Les soirées passées devant la télé se suivent (mais que pourraient-elles faire d'autre ?) et ne se ressemblent pas toujours – ce qui est heureux car, la plupart du temps, n'est-ce pas...
Grand cru, hier soir, et même double. En prim-tim, comme il paraît que l'on doit désormais dire mais non écrire, Les Désarrois de l'élève Törless, le premier film de Volker Schlöndorff (1966) , adapté du premier roman de Robert Musil (1906). (Il est curieux de noter que l'écrivain et le cinéaste, lorsqu'ils se sont penchés sur ces désarrois-là, avaient exactement le même âge : 26 ans.)
Je n'ai jamais lu le roman de Musil. Acheté il y a environ deux ans, je l'avais d'abord feuilleté, comme il m'arrive, avant de le commencer vraiment. Je l'avais laissé tomber après quelques dizaines de pages, non qu'il me déplût, mais pour des raisons extérieures, contingentes, dont je ne conserve aucun souvenir. Néanmoins, je crois pouvoir hasarder que le thème de l'homosexualité est traité de manière plus explicite chez Musil, et plus allusive – mais tout de même très fortement allusive – chez Schlöndorff. Problème de censure peut-être ? Ou de prévention de cette même censure...
Ce qui m'a davantage frappé et intéressé dans le film, ce sont tous les thèmes “girardiens” qui s'y donnent à voir. La scène où Basini, la victime expiatoire de tous les désirs diffus qui prolifèrent au sein de ce groupe d'élèves, est cerné par tous les autres qui, disposés en cercle autour de lui, se le renvoient d'une manière de plus en plus violente avant de le pendre par les pieds, ressemble en tout point au meurtre fondateur, au lynchage du bouc émissaire, au pharmakos tel que souvent décrit et étudié par René Girard. Et il produit en gros le même effet “bénéfique” : les élèves qui n'étaient au départ qu'une sorte de conglomérat indifférencié se soudent soudain en une véritable communauté, lorsqu'il s'agit de s'unir pour faire face aux autorités collégiales – communauté véritablement et directement issue du meurtre (virtuel certes, joué, représenté) de Basini.
Vertigineuses aussi les réflexions auxquelles aboutit Törless sur la banalité du Mal et l'interchangeabilité des victimes et des bourreaux, leur parfaite identité, qui annoncent à la fois le nazisme, Raul Hilberg, Hanna Arendt, ainsi peut-être que la rage judiciaire et pénale des combattants du Bien et de la Pureté qui pullulent aujourd'hui.
Après cet intense “moment de cinéma”, nous avions prévu de regarder je ne sais plus trop quelle daube hollywoodienne. Mais, comme nous disposions de vingt-cinq minutes de battement, j'ai émis le souhait de revoir le début de La Comtesse aux pieds nus, de Mankiewicz (du diable si je saurai jamais écrire son nom, à celui-là !) Naturellement, au bout d'un quart d'heure, il ne fut plus question de changer de chaîne, tant est grande la puissance d'envoûtement de ce film cruel et triste, même quand on le connaît par cœur.
Quand on croit le connaître par cœur : la construction en est si complexe, ou en tout cas subtile, la matière à la fois si riche et si fluide, qu'il y aura toujours des scènes, des plans, des répliques qui passeront à travers le filet de la mémoire et rendront le film intact à la vision suivante.
Et demeure toujours la même question : le comte Torlato-Favrini aime-t-il réellement Maria Vargas, lui qui n'hésite pas à l'épouser sans l'avertir au préalable de son impuissance, uniquement pour pouvoir accéder un jour, post mortem et avec elle, à la galerie de portraits des aïeux ?
Grand cru, hier soir, et même double. En prim-tim, comme il paraît que l'on doit désormais dire mais non écrire, Les Désarrois de l'élève Törless, le premier film de Volker Schlöndorff (1966) , adapté du premier roman de Robert Musil (1906). (Il est curieux de noter que l'écrivain et le cinéaste, lorsqu'ils se sont penchés sur ces désarrois-là, avaient exactement le même âge : 26 ans.)
Je n'ai jamais lu le roman de Musil. Acheté il y a environ deux ans, je l'avais d'abord feuilleté, comme il m'arrive, avant de le commencer vraiment. Je l'avais laissé tomber après quelques dizaines de pages, non qu'il me déplût, mais pour des raisons extérieures, contingentes, dont je ne conserve aucun souvenir. Néanmoins, je crois pouvoir hasarder que le thème de l'homosexualité est traité de manière plus explicite chez Musil, et plus allusive – mais tout de même très fortement allusive – chez Schlöndorff. Problème de censure peut-être ? Ou de prévention de cette même censure...
Ce qui m'a davantage frappé et intéressé dans le film, ce sont tous les thèmes “girardiens” qui s'y donnent à voir. La scène où Basini, la victime expiatoire de tous les désirs diffus qui prolifèrent au sein de ce groupe d'élèves, est cerné par tous les autres qui, disposés en cercle autour de lui, se le renvoient d'une manière de plus en plus violente avant de le pendre par les pieds, ressemble en tout point au meurtre fondateur, au lynchage du bouc émissaire, au pharmakos tel que souvent décrit et étudié par René Girard. Et il produit en gros le même effet “bénéfique” : les élèves qui n'étaient au départ qu'une sorte de conglomérat indifférencié se soudent soudain en une véritable communauté, lorsqu'il s'agit de s'unir pour faire face aux autorités collégiales – communauté véritablement et directement issue du meurtre (virtuel certes, joué, représenté) de Basini.
Vertigineuses aussi les réflexions auxquelles aboutit Törless sur la banalité du Mal et l'interchangeabilité des victimes et des bourreaux, leur parfaite identité, qui annoncent à la fois le nazisme, Raul Hilberg, Hanna Arendt, ainsi peut-être que la rage judiciaire et pénale des combattants du Bien et de la Pureté qui pullulent aujourd'hui.
Après cet intense “moment de cinéma”, nous avions prévu de regarder je ne sais plus trop quelle daube hollywoodienne. Mais, comme nous disposions de vingt-cinq minutes de battement, j'ai émis le souhait de revoir le début de La Comtesse aux pieds nus, de Mankiewicz (du diable si je saurai jamais écrire son nom, à celui-là !) Naturellement, au bout d'un quart d'heure, il ne fut plus question de changer de chaîne, tant est grande la puissance d'envoûtement de ce film cruel et triste, même quand on le connaît par cœur.
Quand on croit le connaître par cœur : la construction en est si complexe, ou en tout cas subtile, la matière à la fois si riche et si fluide, qu'il y aura toujours des scènes, des plans, des répliques qui passeront à travers le filet de la mémoire et rendront le film intact à la vision suivante.
Et demeure toujours la même question : le comte Torlato-Favrini aime-t-il réellement Maria Vargas, lui qui n'hésite pas à l'épouser sans l'avertir au préalable de son impuissance, uniquement pour pouvoir accéder un jour, post mortem et avec elle, à la galerie de portraits des aïeux ?
J'ai quelques lacunes dans mes classiques dont les désarrois de l'élève Torless (bouquin et film) et la Comtesse au pieds nus font partie.. Il faudra quand même un jour que je m'y penche..
RépondreSupprimerDepuis mardi 25, sur ce blog les sujets sont biens mais c'est pas rigolo, il n'y a personne qui vous insulte.
RépondreSupprimerVous êtes devenu abstinent, repentant ou tarlouze?
Emanu : comment faites-vous pour échapper à la Comtesse, film qui passe au moins une fois l'an, sur une chaîne ou une autre ?
RépondreSupprimerTonnégrande : Oui, je baisse...