samedi 28 septembre 2013

Les bibliothèques réservent parfois de bien belles surprises (billet à tiroirs)

On parcourt rapidement trois ou quatre rayonnages et l'on tombe sur ce qu'on ne cherchait plus. Ainsi, hier à la brune, j'étais en quête d'un hypothétique Lucien Leuwen… (Je m'aperçois déjà que ce billet menace d'être insupportablement long et à tiroirs multiples : on va se penser chez Nicolas.) Je cherchais le roman de Stendhal à cause de Léautaud, dont j'ai repris le Journal littéraire en fin d'après-midi, peu avant le repas des chiens. Je savais bien que je n'allais pas y couper car, lorsque je me trouvais à la clinique Pasteur, amputé de mon rognon sinistre et n'ayant que peu de goût pour la lecture, tout bardé de tuyaux que j'étais (j'ai prévenu qu'il y aurait des tiroirs, ne venez pas pleurnicher), j'ai récouté iPodesquement la totalité des entretiens du vieillard de Fontenay avec Robert Mallet. Il était donc inévitable que, retour à la maison, l'envie soit irrépressible de repiquer au journal ; et il était tout aussi attendu que sa lecture me donne celle de revenir à Stendhal : c'est chaque fois pareil. J'ai donc opté pour Lucien Leuwen, jamais lu, et pour un compressé de Correspondance (j'en ai profité pour commander un digest des mémoires de Bachaumont, mais on ne va pas abuser des tiroirs non plus). Seulement, avant de cliquer sur “Passer la commande”, soucieux des deniers conjugaux, j'ai tout de même voulu vérifier si je ne possédais pas déjà le roman en question, qui aurait très bien pu avoir été commandé lors d'une précédente retrouvaille avec Léautaud – et point lu. Non, il ne semblait pas être là…

Il y a quelques semaines, lisant L'Écriture du monde, le premier volet de la nouvelle trilogie romanesque de François Taillandier, j'ai eu le fort désir de reprendre da capo sa pentalogie précédente, La Grande Intrigue ; d'où inspection de la bibliothèque, évidemment. Catastrophe : ne s'y trouvait que le premier volume, Option Paradis. Je me souvins alors que j'avais sottement donné à notre neveu Adrien l'envie de lire la saga en question, ce qu'il avait en effet commencé de faire. Donc, les quatre autres volumes devaient se trouver chez lui, à Tokyo. Or, le jeune chimiste, surtout tokyoïte d'adoption, étant par essence désargenté (là, je pourrais ouvrir un nouveau tiroir à propos du prix des logements chez les faces de citron, mais bon…), il n'était pas question que je lui demandasse de me rexpédier les Taillandier ; je me résignai donc.

Et voilà que, cherchant un hypothétique Lucien Leuwen à cause de Léautaud (il va être temps de refermer nos tiroirs), je tombe sur quoi t'est-ce ? Les quatre volumes de La Grande Intrigue, que je croyais morfondus en leur exil nippon ! (En réalité, j'en trouvais même cinq, si bien que je me demande pourquoi je possède deux exemplaires d'Option Paradis, mais ne compliquons pas inutilement cette histoire déjà suffisamment intrigante.)

Du coup, Marcel Schwob et Robert Louis Stevenson ont réintégré leurs logements respectifs et, à l'heure où nous sommes, il ne reste plus que Léautaud et Taillandier pour se pavaner à main droite de mon fauteuil.

Non, en réalité, il a aussi Casanova, Honoré d'Urfé et le duc de Lévis-Mirepoix, parce que je dois préciser que…

– Oh ! ta gueule, merde ! ressers-nous donc plutôt un verre de ce charnu petit Riesling !

– Bon, bon, d'accord…  Alsace pour tout le monde, alors ?

– Il n'ose rien dire, mais je crois que Robert Louis préférerait un whisky gentiment tourbé…

– Quant à Paul, il ronchonne parce qu'il ne trouve pas les croquettes pour chats.

– Mais ça fait trois fois que je lui dis : dans l'arrière-cuisine, bon sang ! Vous faites chier, les mecs, vraiment…

13 commentaires:

  1. Je lis pas mais le coeur y est.

    "Je m'aperçois déjà que ce billet menace d'être insupportablement long et à tiroirs multiples : on va se penser chez Nicolas." la différence c'est que quand je commence un billet, je crois toujours qu'il va être court...

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  2. Un "digest" ( ??? ) des " mémoires" ( ??? ) de Bachaumont ( ???) ?
    Qu'est-ce que cette abomination ?

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    1. Quoi ? Quoi ? Il n'a pas écrit de mémoires, votre Bachaumont ? Quant au mot "digest", je l'ai mis en italique ; donc, c'est pas tromper…

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  3. M. Ardisson , veuillez prendre note que la phrase " italiquer c ' est pas tromper " a une autre allure
    que vos sorties habituelles ... enfin , si vous n' êtes pas en retraite hein , je n' en sais rien puisque
    ne connaissant de vous que cette saillie :)
    M. Goux depuis que je vous lis , en fait , je me régale ; merci !

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    1. Je suis ravi, que vous vous régaliez, mais vous noterez que, en principe, je suis censé supprimer tous les commentaires non signés, au moins d'un pseudonyme…

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  4. J'ai préféré la lecture de Lucien Leuwen à celle des deux vaisseaux amiraux de Stendhal. Ce qui fait que j'ai longtemps cru avoir des goûts de chiotte (et que je le crois encore un peu) puisque la terre entière ne jure que par les deux autres bouquins. Je serai donc heureux d'avoir l'avis d'un Indépendant. Quant à La Grande Intrigue, c'est ce que j'ai lu de plus intelligent dans tout ce qui est sorti ces dernières années - et il n'est pas sorti que des bouses, n'en déplaise aux grincheux.

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    1. Eh bien, sachez déjà que votre avis rejoint celui de Léautaud, ce qui n'est déjà) pas si mal !

      Sur Taillandier, nous sommes d'accord. Il a réussi à "mettre en roman" les thèmes développés par Philippe Muray, lequel le tenait d'ailleurs haute estime littéraire, si ma mémoire est bonne.

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  5. Si je comprends bien, vous avez un verre de vin pour chaque écrivain qui accompagne votre fauteuil, il y a aussi un autre avantage, si un jour vous prenez l'envie d'arrêter de boire quelques canons, vous pourrez toujours dire que les verres de vin que vous avez sur votre table de salon , sont là par pure amitié puisque il manque le vôtre.

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    1. Pas con, je saurai m'en souvenir.

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    2. Je ne sais pas si "prendre l'envie" est très français mais de part rien ne m'étonne.

      Il n'empêche que si Didier arrête de boire, ça ne sera pas par envie mais sur ordre de l'académie de médecine (et il sera probablement trop tard).

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  6. J'ai les Stendhal, j'ai même le Journal littéraire et la série complète des Entretiens en CD, mais j'hésite : dois-je sacrifier un rognon plutôt qu'un utérus ou l'inverse, pour avoir le temps de les lire ?

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.