Comment a-t-il fait, ce livre, pour échapper à ma sagacité depuis 2017 qu'il est paru, à moi qui, depuis une quinzaine d'années, me veux un fervent nicolien (ou nicolo-eugéniste…) ? Enfin, peu importe : il est bien là, et déjà aux deux tiers lu depuis le lever du soleil.
Avant même d'ouvrir le volume, il m'était déjà un peu mystérieux. Sur la couverture, le titre se présente ainsi : “Retour d'Ulysse à Saint-Pierre”. Seulement, lorsqu'on cite un titre dans le courant d'un texte, il convient de l'écrire en italique ; et, donc, de rétablir “Ulysse” en romain ; ce qui donne ceci : Retour d'Ulysse à Saint-Pierre, typographie fort laide mais inévitable…
Et aussitôt, une première question : qu'est-ce donc que cet Ulysse-en-italique qui fait retour dans l'archipel ? Un navire ? Un avion ? Le futur lecteur se perd en conjectures plus ou moins oiseuses…
Et la réponse lui est donnée dès les premières pages : il s'agit du roman de James Joyce, qu'Eugène Nicole a emporté avec lui, pour le relire, lors de ce nouveau séjour dans son île natale. Il n'en est pas resté éloigné durant vingt ans, pourtant Ulysse fut plus chanceux que lui car, de retour à Ithaque, il retrouva debout son palais. Alors que la “Maison Jacquet”, où Nicole est né et a grandi, a disparu, démolie pour céder la place à un square, après qu'il avait été, un temps, question de la rénover pour en faire un “musée de l'habitat traditionnel”, idée qui avait sa séduction, pour le vieil enfant poussé là. Mais de même qu'Ulysse retrouve son palais envahi par les prétendants, Nicole doit constater qu'ici, sur son double caillou, ce sont les démolisseurs qui prospèrent. Et passe l'ombre de Baudelaire, même s'il n'est jamais nommément évoqué dans le cours de ces deux cents pages :
la forme d'une ville
Change plus vite, hélas ! que le cœur d'un mortel
Mais aussi :
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Baudelaire absent, on croise tout de même beaucoup du monde entre ces pages. C'est que l'on voyage dans l'espace – Paris, New York, Florence, la Vendée, l'Iowa, etc. : c'est une Odyssée – mais aussi dans le temps, dont les incessantes fluctuations sont la marque d'Eugène Nicole et de son talent. Apparaissent puis disparaissent nombre de Saint-Pierrais, souvent déjà rencontrés au fil des différents volumes de L'Œuvre des mers, mais aussi des personnages plus illustres, comme Nixon ou de Gaulle. Ainsi que Valery Larbaud et son double pérégrin : Barnabooth ; Larbaud qui, on s'en souvient, fut et reste le traducteur en français de l'Ulysse de Joyce…
La destruction ne ravage pas que Saint-Pierre-et-Miquelon. Les Twin Towers sont bien présentes ; d'abord en sentinelles, telles que Nicole les contemple depuis son appartement new-yorkais, puis écroulées en gravats, ainsi que le furent les murailles de Troie après le sac des Achéens. C'est l'histoire qui n'en finit pas de convulser. Une histoire dont, par un miracle que les lecteurs d'Eugène Nicole connaissent bien, Saint-Pierre-et-Miquelon est, pour un temps, celui de la lecture de ce Retour d'Ulysse à Saint-Pierre, redevenu l'épicentre.
On finit toujours, quels que soient les aléas et les déconvenues, par revenir à Ithaque. À nos risques et périls car, comme le chantait Richard Desjardins :
Revenir d'exil
Comporte des risques
Comme rentrer une aiguille
Dans un vieux disque
(Demeure une question : pourquoi, en 2013, dans ce square saint-pierrais où se dresse encore le fantôme de sa maison d'enfance, Eugène Nicole relit-il l'Ulysse de Joyce dans l'édition de la Pléiade, alors que, vivant et enseignant à New York depuis un quart de siècle, il est à coup sûr capable de le faire dans sa langue originelle ?)
Message de service... (je lis le billet et le commente ensuite). Je viens d'écrire ceci dans Facebook :
RépondreSupprimerDepuis quelques temps, il y a un bug quand on veut commenter un blog géré par Blogger (comme ceux en blogspot, mais pas que vu certains, comme les miens, ont un nom de domaine). En résumer : on n'arrive pas à se connecter à son compte dans certaines configuration. La difficulté est une séparation entre les comptes Blogger et Google.
Par exemple, avec Chrome sur Safari et Chrome sur iPhone (mais peut-être, aussi, les ordinateurs de bureau Apple), la machine tente avec le compte Google, connecté par défaut, mais Blogger ne le trouve pas.
Par ailleurs, il me semble qu'avec Safari, ça déconne franchement sur iPhone et que c'est le cas avec Firefox sur Mac.
Je n'ai aucun problème sur mon blog et celui de Didier Goux sur mon PC. Par contre, je n'ai pas accès à tous les blogs à cause d'un problème de Firewall ou de VPN. En fait, j'ai l'impression que j'ai accès aux deux là parce qu'ils sont relativement gros ou connus et toléré par le VPN ou le Firewall.
Si vous avez des problèmes, n'hésitez pas à les décrire aussi précisément que possible en commentaire. Et si vous n'avez pas les problèmes que je viens d'écrire, vous pouvez le dire...
Je suis, depuis un moment déjà, obligé de passer par Safari pour commenter sur les blogs Blogger… y compris sur le mien.
SupprimerBlogger, VPM, Safari : que l' hébreu est une langue riche !
SupprimerUlysse n'était pas Italique mais Grecquique, non ?
RépondreSupprimerAh ! ça valait le coup de revenir pour ça, tiens !
SupprimerPourquoi relire "Ulysse" en traduction? Pour le plaisir d'entendre la voix de Larbaud (qui n'est d'ailleurs pas exactement le traducteur mais seulement le réviseur, avec Joyce, de la traduction d'Auguste Morel), Larbaud toujours si délicat et que l'on entend quelquefois être étonné et amusé de sa propre audace quand il avance derrière Joyce. On a donc deux livres en un. Pourquoi le relire en Pléiade? Parce que la collection Folio édite l'autre traduction (un traducteur par chapitre), traduction que je ne connais pas et qui n'est peut-être pas sans mérite.
RépondreSupprimerSans doute, sans doute. Mais enfin, quand on a accès au texte original…
SupprimerQue diriez- vous de quelqu'un qui a essayé, à 3 reprises, et à différents âges de sa vie, de lire l' " Ulysse " de James Joyce, sans jamais réussir à en dépasser le tiers ? Que lui manquerait-il donc ?
RépondreSupprimer( ne le dites pas à notre ami Nicolas, mais il s'agit de moi ).
Je m'y suis moi-même repris à trois voire quatre fois avant d'en venir finalement à bout. Et je ne peux pas dire que cette lecture m'ait soulevé d'enthousiasme…
SupprimerPeut-être est-ce le secret du succès littéraire ? Faire incompréhensible et emmerdant pour que le lecteur brille en disant que c'est un chef d'œuvre ?
SupprimerJe n'ai pour l'instant échoué qu'une seule fois, ce qui vous permettra de déduire que je suis plus jeune que vous.
SupprimerDepuis quand vous sortez le journal le dernier jour du mois sans l'annoncer ici ? Mon RSS a parlé...
RépondreSupprimerVoilà, voilà, on arrive !
Supprimer(Il fallait que j'attende que Catherine soit levée, afin de ne pas risquer de la réveiller en venant à ce bureau…)