mercredi 28 janvier 2009

À tous les kékés, V

Mes petits kékés, avant de prendre congé, je dois encore attirer votre attention sur une chose : il va de soi que vous devez aimer vos mères, mais méfiez-vous-en tout de même. Elles sont toujours prêtes à vous prostituer, pas tellement pour l'argent (qui compte tout de même), mais pour ce qu'on pourrait appeler la gloriole maternelle, afin de faire court.

Un exemple : aujourd'hui, comme très souvent, au 10 de la rue Thierry-Le Luron excellemment nommée, il y avait "casting-de-kékés". Pour un magazine intitulé Parents. Il s'agit d'une sorte de journal dans lequel, au gré des modes psycho-féminines, on explique à vos "mamans" et "papas" le plus court chemin menant de l'appartement familial au divan freudien. Confortable le divan, heureusement : vous n'y échapperez que par miracle, au train où vont les choses, et vous y serez nombreux. Bien entendu, tous les articles meublant cette publication vomie par les enfers se doivent d'être illustrés. Par quoi ? Hein ? Par quoi ?

Des photos de kékés, évidemment. Donc, régulièrement, le magazine lance des appels d'offres, pour trouver de petits couples modernes désirant tirer un peu d'argent de vous, mes drôles. Il les trouve très facilement ; ça se bouscule au portillon (au sens propre : il y a vraiment un portillon...) par dizaines. Il n'y a pas que des mères : France de demain oblige, on voit aussi arriver des papas jeunes-minces-et-souriants (les vôtres, mes fragiles), tout aussi enthousiastes que leurs femelles (vos mères éternelles, hélas) pour aller gagner leur poignée d'euros en vous pilorisant durant d'interminables quarts d'heure face au photographe, aussi professionnel qu'indifférent à vos gesticulations.

Un jour, dans quelques années, vous allez découvrir cela : vous à poil sur une couverture, une tétine dans le bec, une peluche imbécile dans les mains, que sais-je encore ? Vous, petits muets vagissants, vendus, loués, prêtés, vantés par vos parents si attentifs à votre bien-être – disent-ils –, si respectueux de votre...

Non, rien, laissez ; ce n'est probablement pas leur faute. Pardonnez-leur, d'ici quelque temps.

37 commentaires:

  1. Hmmmmmmmmmm... vous ne lisez pas assez souvent ce genre de canard : les enfants y sont, à tout jamais, irréversiblement, devenus des "bout'chou" (sans x) et des "p'tites crevettes"...

    RépondreSupprimer
  2. Vous plaisantez, Guillaume ? Ces journaux (et les "féminins" aussi) atterrissent semaine après semaine sur mon bureau sans que je ne demande rien à personne.

    ET JE LES LIS ! Enfin... feuillette...

    RépondreSupprimer
  3. Ce billet reflète exactement comment, sur d'autres sujets plus sensibles, vous vous fourvoyez : en tirant des généralités de situations exceptionnelles, minoritaires vous déformez la réalité...

    Juste pour le plaisir d'exagérer ?

    Parce que comme d'autres ne peuvent résister à un bon mot, vous ne pouvez résister à la satyre ?

    A vous de me le dire...

    RépondreSupprimer
  4. elle n'a pas l'air contente : elle a eu un garçon, et elle voulait une fille ! Damned, tout est à refaire.

    RépondreSupprimer
  5. Oui la photo est horrible je trouve, ce lit qui n'en est pas un, ce bébé sans couvertures, sans bras autour de lui...

    RépondreSupprimer
  6. Je crois, sans vouloir offenser les mères, que cette photo représente une sculpture...

    J'aime bien cette idée de vendre les enfants en photos... Le pur blasphème (on peut aussi les prostituer, écrivait fort bien Gabrielle Witkopp).

    RépondreSupprimer
  7. sur la photo... est-ce l'irremplaçable ? ne te connaissant pas (et nonobstant cela, me permettant de te tutoyer...) ça ne m'étonnerait qu'à moitié. Le billet est savoureux quoi qu'il en soit, très juste dans sa cinglante ironie de nos bonnes pensances "bourgeoises".

    RépondreSupprimer
  8. Dans le Moniteur, il y a des photos de fraiseuses-tourneuses beaucoup plus bandantes, je vous le dis.

    RépondreSupprimer
  9. La satire résiste assez aisément aux satyres...

    RépondreSupprimer
  10. Cette photo est immonde ... mais zoù trouvez-vous des horreurs pareilles, Didier, vous devriez avoir honte !
    (vous remarquerez que je ne vous ai jamais fait cette remarque pour le fond de vos propos !)

    RépondreSupprimer
  11. Zoridae : Satire ? Caricature ? Ben oui, évidemment !

    Mère Castor : ou alors, elle commence à mesurer la connerie qu'elle vient de faire ?

    Yibus : je crois aussi.

    Lucia : Non, ce n'est pas elle... grâce au Ciel !

    Martin-Lothar : le lien, bon sang !

    Guillaume : vous m'évitez d'avoir à relever...

