vendredi 12 août 2016

Mousse ! Il est donc marin, ton père ?

Pourquoi la solitude (qui est la mienne depuis hier et pour deux semaines) me ramène-t-elle toujours à Tristan Corbière ? (À François Villon aussi, mais restons pour ce soir avec Corbière.) Qu'est-ce qu'un vieil homme comme je le suis devenu sans m'en apercevoir a en commun avec ce Breton mort à 29 ans, né cent dix ans avant moi ? Pourquoi, installé dans mon fauteuil de salon, suis-je revenu ici pour tracer ces lignes ? 

Si l'on était tenté de croire Wikipedia, Corbière serait une figure du “poète maudit”. Mais non ! Pourquoi maudit ? Parce qu'il était malade et se croyait laid ? Qu'il a aimé une femme et une seule sans être payé de retour ? Parce qu'il rêve d'une épopée de marin et qu'il ne peut rien faire d'autre que lire les poètes qu'il aime et qui, d'une certaine façon, l'écrasent ?

Parce que ses Amours jaunes, son seul livre,  tomberont dans un silence parfait, et que Paul Verlaine ne les relèvera qu'après sa mort ? Parce qu'il rêvait de grand large et vécut confiné et souffrant ?

Tristan Corbière n'est pas maudit : il triomphe par quelques vers, il est vivant, et il rejoint modestement le Villon dont je parlais, en le sachant, par son Pardon de sainte Anne (“Mère taillée à coups de hache…”) qui renvoie à la Ballade pour prier Notre-Dame (“Dame du ciel, régente terrienne…”), et aussi par son épitaphe, qui est un écho de la Ballade du concours de Blois (“Je meurs de soif auprès de la fontaine”…) : “Il mourut en s'attendant vivre, et vécut s'attendant mourir.”

21 commentaires:

  1. Bien beau billet. Dans le registre des poètes morts jeunes, que pensez-vous de Laforgue ?

    RépondreSupprimer
  2. C'est dans son nom.
    Solitude, rêver d'épopée et de grand large et vieillir en ne faisant que lire, confiné, soupirant après une femme (Villon), et la mort au bout ..
    C'est Triste (comme un) Corbillard

    RépondreSupprimer
  3. C'est à cela qu'on reconnaît qu'un homme a vieilli : dès qu'il est seul pour quelque temps, au lieu de se réjouir de pouvoir s'adonner à des activités qui sont plutôt difficiles à accomplir en temps ordinaires - c'est-à-dire lorsqu'il vit sous un regard vigilant - le voilà, appelant les poètes à la rescousse, se mettre à geindre et à gémir sur son sort.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je parlais de Corbière. C'est son nom qui donne le spleen. Triste comme un corbillard ou un corps mis en bière. Il a peut-être calé sa vie sous ce Nom.

      Supprimer
  4. Tristan Corbière, très beau poète de ma jeunesse. Romantisme délicatement taillé et quelle force dans le titre...
    Avant moi-même publié un modeste recueil de poèmes à l'âge de seize ans, on me l'avait fait connaître un peu plus tard, autour de mes vingt ans.
    Et quelle vigueur, quelle élégance dans cet unique et rare ouvrage de bibliophile dont je remercie monsieur Goux de nous l'avoir remis en mémoire. Quant à le trouver pour le relire...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai un doute : vous le faites exprès, non ?

      Supprimer
    2. Sans doute une maladresse qui m'aura échappé ?
      Je vous saurai donc gré de me la signaler sans hésiter...
      Ah ! ça y est : "Ayant moi-même..." les ravages du narcissisme.
      Merci encore, et si vous en voyez d'autres, n'hésitez pas, je vous en serai reconnaissante !

      Supprimer
    3. Mais non, c'est beaucoup plus grave : Tout le monde a écrit des poèmes à seize ans, mais les gens sérieux essaient plutôt de l'oublier.
      Petite moquerie sans méchanceté, cela dit.

      Supprimer
    4. Oui, peut-être, mais je suis atypique.
      Les miens étaient vraiment bien (et le sont toujours). A l'époque personne ne voulait croire que l'auteur n'avait que seize ans. Il est vrai que le ton était empreint d'un certain souffle, rien de mièvre, ni de convenu. Je ne m'en vante pas, j'ai simplement dû me battre à maintes reprises pour faire admettre que c'était bien moi qui les avais écrits, ce qui est tout de même un comble ! J'ai réitéré quatre ans plus tard mais là on voulait bien généralement m'en accorder la responsabilité !

      Supprimer
    5. Je crois que Libé avait titré sur "un nouveau Rimbaud", tandis que le "Monde littéraire" parlait du génie poétique féminin qui manquait au XXe siècle. Enfin, quelque chose de ce genre, mes souvenirs sont un peu flous.

      Supprimer
    6. Je vous rassure, ce n'était pas moi. Ma tête n'a gonflé que très modérément lors de ce premier combat pour la reconnaissance de la vérité...

      Supprimer
  5. Voilà un brillant billet !

    RépondreSupprimer
  6. Le Corbières c'est quand même de la piquette.

    RépondreSupprimer
  7. Mille sabords, nous voilà encalminés en basses eaux ! Pourquoi ne pas lancer un concours de poésies adolescentes entre Barbara et Marco Polo - et éventuellement d'autres - en attendant le retour du flot ?

    RépondreSupprimer
  8. Avez vous fini " American horror hosputal"?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Si vous voulez parler d'Asylum, la réponse est oui. J'ai aussitôt enchaîné sur la saison 4, Freaks show, qui n'est pas mal non plus, mais souffre un peu de la comparaison avec la série Carnivale, meilleure dans le même genre.

      Supprimer
    2. Je ne savais que chaque saison avait un titre.
      C'est surtout mon épouse sui regarde ces films ou séries TV bien givrées.
      Elle a vue un film avec Jeff Goldblum: " Mister Frost".

      Supprimer
  9. Par contre, je regardais avec plaisir"les contes de la crypte"; par de quoi effrayer un enfant mais souvent délirant.
    Arnold Schwarzenegger réalisa un épisode ainsi que Woppy Goldgatg.

    RépondreSupprimer
  10. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.