samedi 11 juin 2022

La tagada tactique du balancier

Jules Vallès, gauchiste matinal.

Depuis hier, en lecture d'après-midi, Léon Daudet a cédé la place à Maurice Barrès. Voilà qui ne devrait guère, je le crains, redorer mon image de marque auprès des cohortes bienpensantes, même en arguant du fait que, suivant de près mon déjeuner, ni Léon ni Maurice ne sont de taille à résister bien longtemps à l'invincible léthargie post-prandiale qu'implique mon grand âge…

D'un autre côté, pour tenter d'apaiser l'ire de ces ravagés de la modernité, je pourrais arguer du fait que mes matinées sont tout entières vouées à Jules Vallès, impénitent gauchiste et communard inflexible. Du coup, L'Insurgé pourrait rétablir l'équilibre du balancier, mis à mal par Le Culte du moi. Les deux me feraient en quelque sorte une double cuirasse : 

Si, vers le milieu de la matinée, les hordes progressistes débarquent ici pour me pendre à un réverbère au nom de la Tolérance et du Progrès, je leur brandirai Vallès sous le nez ; et, avec un peu de chance, ils m'acclameront comme un des leurs.

Et quand, juste après la sieste, les grandes compagnies nauséabondes envahiront mon maigre jardin dans le but de me faire subir un sort analogue, au nom cette fois des Valeurs chrétiennes et de l'éternelle Patrie, il me suffira de m'abriter derrière le grand Lorrain pour qu'ils m'enrôlent sous leurs bannières et que nous partions tous ensemble gravir la première Colline inspirée qui se présentera, en chantant des hymnes à Jeanne d'Arc.

Père, gardez-vous à droite… Père, gardez-vous à gauche…

Il n'est malheureusement pas exclu qu'un de ces jours, les premiers étant partis trop tôt et les seconds ayant traîné en chemin, mes post- et mes anti-modernes ne se trouvent arriver ensemble chez moi, se réconcilient sur mon dos de bouc émissaire et décident de me pendre doublement. Le fait que Vallès et Barrès riment ensemble devrait d'ailleurs faciliter cette trêve, très fâcheuse pour mes cervicales.

C'est ce qui risque toujours d'arriver, quand on se mêle de lire autre chose que des mangas ou des romans de filles. On serait mal venu, ensuite, de venir se plaindre.


Maurice Barrès, réactionnaire post-prandial.

 

4 commentaires:

  1. S'intéresser aux messages politiques des œuvres de Vallès ou de Barrès plutôt qu'à leurs ( éventuelles) qualités littéraires n'est pas le bon moyen d'éviter les siestes pré ou post - prandiales.

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  2. Ah mais si, comme hordes progressistes, vous comptez sur moi, il va falloir me le dire. Là je vais aller me coucher. J'aime bien le progrès mais après une douzaine de pintes je ne comprends plus rien.

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  3. Je serais curieux de savoir dans quelle édition vous être en train de lire Barrès. Il se fait qu'il y a un mois j'ai lu plusieurs œuvres de Barrès dans le tome 1 de l'édition Bouquins. J'ai beaucoup pensez à vous en lisant la préface de M. Eric Roussel car nous vous connaissons assez critique de ce type de préliminaires. Je me doute bien qu'inciter à lire Barrès par les temps qui courent est une mission assez périlleuse et j'aurais compris que le camarade Roussel ait du lâcher un peu de leste pour ne pas être complètement tricard dans la république des lettres. Mais je trouve qu'il y a été un peu fort. A le croire, on pourrait se contenter de lire la Colline inspirée et éviter tout le reste. Mais pourquoi alors acheter l'édition Bouquins qui a subventionné sa prose?

    Par ailleurs, vous qui avez travaillé dans ce domaine, pourriez vous nous expliquer pourquoi le tome 2 de l'édition Bouquins est épuisé mais pas le tome 1? Existe des lecteurs qui achètent un tome 2 et épuisent son édition sans acheter le tome 1 qui ainsi reste sur les bras de l'éditeur? Je trouve cela assez frustrant.

    Amicalement,

    La Dive

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    1. "Mon" Barrès est le volume "Romans et voyages" de la collection Bouquins.

      Et j'ai prudemment sauté par-dessus M. Roussel…

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.