    RépondreSupprimer
  12. G.C. a dit...

    "La satire résiste assez aisément aux satyres..."

    Comme c'est pédant, ces petits entrechats...

    Suzanne

    RépondreSupprimer
  13. C'est moi Bébé cadum.

    L'image est créé en 1912 mais quand France Dimanche en 1956 écrit un article "le bébé cadum c'est moi" des dizaines de personnes revendiquent être le modèle.

    Alors que bébé cadum c'est mon grand père FernandCerise.

    RépondreSupprimer
  14. Bon sang, je ne reviendrai pas sur ce blog tant que cette abominable photo me sautera aux yeux, à l'ouverture de la page.

    ( Tiens, au moins, celle-là, on sait comment la faire partir, il était temps! )

    Suzanne

    RépondreSupprimer
  15. @Didier, je crois qu'il s'agit d'une oeuvre de ce sculpteur allemand (ou américain ?) qui a exécuté des statues d'êtres humains, très ressemblants mais toujours étranges, à donner froid dans le dos (comme celle qui illustre votre billet). L'une d'elle est reproduite sur le livre de Jean Clair :
    « Journal d'un atrabilaire » dans l'édition Folio.

    @Suzanne, vous n'aimez pas ? C'est une oeuvre d'art, et ça donne à réfléchir, à mon sens.

    RépondreSupprimer
  16. Emma, je suis bien contente d'apprendre que c'est une sculture, une oeuvre d'art... Ça me met moins mal à l'aise.

    RépondreSupprimer
  17. Le sculpteur s'appelle Ron Mueck. Sculptures très réalistes. Vous pouvez en voir ici .

    RépondreSupprimer
  18. Catherine, Mère Castor, il va bientôt sculpter l'américaine et ses 8 faux-jumeaux-lardons moches comme des poux ( laids ).

    Didier : je fume actuellement du silence avec Desjardins. Merci encore.

    RépondreSupprimer
  19. Merci Pluton ! J'avais vu des sculptures de Ron Mueck à Londres il y a quatre ans et depuis je cherchais vainement à me rappeler son nom. Il avait réalisé notamment une sculpture de son père sur son lit de mort, nu, qui était très troublante. Et lui en ange également... Si cette photo est une œuvre d'art alors elle me parle plus. J'aime ce premier regard échangé un peu étonné, un peu hagard du côté de la mère...

    RépondreSupprimer
  20. Zoridae, ce sont vraiment des sculptures très impressionnantes. Je dois avouer que je les aime bien.

    RépondreSupprimer
  21. Ne vous plaignez pas! Grâce à Pluton et son lien, j'ai vu pire: un bébé aussi attirant que ces chiens chinois(?) plein de plis.
    Orage

    RépondreSupprimer
  22. Amusante, la réaction de vos lecteurs, Didier. Dans un premier temps c'est, mais quelle horreur, c'est immonde, berk, je ne remettrai plus les pieds ici....Dans un deuxième temps, ah c'est une oeuvre d'art, mais ça change tout, sublime, quel réalisme, on dirait qu'elle va parler, et le regard de cette mère....A méditer.

    RépondreSupprimer
  23. Manutara : ce n'est que moi qui ai dit "je ne remettrai plus les mots ici", donc ce n'est pas comme s'il y avait un groupe de lecteurs qui, d'un seul mouvement, change d'avis.

    - C'est glauque, ton truc, là.
    - C'est le l'Art, coco, et d'un artiste coté, tu sais.
    - Ah, oui. Je me disais bien. Ses signifiants m'interpellent, aussi.

    Personnellement, j'avais vu que ce n'était pas la représentation d'une véritable accouchée et de son nouveau-né, encore que j'ai pensé à ces corps - comment dit-on "pétrifiés dans la résine" - écorchés présentés par ce bon docteur allemand, ces cadavres de prisonniers chinois qu'on expose aussi vrai, bien plus vrai que nature.

    Emma: ce n'est pas que je n'aime pas, c'est que ça ne me touche pas, ça ne me parle pas. Je fais partie des personnes qui sont à des lieues de l'art conceptuel et de tout ce qui s'y raccroche, et je n'ai pas envie de faire le moindre effort pour m'y intéresser, encore moins pour faire semblant de m'y intéresser. Je ne dis pas que c'est du foutage de gueule . Après tout, il y a peut-être la même différence entre un vrai artiste plastifieur de cadavres oui mais au message transcendant la mort la vie l'art et la pauvreté du subventionnement de l'art et un vulgaire empailleur de merdes, artiste conceptuel du dimanche qui n'exposera jamais, lui, son étron quotidien au Palais de Tokyo qu'entre les dessins de Picasso et ceux du fils de ma voisine. (pas du mien, mon kéké à moi il est trop génial pour que j'en parle dans un blog, mais c'est un autre sujet).


