Il y a un an ou deux, j'avais fait venir à moi le gros livre consacré par Pierre Boutang à Charles Maurras (Maurras, la destinée et l'œuvre, éditions de La Différence). Après deux ou trois chapitres, il avait bien fallu me rendre à cette évidence que j'avais visé un peu haut : ces sept cents pages aussi denses qu'érudites s'adressaient à des gens ayant déjà une connaissance assez précise de la place occupée par l'homme, sa pensée et son action durant toute la première moitié du XXe siècle – ce qui n'était malheureusement pas mon cas ; je remisai donc le pavé, avec cette vague tristesse que l'on éprouve à se découvrir moins intelligent que ce qu'on croit voir le matin dans le miroir.
Il y a quelques mois – mais je n'en ai rien su avant hier –, l'historien Olivier Dard a fait paraître un autre livre sur Maurras, qui m'a semblé être une biographie classique, donc nettement plus abordable pour un cerveau en quasi jachère comme le mien ; je l'ai commandé ; avec l'espoir que, le terrain ainsi déblayé, je pourrai ensuite revenir à celui de Boutang. Car je commence à être plus que fatigué de tous ces gens qui n'ont que l'adjectif maurassien à la gueule, qu'ils bavent évidemment telle une flétrissure, alors que, tout comme moi, ils n'ont jamais lu la moindre ligne de cet homme, dont l'importance fut capitale, serait-ce seulement par l'influence, positive ou négative, qu'il a exercée sur la plupart des grands esprits de son temps, de Péguy à Bernanos, en passant par Gide, Valéry, Montherlant ou de Gaulle.
Une dernière chose, à propos de Charles Maurras : voici un homme qui prétendait remettre de l'ordre dans la société, mais qui, visiblement, n'était même pas capable de le faire sur son propre bureau. Ce qui nous fait déjà un premier point commun.
Quand NKM avait déclaré, médisante : "Buisson n'a pas voulu faire gagner Sarko, mais Maurras", j'ai compris qu'il n'y avait plus rien à attendre de cette droite-là. Je n'en suis jamais revenu.
RépondreSupprimerMaurras est étouffé pour la simple raison que si la gôche fouillait un peu, elle trouverait que Maurras avait raison dès le début sur l'Allemagne, sur Hitler, face à la sociale-démocratie de Léon Blum, déjà naïve.
Après, fouiller = lire des livres. Donc bon, il ne faut rien attendre...
Maurras, une influence sur Gide ? De quelle manière ?
RépondreSupprimer(Mon Dieu, si pour vous ce bureau est en désordre...)
Le mot "influence", dans ce cas, n'est effectivement pas le bon. Disons que leur antagonisme (et leur rivalité mondaine : Action française vs NRF…) a poussé Gide à définir sa pensée plus fermement qu'il ne l'aurait sans doute fait sans Maurras.
SupprimerC'est comme ça que j'avais interprété vos propos initiaux, et c'est ce dont je m'étonnais. Je n'ai jamais eu l'occasion de parcourir les articles publiés par Gide dans la NRF, mais j'ai lu son Journal. Il y peste assez fréquemment contre Maurras mais ne semble pas très bien connaître les idées de ce dernier. En tout cas, il ne la discute pas sur le fond.
SupprimerDepuis quand vous tutoyez vos lecteurs ?
RépondreSupprimerMaurras, un de mes lecteurs ?
SupprimerDe l'eau de là.
SupprimerBon. Tu maurras pas. Ce jeu de mot ayant été fait par personne, je trouve que les blogs reacs perdent de la qualité.
Même moi, je n'ai pas osé.
SupprimerPourtant, je fais partie de ceux qui osent tout. Demandez à Monsieur Georges.
Faut dire que pour une fois, j'avais une citation de Paul Valéry à placer. C'est quand même plus classe
Classieux
Duga
Cher Nicolas, je vous dois la vérité. Ce sera dur à lire, mais je sais que vous serez courageux.
SupprimerVotre jeu de mot est très mauvais.
Si.
Vous êtes bien sévère concernant l'état du bureau de Mauras. Certes la table affiche "complet" mais les piles semblent organisées.
RépondreSupprimerC'est parce qu'il ressemble au mien !
Supprimervoici un homme qui prétendait remettre de l'ordre dans la société, mais qui, visiblement, n'était même pas capable de le faire sur son propre bureau
RépondreSupprimerIl est possible d'être pour l'ordre, à condition que cela ne s'applique qu'aux autres. Ce serait une bonne définition de l'anarchiste de droite, ça.
