mardi 20 septembre 2016

Les corridors de Dantzig


Pourquoi donc, hier, au sortir des Souvenirs de Léon Daudet, avoir repris le Dictionnaire égoïste de la littérature française, commis par Charles Dantzig il y a un peu plus de dix ans, et lu à l'époque ? En réalité, je le sais fort bien : parce que c'est un livre que l'on picore plutôt qu'on ne le lit, comme d'ailleurs la plupart des dictionnaires, et qu'il est donc très précieux dans ces périodes où aucun titre nouveau n'attire particulièrement : une sorte de salle d'attente, confortable, bien chauffée et meublée, en attendant que le goût de l'exploration revienne ; ou encore un vieux pyjama que l'on enfile faute de mieux quand, telle une blonde devant son armoire pleine à dégorger de vêtements, on gémit que l'on n'a “plus rien à lire”.

Et, justement, cette même comparaison, que je sais avoir notée dans mon journal il y a déjà quelques semaines, je l'ai retrouvée telle quelle dans ce dictionnaire égoïste. Réminiscence ? Non, tout de même : après dix ans d'incubation, ce serait vraiment du microbe résistant. D'autant que, une ou deux centaines de pages plus avant, je suis tombé sur une autre remarque de Dantzig que je me suis déjà faite quasiment à l'identique – j'ai négligé de noter laquelle. Et une troisième fois, il y a un quart d'heure. À l'article La Bruyère, page 434, je tombe sur ce paragraphe : 

Il a eu un contradicteur qui ne pouvait pas lui être plus opposé. Il écrit : « On guérit comme on se console : on n'a pas dans le cœur de quoi toujours pleurer et toujours aimer » (sentence 34). Édith Piaf chante : « On n'a pas dans le cœur de quoi toujours aimer / Et l'on verse des pleurs en voulant trop aimer […] Mais moi j'ai dans le cœur de quoi toujours aimer, / J'aurai toujours assez de larmes pour pleurer. » (Parolier : Charles Dumont.)

Or, on s'en souvient peut-être, je faisais, le premier février dernier, un billet pour relever exactement la même chose, à cette période où j'étais plongé dans Les Caractères. Minuscule avantage que j'ai sur Charles Dantzig, à opposer à l'énorme qui est le sien, de l'antériorité indubitable : je sais, moi, que Charles Dumont n'a jamais été le parolier de Piaf, mais son compositeur. Les paroles de Toujours aimer sont de Nita Raya, chanteuse d'origine roumaine, ayant vécu une dizaine d'années avec Maurice Chevalier et morte en 2015, sept mois avant de passer le siècle d'existence : quand je disais, il y a trois jours, que les femmes allaient rarement au bout de leur effort et rataient presque toujours leur centenaire…

7 commentaires:

  1. Quand lu Dantzig, himmel! Il a encore frisé le point Godwin!
    La lecture du texte me prouvait le contraire.

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  2. Dantzig, un type dont je n'ai jamais rien lu mais je croise toujours sur les étagères des librairies ( la Fnac en même temps...pas un indépendant...) ses romans où sur la couverture il se met en scène dans des positions toujours grotesques: un jour penché en avant, un autre la tête entre les mains les yeux fermés. Ça m'a fait toujours rire cette fausse posture de faux intello...

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    1. Je crois en effet que cet homme a une assez bonne opinion de lui-même (ça se sent par endroits, dans son dictionnaire).

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  3. Le Dictionnaire égoïste m'avait beaucoup plu à l'époque, et un peu plus tard l'Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, où j'avais bien ri. Lectures très excitante et qui font attendre l'écrivain, stimulé qu'on a été par le critique. Hélas, Nos vies mêlées ne vaut pas tripette et Histoire de l'amour et de la haine, une sortie du placard qu'on pressentait, habile sur le plan de la diégèse est au bout du compte horripilant, tant ce pauvre Dantzig, de son côté de la lorgnette, a du mal à voir la Manif pour Tous comme autre chose que des hordes de fachos cathos, le camp de la haine, si vous préférez. On ne savait pas encore où logeait la haine véritable et meurtrière. On serait -peut-être- plus mesuré aujourd'hui. Les Veilleurs n'avaient pas de Kalash...

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    1. J'ai eu le même réflexe que vous (me précipiter vers ses Vies hâtives) et la même déception.

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Une blonde qui n'aurait plus rien à lire ? Vous galéjez!
    Bien au contraire, elle a tout à lire...

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.