    Suzanne

    RépondreSupprimer
  24. (et une virgule après Tokyo. Je me relis, pardon de faire des phrases aussi longues. D'ailleurs, j'avais bien dit que je ne mettrais plus les mots ici tant que...=

    Suzanne

    RépondreSupprimer
  25. Et je soupçonne Pluton de plastifier les vésicules et appendices divers de ses patients inconscients pour les monter en compositions artistiques genre "lampadaire halogène au mât tressé de trente mille nerfs optiques et trois intestins grêles".
    (on ne nous dit pas tout)

    Suzanne.

    RépondreSupprimer
  26. Je ne savais pas qu'il y avait une rue "Therry Leluron". Justement, dans la queue de ce magazine, n'y avait il pas des couples Papa et Papa, ou Maman et Maman ??? Voilà qui donnerait une image plus moderne à ce magazine...

    RépondreSupprimer
  27. Manutara,

    C'est évident que la réaction ne puisse être la même qu'il s'agisse de sculpture ou d'une photographie.

    Dans le cas où les personnages seraient photographiés, le lit semblerait bien nu, ce bébé laissé sans couverture aussi, et l'attitude de la mère, troublante interrogerait désagréablement - le pire que j'ai imaginé étant une mère qui accepte de mettre en scène l'arrivée de son enfant de cette façon artificielle et figée...

    S'il s'agit d'une sculpture ce n'est plus la même chose, ce ne sont plus des sentiments que l'on observe seulement, ni des gestes (ou l'absence de gestes) mais aussi le regard d'un artiste sur l'animalité de l'humain, sur le premier échange mère enfant.

    RépondreSupprimer
  28. Ah ! Chère Suzanne, l'art plastique et son côté aussi glacial que figé ne m'attire pas beaucoup en tant que praticien... Je préfère de loin la matière chaude, fumante, palpitante, dégoulinante d'humeurs odorantes et colorées et encore, je ne vous dis pas tout...
    Tiens, je vais repiquer une tête dans le Styx moi !

    RépondreSupprimer
  29. ... bien nu peut être mais quand il fait 32° quand on accouche on a pas besoin de couverture... etc..

    RépondreSupprimer
  30. @Suzanne :
    je pense que Zoridae a raison : les réactions sont différentes devant la photo, si on pense que c'est une scène réelle ça fait presque mal, cette femme déjà âgée, et toute cette nudité, et cet isolement, le regard surtout de la femme est affreusement triste. Justement tout cela est "trop", et quand on apprend qu'il s'agit d'une statue, on en vient même à être soulagé.
    Je ne suis pas d'accord donc quand vous semblez vous moquer : ah, si c'est une oeuvre d'art, alors ça change tout, comme si on était des gogos snobs, et prêts (prêtes) à gober n'importe quelle bêtise qui s'intitulerait "art contemporain". Il y a une force indéniable dans cette représentation, ce face à face que nous ressentons vis-à-vis d'elle, l'absolue solitude du nouveau-né et de la mère désemparée, ayant à peine la force de relever la tête . Bref, je ne continue pas, j'ai peur que vous n'ayez pas envie de vous laisser convaincre.

    RépondreSupprimer
  31. Je remarque que je suis la première à avoir soulevé la question de la photo ... finalement, j'ai bien trouvé le point le plus important de votre billet, Didier, que m'offrez-vous ???
    Biz

    RépondreSupprimer
  32. Suzanne et Zoridae c'est étrange cette idée qu'une photographie ne puisse être que le stricte reflet de la réalité, sans que l'auteur n'ait cherché, lui aussi, a manifester son sentiment sur "l'animalité de l'humain, sur le premier échange mère enfant".
    Aucun rapport, mais s'il fallait symboliser la guerre civile espagnole par deux oeuvres, on choisirait probablement la photo de Capa, montrant le républicain touché à mort, ainsi que le tableau "Guernika" de Picasso, deux oeuvres, qui, tout en s'ancrant dans la réalité, sont aussi subjectives l'une que l'autre, ne serait-ce que par le choix du sujet, puisqu'on décide de montrer les souffrances endurées par un camp, le camp du "bien" et occulter celles subies par l'autre, le camp du "mal".
    Enfin tout ça pour dire que j'ai du mal à faire la différence entre la photographie pseudo-réelle de ce qui aurait pu être une femme venant d'accoucher et l'oeuvre d'art réelle de Mueck qui représente une femme venant d'accoucher avec un réalisme photographique. Dans tous les cas on a bien compris, qu'enfanter n'est pas une partie de plaisir.

    RépondreSupprimer
  33. Tiens, j'avais laissé passer celui-ci, c'est dommage !
    Vous savez quoi ? Je pense qu'exceptionnellement, je sois d'accord avec vous ! :-))

    RépondreSupprimer
  34. Eh bien, dites, Monsieur Poireau, vous êtes descendu loin pour le retrouver, celui-là ! Une vocation de spéléologue rentrée, peut-être ?

    RépondreSupprimer
  35. Didier : non ! Je cherchais l'originale de l'article diffusé par Marianne et je me suis fait happer par cette photo ! D'ailleurs, je n'ai pas retrouvé l'article du départ mais tant pis…
    :-))

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.