jeudi 10 janvier 2008

Maison close

Décidément, on ne peut jamais être tranquille chez soi, et les paparazzis ne reculent devant rien, allant même jusqu'à louer un hélicoptère pour venir traquer le futur écrivain en bâtiment jusque dans la modeste demeure parentale, et néanmoins solognote, où, chaque week-end, il vient se remettre des excès de sa semaine parisienne et essentiellement nocturne !

Cette maison, Christiane et Daniel l'ont fait construire en 1975. Ils y ont vécu jusqu'à leur départ pour - ou plutôt leur retour vers, au moins en ce qui concerne ma mère - les Ardennes, en 1993, mais je ne suis plus absolument certain de la date. Je n'y ai vécu qu'un peu plus d'un an, puisque, en octobre 1976, je suis parti en exil à Paris, comme le grand garçon que j'étais loin d'être.

Mais, jusqu'en 1990, date de mes retrouvailles avec l'Irremplaçable, j'y suis revenu quasiment tous les week-ends, sauf lorsque je pouvais jouir de quelque bonne fortune féminine - quasiment tous les week-ends, donc.

Ma chambre est à l'étage, au-dessus de la porte-fenêtre du salon. En plus du "chien assis", il y a une autre fenêtre, donnant sur l'allée descendant vers le garage, à l'extrême gauche, et sur les sapins et la mousse du terrain voisin, toujours resté en friches, par bonheur. J'y suis peut-être, en ce moment même, allongé sur mon lit d'adolescent (une place, donc), en train de "lire à poings fermés", comme dit mon père pour se foutre de ma gueule, lorsque je remonte avec un livre, juste après le déjeuner dominical.

Puisqu'on ne l'aperçoit pas dans le jardin, lui doit être dans l'atelier du sous-sol, avec le chien. Quant à ma mère, elle range, lave, essuie, repasse, astique, récure - puis recommence. En fait, en regardant mieux la photo, il y a cet écran de fumée bleue, à droite, qui semblerait indiquer que mon père est occupé à brûler des branches. Oui, il doit être là, caché par les arbres dont ma mère a obtenu qu'il ne les abatte pas impitoyablement : en ces temps de sa jeunesse, Daniel était un vrai Attila pour les sapins, et la Sologne manquait cruellement de Champs catalauniques.

Ai-je le regret de cette maison ? Non, il me semble. La nostalgie de l'âge que j'avais lorsque j'y arrivais, le vendredi soir ou le samedi midi, mon sac de linge sale à la main, et que la voiture rouge m'attendant devant la gare de La Ferté-Saint-Aubin m'était, chaque fois, un tableau de grand apaisement ? Pas davantage.

La jeunesse terminée de mes parents, restée coincée dans ce décor, m'est sans doute déjà plus douloureuse, tout au moins sensible. Ils ont vécu ici de 43 à 60 ans, soit la période de l'existence que je traverse moi-même actuellement - campé d'ailleurs à l'exact milieu du gué, dont les brusques trous d'eau restent à craindre.

Je suis repassé une fois devant cette maison, depuis, à l'occasion d'une filée vers le sud. Je m'y suis même arrêté, deux ou trois minutes, accoudé au portail de bois, afin de l'interroger du regard et des narines.

Elle ne m'a rien dit.

6 commentaires:

  1. Le facteur temps ne sonne jamais deux fois.

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  2. C'est donc là qu'on lavait le linge sale en famille ?
    Et pour les battues de Géraldine il y a un indice dans la photo ?

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  3. Ouh la ! Géraldine était encore dans les limbes, à cette époque ! En revanche, 1975 est l'année de sortie du N°1 de la Brigade mondaine. Et j'ai écrit mon tout premier (sur machine à écrire portative) dans cette chambre dont je parle, au début de 1986...

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  4. Remarquez que depuis Rousseau, il ne fait pas bon lire le poing d'une main à demi-ouvert !

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  5. récurer ne prend qu'un R. C'est récurrent !

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  6. Merci, chère Larkéo, de votre vigilance : c'est corrigé !

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.