mercredi 13 juin 2012

Littérature de fond, vue par un écrivain en bâtiment


Je lis paresseusement, depuis quelques semaines : on le comprendra dans le journal de juin, où je le dis et l'explique plus ou moins. Et je lis Renaud Camus, ce qui ne surprendra personne. Paresseusement ? Oui : j'ai repris le journal de l'auteur en question, de l'origine, et j'ai décidé de ne pas m'arrêter tant qu'il n'aura pas acheté le château de Plieux. Donc, c'est à lui de voir, hein. Je navigue en ce moment dans l'année 1989, Fendre l'air. Et je tombe, en ce volume, sur tel paragraphe où Camus parle de musique, de certains morceaux de musique qui lui remontent de son adolescence et qu'il écoute, récoute, et en fait n'écoute pas réellement, qui lui servent de musique de fond. Il saute, de là, à la littérature, établissant un parallèle fécond et hautement jouissif entre la musique et la littérature de fond

De quoi s'agit-il ? eh bien, si j'ai compris, de la même chose : de ce qu'on lit (relit, re-relit) en pensant à autre chose, en rêvassant, sautant des pages, s'attardant sur ce paragraphe ou sur un autre, parce qu'on est déjà venu vingt fois, trente, cent, dans ces sentiers. Ça ne veut pas dire qu'on comprend mieux, juste que l'on pénètre sous des frondaisons bien connues, familières – mais pas forcément intelligibles –, où l'on sait que l'on reviendra tôt ou tard, encore et encore. 

En dehors du fait que ce “concept” de littérature de fond m'a séduit en lui-même, il se trouve que j'étais justement occupé à le pratiquer vis-à-vis de son auteur : voilà environ deux ou trois semaines que des écrivains m'attendent, sur la table, des grands a priori, des qui ont leur notice dans toutes les encyclopédies. J'ai très envie d'eux, de leurs œuvres, de leurs livres. Il n'empêche que, pour le moment, je les tiens en lisière, parce que Renaud Camus me sert de littérature de fond.

Cette idée de littérature de fond, qui décidément me ravit, je l'avais pourtant parfaitement oubliée, depuis ma première lecture, il y a déjà quelques années. Et c'est ainsi qu'un écrivain devient irremplaçable.

7 commentaires:

  1. Vu le côté répétitif de la chose depuis plus de vingt ans, j'appellerai ceci, "littérature de fond de roulement".

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  2. À propos de répétitif, mon cher Léon…

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  3. Les auteurs du 20ème siècle ce sont les pleurnicheries d'un Céline, les gérémiades d'un Drieu (celles d'un Camus ?) d'un pays qui rétrécit.
    Ma littérature de fond reste celle du 19ème, siècle flamboyant dans tous les arts.
    Je porte le deuil du 19ème.

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    1. J'oubliais les sanglots longs d'un Bernanos.

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  4. Il touche des droits, Renaud, pour cette photo ?
    Vu l'usage récurrent que vous en faites, ça lui ferait une petite rente.

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  5. C'est votre madeleine de Proust littéraire en quelque sorte ?

    Duga

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  6. Le niveau des commentaires baisse. Je m'attendais à lire "C'est au fond qu'il y a la vase" ou un truc dans le style.

    Je me fais un petit recueil personnel de vos billets consacrés à la lecture.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.