mardi 7 septembre 2021

Bella Chao

J'ai passé l'entier après-midi d'hier, lafumesquement avachi au jardin, à lire le livre que Ramon Chao a consacré à Juan Carlos Onetti, uruguayen pour l'état civil et l'un des plus grands romanciers de l'Amérique latine du XXe siècle, sinon l'un des plus connus. 

Il s'agit d'un long entretien – deux cents pages – qui, à la fin des années quatre-vingt, s'est déroulé à Madrid, dans l'appartement de l'écrivain exilé, lequel, des jours durant, a reçu son interlocuteur comme il avait l'habitude de recevoir tout le monde en ses vieux jours, à savoir dans son lit

Chao a conçu son livre d'une manière caractéristiquement onettienne, si bien que, régulièrement, le lecteur a l'impression d'avoir été poussé dans une sorte de labyrinthe, où plusieurs voix lui parviennent sans qu'il soit toujours bien assuré de savoir qui est en train de lui parler : l'écrivain ? son interlocuteur ? tel personnage de l'un des romans évoqués ? La personne réelle qui a inspiré à l'écrivain le personnage en question ? Et cette personne réelle, l'est-elle vraiment ? Enfin, on voit le genre… 

Inutile de préciser, je pense, que ce livre ne présente aucun intérêt pour qui ne connaîtrait pas l'œuvre d'Onetti – ou au moins, comme c'est mon cas, un ou deux de ses livres majeurs, par exemple La Vie brève. Ce qui revient à dire que ce billet ne s'adresse à peu près à personne. Néanmoins, il convient de le terminer dignement.

Je me rappelle avoir vu à la télévision, dans les mêmes moments où paraissait ce livre, une assez longue émission consacrée à Onetti ; laquelle, dans mon souvenir, émanait d'une chaîne espagnole, ce qui n'aurait rien d'étonnant, l'Uruguayen déraciné ayant passé les dernières années de sa vie dans ce pays. L'écrivain, de tout l'entretien, n'a jamais quitté la posture qu'on lui voit sur la photo que j'ai choisie, ne cessant de siroter des verres de whisky et allumant une cigarette après l'autre. La seule différence est que, cette fois-là, et toujours d'après mon incertaine mémoire, il était en pyjama.

Plusieurs des romans d'Onetti se déroulent dans une ville imaginaire, Santa Maria, qui est un mélange entre Montevideo et Buenos Aires. Je dis cela de confiance, n'ayant jamais mis les pieds dans aucune de ces deux capitales. Certes, je connais un peu Buenos Aires, mais les images que j'en ai me sont parvenues au travers de différents prismes déformants et parfois contradictoires, ceux tendus par  les livres de Julio Cortazar, de Roberto Arlt ou d'Ernesto Sabato, voire celui fourni par le Trans-Atlantique de Witold Gombrowicz. Si l'on en croit Onetti – et pourquoi douterait-on de lui ? –, Santa Maria est une ville essentiellement peuplée d'ivrognes, de putes et de leurs maquereaux, plus quelques médecins douteux et à l'identité évanescente. On s'y perd facilement – elle est faite pour cela –, mais à la fin on s'y retrouve toujours, et on s'y retrouve enrichi, si l'on est un lecteur attentif et de bonne volonté.

Pour ce qui est de Ramon Chao, je n'avais à ce jour lu aucun de ses livres ; mais je me souviens que mon ami Carlos le fréquentait, à l'époque où il “pigeait” à Radio France Internationale dont Chao était le responsable pour l'Amérique latine, bien qu'étant lui-même espagnol.

Je sais aussi que Ramon a eu un fils prénommé ou surnommé Manu, qui a plus ou moins réussi dans la variété exotique – mais on sera aimable de ne pas m'en demander davantage à ce sujet.

Juan Carlos Onetti est mort à 85 ans – dans son lit évidemment –, ce qui prouve bien que le whisky et la cigarette conservent. Et l'Espagne aussi, peut-être.

11 commentaires:

  1. On vous retrouve...

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  2. Mais c'était avant le Covid, tout ça...

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  3. Je peux répondre à propos du fiston. J'ai été un fan de son groupe (la Mano negra) (en solo, il n'a jamais eu le moindre intérêt). J'avais même été le voir à l'Olympia vers 1988 90.

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    1. En fait, je le savais plus ou moins (même si je n'ai jamais entendu le moindre échantillon du talent de ce garçon) : j'ai feint l'ignorance complète pour faire le malin…

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  4. "Le whisky, la cigarette et l' Espagne conservent" : notre idéal est-il de finir comme des sardines? J'ai eu ma 3ème dose de Pfizer, à 83 ans : atteindrai-je les 88 de Belmondo? Dans le même triste état que lui ( un AVC, c'est rapide...)? Et pour faire quoi, jusque-là ? Et si j'y arrive: pour faire quoi, ensuite ?
    D'après mon expérience personnelle, pour un homme, 75 ans est l'âge idéal pour mourir; ensuite, c'est comme une voiture : tout se déglingue, inutile d'essayer de tout réparer, mieux vaut l'envoyer à la casse.

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    1. Moi, je me suis même arrêté à 70, alors…

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    2. Et c'est alors que vous avez créé votre blog ?

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    3. On est heureux d'en profiter...

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    4. On notera que, tout en prônant d'envoyer les hommes de son âge "à la casse", M. Arié a quand même cru bon de se faire vacciner une troisième fois…

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    5. Il y a quand même des morts plus agréables que celles par le Covid.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.