Ceci dit, le bureau de Maurras n'est pas si bordélique que ça... Ma femme serait heureuse si le mien était comme cela. En même temps, qu'est-ce qu'elle en a à faire, c'est mon bureau, pas le sien.
Il ne faut pas prononcer le Maurras, vous le savez bien.
RépondreSupprimerVelasquez
"Il faut de l'ordre pour vivre et du désordre pour survivre" (Albert Memmi)
RépondreSupprimer"Le monde est menacé de deux maux : l'ordre et le désordre" (Paul Valéry)
Désordonné
Duga
Un bon moyen de connaître un peu mieux Maurras reste de le lire. C'est écrit en un excellent français. Je conseille le classique "Mes idées politiques".
RépondreSupprimerMaurras est un océan, a-t-on coutume de dire pour s'éviter sans doute d'y plonger.
RépondreSupprimerSon plus grand "défaut" fut de n'avoir pas ramassé toute la lave du volcan politique Maurras dans une somme aquinienne qui ferait autorité par sa seule portabilité.
Si on s'intéresse à sa formation intellectuelle - elle explique tout le reste - je me permets de recommander un petit bouquin d'Eric Vatré, Charles Maurras un itinéraire spirituel paru aux Nouvelles Editions Latines en 1978 (236p.) et que l'on trouve en bouquiniste ou dans les librairies fournies.
Pour le reste, le grand oeuvre, mis à la reliure par le maître lui-même, sont Les Capitales (Flammarion 1954) dont trois tomes (grand in8°) sur quatre ne concernent que la poésie et la littérature, ce qui ne trompe pas non plus sur l'intention de pérenniser ce à quoi il tenait le plus. On les trouve sur Internet et ça vaut le coup.
Manquent les pieds sur la pile mais c'est très incorrect...
RépondreSupprimerEt deuxième point commun, vous aurez tous les deux été tondus à la libération, ne l'oubliez pas !
RépondreSupprimerVous prétendez remettre de l'ordre dans la société ? Depuis le temps que je vous lis, cela m'avait complètement échappé, j'aurais même dit le contraire.
RépondreSupprimerNon, je prétends juste que mon bureau est en désordre…
SupprimerMaurras, Péguy, Gide, Valéry, et qui sont donc les grands esprits d'aujourd'hui ?
RépondreSupprimerVous qui vivez aux cimes du savoir, montrez nous la lumière qui éclaire votre toit !
C'est vrai qu'un raciste, antisémite, pétainiste, délateur pendant l'occupation, c'est important de le tirer de l'oubli aujourd'hui.
RépondreSupprimerEmily
Vous avez oublié homophobe et pédophile.
SupprimerC'est possible aussi, mais je ne parle que de ce que je sais.
SupprimerEmily
Assez visiblement, non.
SupprimerOh mais la pédophilie n'effraie pas les progressistes, bien au contraire : Kohn Bendit vs Paul Guth
SupprimerNon, Emily voulait dire "anti-pédophile moisi"
SupprimerPédophobe en quelque sorte.
"Car je commence à être plus que fatigué de tous ces gens qui n'ont que l'adjectif maurassien à la gueule"
RépondreSupprimerQue voulez-vous, le nationalisme c'est déjà le mal, aussi je vous laisse imaginer ce que le nationalisme intégral de Maurras peut déclencher comme douleurs chez ces gens.
Plutôt que lire des exégètes abscons , lisez plutôt, bon Didier, "Les amants de Venise" ou "Au signe de Flore"...
RépondreSupprimerEvidemment, vous procurer les Oeuvres capitales, comme suggéré par un pertinent commentateur, serait encore mieux.
Je viens de commander les deux que vous citez. Et, du coup, j'ai annulé celui dont je parlais. Je me demande si je ne serais pas un garçon un peu trop influençable…
SupprimerUne garçon un peu trop influençable...
SupprimerDès que vous déclarez lire Maurras, avec l'amour d'un amant plus que d'un analyste, ce qui est votre cas, vous proclamez votre appartenance à cet ordre ancillaire dans la littérature qu'un Proust a pu, au prix de sa vie, dégager de la gangue de ses chaînes domestiques.
Vote vie, constamment ramenée à ces choses commandées qui font l'office et l'utilité de la domesticité, manque de ce souffle dont Mauras a été l'exemple, avant de devenir lui-même l'illustration du naufrage.
Car il faut rappeler comment a fini Maurras.
Comme une merde.
C'est vous qui avez bu ou c'est moi ?
Supprimer"Charles Maurras : tonner contre."
RépondreSupprimerFlaubert, Nouveau dictionnaire des idées reçues
C'est le propre de l'homme voulant mettre de l'ordre dans les sociétés, il n'en a aucun pour lui dans la vie de tous les jours.
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