samedi 1 juin 2013

That cold day in the park


Peut-on imaginer un film à un seul personnage ? Une femme, par exemple. Dont on ne saurait rien – mais alors, vraiment rien : ni qui elle est, ni où elle vit, ni ce qu'elle fait, ni son passé, ni évidemment encore moins son avenir, ni ce qu'elle pense éventuellement, ni ce qu'elle a pu souffrir, peut-être.

Est-il possible de faire un film se passant entièrement à l'intérieur du cerveau encagé d'une folle ? De dresser le portrait d'un être qui n'existe que par ses frustrations sexuelles ? De construire tout son film sur les tensions insupportables de cette femme, en lui interdisant d'exprimer quoi que ce soit ? De bâtir des ébauches d'histoires, tout en ayant fait comprendre au spectateur, dès les premières minutes, que rien de ce qu'il va voir n'existe ? Enfin, avec tous ces présupposés, est-il possible de réaliser un film passionnant ?

Les réponses sont oui, si je puis dire. J'ai toujours éprouvé une faiblesse coupable pour Robert Altman, même quand, d'après Télérama ou d'autres connards du même acabit, il sortait un film inférieur à lui-même. Il paraît qu'il faisait ça souvent, nous disent les cons, les inutiles, les fâcheux cinématographiques. Il y a même des crétins pompeux pour théoriser, classifier, etc. : Altman fait un bon film sur deux, l'autre est une merde, le suivant est un chef-d'œuvre, gnin gnin gnin : on n'est pas obligé de les croire, ces cuistres.

En tout cas, je n'avais jamais entendu parler de ce film-là (celui qui porte le titre de ce billet). Trois quarts d'heure après la fin du film, je suis encore ébloui de ce que j'ai vu : du vrai cinéma. C'est-à-dire quelque chose n'ayant rien à voir avec cette sorte de mécano simpliste à partir de quoi les pitoyables scénaristes actuels prétendent construire des films – des vrais : des qu'on aura encore plaisir à revoir dans trente ans.

Or, c'est quoi, un film qu'on revoit avec plaisir, avec bonheur, dix ou cinquante ans après sa sortie, alors qu'on l'a déjà vu trois ou trente fois ?  C'est difficile à dire. Ne compte que le charme, ce qu'on ne peut pas quantifier. Ainsi, hier, parce que la télévision est pitoyable, nous nous sommes retrouvés à revoir The graduate, que Catherine comme moi connaissions par cœur. 

Eh bien… Eh bien voilà un film qui vieillit superbement, et il y en a peu. Dustin Hofman si jeune, Anne Bancroft si belle, Simon and Garfunkel si Simon and Garfunkel ; et ces années soixante si années soixante, n'est-ce pas…

Hello darkness my old friend
I've come to talk with you again…

5 commentaires:

  1. Et vous si vous...
    Zut ! On va encore dire que je fais de la lèche.

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  2. "Dustin Hoffman si jeune, Anne Bancroft si belle, Simon et Garfunkel..." D'accord, d'accord, mais Katharine Ross, c'est du pipi de chat ?

    (Je remarque que beaucoup de films américains des années soixante ont gardé ce charme particulier qui fait qu'on ne se lasse jamais de les revoir : "Midnight cow-boy", "L'Arnaqueur", "Bonnie and Clyde", "Butch Cassidy et le Kid" (où il y a aussi Katharine Ross)...)

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  3. Et les voitures des années 60, des gros moteurs bien polluant, les quelques autoroutes sans radars et sans vitesse limité, le paradis pour les films, j'étais dans ma période science-fiction.

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  4. Faire un un film à l'intérieur du cerveau encagé d'une folle .. pourquoi pas ? Sauf que Robert Altman, jusqu'à plus ample informé, est un homme qui imagine ce qui se passe dans le cerveau d'une femme. Il y aurait donc à lire, là, autant -sinon plus- le cerveau d'Altman que celui de son personnage.

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  5. Pour moi Altman restera le réalisateur de M.A.S.H. Ce film m'a foudroyé. (et coupé en deux — comme un de ses personnages dans une certaine scène, si je me souviens bien ?)
    Le son du silence, S&G,oeuf corse. Et le boxeur, et le pont et la chanson de Catherine, hein ?
    Bien à vous

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.