Ce matin – certes encore mal éveillé –, à la scène 1 de l'acte III d'Amphitryon 38, je tombe sur cette réplique du trompette (rôle qui, par parenthèse, fut créé en 1929 par Michel Simon) s'adressant à Ecclissé, nourrice d'Alcmène :
Madame, des rumeurs assez fâcheuses circulent dans Thèbes sur votre maîtresse et sur vous. On dit que par enfantillage ou par coquetterie, Alcmène affecte de ne pas apprécier la faveur de Jupiter, et qu'elle ne songe à rien moins qu'à empêcher le libérateur de venir au monde.
La construction de la phrase telle que je l'ai soulignée semble indiquer qu'Alcmène ne tient pas du tout à empêcher le libérateur de venir au monde (qui est, soit dit en passant, Hercule, mais ce n'est pas notre sujet). Or, c'est précisément le contraire de ce que le trompette – et donc l'auteur – entend nous dire.
Il me paraît presque impossible que Giraudoux ait commis une telle bévue de langage, un contresens aussi grossier, digne d'un blogueur de base. Pourtant, la bourde est bel et bien là. S'agirait-il d'une faute de l'édition que j'ai (Livre de poche) ? Car il n'y manque qu'un petit “de” pour que le sens véritable soit rétabli : « ... ne songe à rien de moins qu'à empêcher » serait parfaitement conforme à ce que veut dire le trompette.
Si quelqu'un, d'aventure, possède une autre édition de la pièce, il serait bien aimable d'aller y vérifier le passage litigieux et de me communiquer le fruit de sa recherche...
Madame, des rumeurs assez fâcheuses circulent dans Thèbes sur votre maîtresse et sur vous. On dit que par enfantillage ou par coquetterie, Alcmène affecte de ne pas apprécier la faveur de Jupiter, et qu'elle ne songe à rien moins qu'à empêcher le libérateur de venir au monde.
La construction de la phrase telle que je l'ai soulignée semble indiquer qu'Alcmène ne tient pas du tout à empêcher le libérateur de venir au monde (qui est, soit dit en passant, Hercule, mais ce n'est pas notre sujet). Or, c'est précisément le contraire de ce que le trompette – et donc l'auteur – entend nous dire.
Il me paraît presque impossible que Giraudoux ait commis une telle bévue de langage, un contresens aussi grossier, digne d'un blogueur de base. Pourtant, la bourde est bel et bien là. S'agirait-il d'une faute de l'édition que j'ai (Livre de poche) ? Car il n'y manque qu'un petit “de” pour que le sens véritable soit rétabli : « ... ne songe à rien de moins qu'à empêcher » serait parfaitement conforme à ce que veut dire le trompette.
Si quelqu'un, d'aventure, possède une autre édition de la pièce, il serait bien aimable d'aller y vérifier le passage litigieux et de me communiquer le fruit de sa recherche...
J'ai trouvé une édition sur Internet (pdf) : c'est pareil.
RépondreSupprimerMais bon, j'ai mieux à faire aussi...
Merci ! Moi aussi, je ferais mieux de me consacrer à mes petits travaux, d'ailleurs...
RépondreSupprimer"qu'elle ne songe à rien moins qu'à empêcher le libérateur de venir au monde."
RépondreSupprimerJe comprends au contraire de vous, Didier, qu'elle songe à empêcher le libérateur à venir au monde, dans la phrase telle qu'elle, sans le "de".
Mais bon, c'est le coup des deux entrées du cube transparent.
Et en outre, je ne suis même pas une blogueuse de base. C'est vous dire si je peux me tromper!
A ce propos:
RépondreSupprimerhttp://www.cairn.info/revue-travaux-de-linguistique-2006-2-page-117.htm
Carine : merci; pour ce lien... qui me donne raison ! Vous avez pu voir que, pour Grevisse, la chose est fort nette, et il dit la même chose que moi. que le sens de ces deux expressions (voisines par la forme mais contraires par le sens) se brouille de nos jours, je le conçois. Mais il m'étonnerait fort que ç'ait été le cas du temps de Giraudoux, et encore moins le cas DE Giraudoux.
RépondreSupprimerLe mystère reste donc, à mes yeux, entier.
Grévisse, oui. Mais vous avez lu la suite! Ce n'est pas aujourd'hui que nous résoudrons ce grave problème.
RépondreSupprimerGardons le mystère, nous ne saurons jamais si Giraudoux a dérapé ^^
GrEvisse ! Sans accent...
RépondreSupprimerComme dans égrevisse, quoi.
Bonjour Didier,
RépondreSupprimercurieux, en effet. En sus, il me semble lire un "à" de trop, non ? Rêvé-je ? "Songer à rien de moins qu'empêcher" me semble moins redondant, prépositionnellement parlant.
Quoi qu'il en soit, dédouanons Giraudoux, par une technique simple et connue : blâmons l'éditeur. Un infâme, un pisse-copie a cru bon de corriger une syntaxe qu'il croyait fautive, et l'auteur ne l'a pas vu sur les premières épreuves, ni sur les suivantes.
Je ne me souviens plus si elle veut ou non empêcher la venue au monde d'Hercule, Zeus ayant été démasqué.
RépondreSupprimerLe sens, tout le sens, rien que le sens.
Bref, faut que je relise.
GrEvisse, oui.
Tcheni, vous avez raison, en plus.
RépondreSupprimerTcvheni : je ne suis pas sûr d'être d'accord. Il me semble que ce deuxième "à" est nécessaire, mais je serais bien en peine de justifier mon impression.
RépondreSupprimer(Non, en fait, vous devez avoir raison. Mais on n'est là dans une question de simple élégance. Alors que le problème que je signalais affecte gravement le sens.)
Il y a peu de commentaires, ici. Il faudrait passer à Amphitryon 39.
RépondreSupprimerJ'arrive tard mais ici, l'usage semble connu et critiqué :
RépondreSupprimerhttp://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/search.exe?23;s=3710033505;cat=1;m=rien+moins;
Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un grand écrivain commette une faute de ce genre. Proust utilise le subjonctif avec "après que", Sainte-Beuve a répertorié un certain nombre de bévues de Balzac, Voltaire a corrigé ce qu'il tenait pour le mauvais français de Corneille, et il serait facile (et stupide) de soutenir que Saint-Simon est truffé de fautes, ou de répéter les griefs de l'abbé Morellet, qui parlait un français exact, contre le français impur de Chateaubriand dans Atala.
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