dimanche 29 décembre 2013

Le ciel peut attendre



Le hasard a voulu que je revoie, hier, ce merveilleux film de Lubitsch, datant de 1943. Le pitch (ou pitsch, en l'occurrence) est simple : un “vieux noceur” – merveilleuses expressions de ces époques… – meurt soudainement et, persuadé d'avoir mérité l'enfer, se présente devant Satan ; lequel, débordé, ses fiches mal à jour, lui demande de lui débobiner sa vie afin de statuer sur son sort. Le héros s'exécute, et ce que nous voyons alors est le déroulé de l'existence de cet homme, rythmé par ses anniversaires. 

Le personnage central est joué par Don Ameche, que l'on retrouvera, 42 ans plus tard, dans le film de Ron Howard qui s'intitule Cocoon. On se souvient que, dans cette niaiserie, un groupe de vieillards, dont notre acteur, retrouve la jeunesse grâce à une piscine miraculeuse. Dans Le Ciel peut attendre, on suit toute la vie du personnage joué par Don Ameche, durant une petite cinquantaine d'années ; si bien que, naturellement, les maquilleurs du film sont tenus de le vieillir. À la fin, il est vraiment très vieux… mais ne ressemble nullement au Don Ameche de Cocoon.

Les gens de cinéma sont parfaitement capables, aujourd'hui, de détruire la Terre, d'inventer des étoiles, de fabriquer des androïdes liquides ou des hamburgers mangeables, mais ils sont incapables de faire vieillir un homme. Ce n'est pas leur faute : vieillir échappe à tout effet spécial ; prévoir la vieillesse physique d'un d'homme par ordinateur, à partir du visage de sa jeunesse, est à peu près aussi crédible que les projections climatiques des crânes d'œuf du GIEC. C'est impossible pour une raison à la fois très simple et absolument insoluble : on ne sait pas ce qui va se passer entre les 25 et 75 ans d'un homme ; on ne peut donc pas vieillir son visage. Il se passe la même chose dans je ne sais plus quel film (de Scorcese, je crois), où De Niro vieillit lui aussi d'une cinquantaine d'années : comparer aujourd'hui le visage qui est le sien à celui que les maquilleurs lui supposaient alors est risible.

Encore une fois, tous ces gens n'y sont pour rien : ils ne peuvent savoir ce qui va agiter l'homme qu'ils ont en charge de vieillir. Ils ne peuvent rien d'autre que coller des rides et des couleurs sur un visage, sans être capable de modifier celui-ci comme le fait l'existence.

Je pense à l'un de mes plus vieux amis, rencontré alors que nous avions environ 17 ans tous les deux, et qui ressemblait à sa mère de façon indubitable. Nous nous sommes vus très régulièrement durant plus de vingt ans, puis la vie a fait que nous nous sommes séparés durant une dizaine d'années. Lorsque nous nous sommes revus, il avait pris les traits de son père ; non seulement ses traits, mais la forme générale de son visage, et la ressemblance avec sa mère s'était effacée, pour faire place à ce “nouveau lui” : c'était fort impressionnant.

Tout cela n'ôte rien à la perfection du film d'Ernst Lubitsch, évidemment.

15 commentaires:

  1. Non, Le ciel ne peut pas attendre, c'est Anti_Dieu...

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  2. Dans Little Big Man, Dustin Hoffman est vieilli par les maquilleurs, je ne pense pas que le résultat fut plus probant que pour De Niro. Par contre qui il y a des jeunes font déjà vieux de ce fait ils changent très peu en prenant de l' âge.

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    1. Je crois que le phénomène est général, effectivement. D'un autre côté, ce n'est nullement gênant, puisque les cheveux blancs et les rides ne sont, au fond, qu'une simple convention de théâtre.

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  3. Merveilleux film,Gene Tierney en plus...

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  4. Autre exemple: le Orson Welles vieux de Citizen Kane, qui ne ressemble absolument pas à ce qu'est devenu Orson Welles en vieillissant.

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  5. J'ai découvert ce film l'année de mes 17 ans. A cette époque, il y avait encore pas mal de cinémas à Paris et surtout un gros réseau de ciné-clubs. Il trône aujourd'hui dans ma "dévédéthèque" et je le visionne au moins une fois l'an. Ne serait-ce que pour revoir la magnifique Gene Tierney qui n'a jamais été aussi belle que dans ce film qui est un petit bijou d'humour et de finesse.

    C'est aussi un très bel album d'images qui ne peut que nous faire regretter une époque bénie où les usages étaient on ne peut plus important, comme les libertés que l'on pouvait prendre avec ces derniers sans pour autant tomber dans la vulgarité. Raoul Walsh a également réalisé quelques bijoux se passant à peu près à la même époque, tels que Gentleman Jim avec un Eroll Flynn superbe de grâce, ou The Strawberry Blonde avec James Cagney et Rita Hayworth superbe en garce qui joue l'ingénue.

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  6. Ce que vous dites ici est très juste, mais vous remarquerez que les choses risquent de se compliquer encore avec la grande vogue du "lifting", où tous les visages deviennent des masques de cire, plus lisses encore à soixante-dix ans qu'ils ne l'étaient à vingt ! (Pour le film de De Niro, je pense qu'il doit s'agir d' "Il était une fois en Amérique", de Sergio Leone).

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  7. Votre billet m'a donné l'idée du mien d’aujourd’hui...et, vu le cafard que ça m'a foutu, je ne vous remercie pas!
    Ah, c'est malin!

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  8. Signalons que la fin du film a été trafiqué au montage.

    Dans le film tel qu'il est sorti et que vous le connaissez, le noceur repentant part au purgatoire en affirmant que son épouse qu'il n'a cessé d'aimer intercédera pour lui.

    Dans la fin telle qu'elle était prévue, le noceur est beaucoup moins repentant puisque son départ pour le purgatoire est remis à une date ultérieure à cause de l'apparition d'une jolie fille.

    Inutile que j'insiste sur la différence.

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    1. C'est en effet un petit détail qui change beaucoup de choses !

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.