Manouches ont tous d'énormes et ruineuses voitures, et que si on leur demande leur métier, ils n'ont jamais aucune source sérieuse de revenus à citer : ils répondent tous vaguement qu'ils “travaillent sur les marchés”. Donc, pour lui, aucun doute : presque tous vivent de vols et de recels. Il dit cela sans aucune hostilité particulière, comme on rappelle de simples vérités de l'existence, d'ailleurs très généralement reconnues. Oui, mais…

« Que les Manouches, ou les Gitans, ou les Romanichels, ou les Tziganes (il y aurait sans doute des distinctions à faire), soient pour la plupart ou en très grande proportion, des voleurs, c'est peut-être largement “reconnu” dans la population, mais c'est une affirmation qui a tous les caractères extérieurs du préjugé raciste. A-t-on le droit moral de croire une chose pareille ? Si elle était avérée, aurait-on le droit de la savoir ? »

Renaud Camus, Le Château de Seix, P.O.L, p. 89.

L'auteur pose évidemment les bonnes questions, comme on dit en Journalie. Que doit-on faire d'une information pareille ? La rejeter comme pure élucubration, simple émanation d'un préjugé putride ? Difficile, dans la mesure où la gendarmerie est très scrupuleuse dans la tenue de ses “livres de comptes”… L'inverser mécaniquement, faute de pouvoir la nier tout à fait, comme nous y inviteront avec force et froncement de sourcils les penseurs du vivre-ensemble ? L'inverser, soit affirmer que les “Manouches”, pour reprendre l'appellation eliézérienne, ne sont contraints au vol qu'en raison du racisme ancré et congénital des Français de souche, qui les empêche absolument de trouver du travail, travail auquel ils aspirent tout naturellement, comme tout le monde. Oui, bien sûr, il y a toujours cette échappatoire-là. Mais, outre le fait qu'elle a déjà beaucoup servi, et pour les populations allogènes les plus diverses, elle pourrait finir par exposer ses tenants à la mauvaise humeur des autochtones, qui leur feront remarquer que le chômage frappe aussi largement dans leurs rangs, mais qu'ils ne se sentent pas tenus pour autant de s'affilier à un gang de cambrioleurs ou à une confrérie de voleurs de voitures. Il semble donc que le plus simple est encore, lorsque l'information s'invite dans le débat (je suis un locuteur journalophone hors pair), de ne pas l'entendre, de faire comme si rien n'avait été dit ; ou, à tout le moins, de ne surtout pas la répéter en public – conseil que je m'empresse, on le voit, de ne pas suivre après l'avoir donné. 

Mais c'est que j'ai bien hâte de voir par quels raisonnements byzantins les léons de la blogosphère (j'ai décidé de faire de Léon un nom commun, afin de désigner une race spécifique (aïe !), comme on parle déjà d'un fameux don juan ou d'un vieil harpagon) vont pouvoir innocenter totalement l'accusé et nous expédier, Camus, la gendarmerie nationale et moi, dans les enfers de la nauséabonderie.