mercredi 17 juillet 2013

Nunca vì Granada


Je n'irai jamais à Séville. On ne me verra pas me promener dans ses ruelles, nez en l'air, me demandant, toujours un peu ennuyé d'être là, à quel moment la vie va me ramener chez moi, comme je l'ai fait, homme plus jeune et singeant l'enthousiasme, dans certaines autres villes. Je crois que j'ai perdu la curiosité nécessaire. Je pense d'ailleurs qu'il s'est toujours agi d'un faux appétit : j'aurais très bien pu ne jamais voir Florence ou Madrid ou Salamanque ou Venise ou Grenade ; je ne m'en serais pas plus mal porté, je crois.

Pourquoi Séville ? Allez savoir. Un film, déjà oublié, il y a deux ou trois soirs, qui s'y déroulait. Une reconnexion à cette Espagne que j'ai plus rêvée que connue. L'envie brusque mais fugitive d'être quelqu'un d'autre et dans une autre époque, de parler comme un prince des langues que j'ignore. Être chef de caravane à Samarcande ou croisé à Constantinople, armateur à Marseille ou lépreux à Addis-Abeba. 

Je n'irai plus nulle part, je le sais ; j'ai perdu le goût, si je l'ai jamais eu. Je veux rester ici, tenter de devenir statue, comme les coyotes à face d'homme dans les romans de Jim Harrison. La route qui passe devant chez moi se mord la queue et tourne sans fin sur elle-même : ce n'est probablement pas un hasard.

53 commentaires:

  1. Merci.
    Ça faisait longtemps que je ne m'étais fait cueillir par un écrit .
    Me voilà décollé comme une fleur fauchée.
    Si tous les bâtiments étaient écrits de cette encre, les villes nous seraient plus belles.
    J'ai bien fait de vous visiter.

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    1. Merci de votre visite… mais la prochaine fois, choisissez-vous un nom ou un pseudonyme, car en principe je vire tous les commentaires anonymes !

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  2. Hé, ho ! N'oubliez pas que vous êtes censé visiter ma campagne profonde, à l'automne (ou quand cela vous chantera). Dépaysement garanti. Et c'est autre chose que ces destinations frelatées auxquelles vous faites allusion.

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  3. Z'avez réservé votre place au cimetière ?

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    1. Non, mais vous faites bien de m'y faire penser ! Heureusement, il y a encore beaucoup de place…

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  4. Voila donc l'écho du billet du vendredi douze.
    Le Plessis square à statues, façon "terminus tout le monde descend"? j'ai peine à y croire.
    J'viens d'ailleurs de survoler la commune sur Google earth (oui, pas besoin de bosser pour le gouvernement pour traquer les fâcheux), je ne vois guère de route qui se morde la queue.
    Mais la posture est belle.

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    1. Je vous demande bien pardon, la rue de l'Église commence au pied de l'édifice en question et, changeant de nom en cours de route, elle y revient par unb autre chemin : elle fait donc bel et bien une boucle fermée.

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  5. Et le Grand Déménagement, alors ? L'exil, Tromso ?

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  6. Ah, Paco Ibanez (avec un tilde que je n'ai pas eu envie de chercher)! Votre réflexion me fait rêver d'un billet que je n'écrirai peut-être jamais sur la réticence à partir et le bonheur de la découverte. Je n'ai jamais vu Grenade, mais j'ai vu Madrid, du temps du Caudillo. Un temps où l'Espagne existait encore...

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    1. Sur le Mac, le tilde se fait en tapant alt + n AVANT de taper le n qui sera ainsi chapeauté. Sur PC, je ne sais pas, mais d'autres devraient pouvoir vous le dire…

      À la boññe vôtre !

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    2. alt+241 sous windows. Paco Ibañez donc ! A la boññe votre aussi !

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    3. Il y a un tilde sous le 2 en bas à droite.

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    4. "Un temps où l'Espagne existait encore..."
      Que voulez-vous dire?

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  7. Quel intéressante perception que nous sommes de plus en plus nombreux à ressentir. Je ne connais pas Séville et cela ne me manque ni ne m'affecte pas le moins du monde.

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  8. Vous pourriez tout de même faire un effort. L'Espagne a besoin de votre argent en ce moment.

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    1. Je sais, je sais… mais mon argent ne peut pas être partout.

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    2. C'est vrai,la grosse Lulu a besoin de gagner sa croûte elle aussi.....

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  9. ... "Une reconnexion à cette Espagne que j'ai plus rêvée que connue. L'envie brusque mais fugitive d'être quelqu'un d'autre et dans une autre époque, de parler comme un prince des langues que j'ignore. Être chef de caravane à Samarcande ou croisé à Constantinople, armateur à Marseille ou lépreux à Addis-Abeba."
    Tout pareil, Didier. Splendide de poésie. Merci pour cela.

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    1. Tiens, un petit jeu : sur ces quatre villes, j'en connais une, laquelle ?

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    2. Je suis joueur : Constantinople, la mer noir vous irait si bien, même si vous prétendez souvent ne pas bosser fort.

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    3. Disons Marseille. C'est bon?

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    4. Perdu ! c'était Addis Abeba (voir commentaire plus bas).

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    5. J'étais certain que ça ne pouvait pas être Marseille : c'est la ville où j'ai vécu une grande période de ma vie et je ne me souvenais pas vous y avoir vu, effectivement.

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  10. C’est très bien, ainsi nous passerons notre été ensemble.

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  11. Je ne l'ai pas fait exprès, mais je m'avise, ayant parlé de l'Espagne, que nous sommes le 18 juillet, date du soulèvement de Franco, en 1936, à la tête de ses troupes (la Légion étrangère, si ma mémoire est bonne).

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  12. Bonjour Monsieur Goux :

    Comme dit le proverbe espagnol :
    "Quien no ha visto Sevilla, no ha visto maravilla,
    Quien no ha visto Granada, no ha visto nada."

    (celui qui n'a pas vu Séville n'a pas vu de merveille, celui qui n'a pas vu Grenade n'a rien vu.) Mais bon ni à Séville ni à Grenade on n'a trouvé de chef d'oeuvre manuscrit comme à Saragosse, donc vous êtes tout excusé de ne point vouloir les visiter.)
    A part ça c'est quoi cette "envie brusque mais fugitive" d'avoir voulu être lépreux à Addis Abeba ? Vous faites une crise de masochisme ? Franchement à n'importe quelle époque je préfère la verte Normandie à la poussiéreuse Addis Abeba.

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    1. C'est que j'ai connu Addis Abeba, en 1973, et que j'y ai en effet croisé des lépreux pas regardables – ce qui m'a assez profondément marqué…

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    2. Et, si je ne connais pas Séville, j'ai passé trois jours à Grenade, vers 1981 ou 82.

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    3. Bon alors j'ai perdu... j'avais parié Constantinople.

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  13. Mince alors vous êtes allé à Addis Abeba ! Et en 1973 en plus ! Cette ville devait être dans le même état déglingué qu'à l'époque où Rimbaud y séjournait. Mais l'important est que vous, vous en êtes revenu vivant...

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    1. Rimbaud aussi en est revenu vivant…

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    2. Z'avez raison Monsieur Goux, j'ai lu sa page wikipédia : j'avais tout faux : il s'est juste bien détruit la santé dans la Corne de l'Afrique. Puis il est revenu vivant, mais pour mourir, à Marseille.
      Mais on peut s'interroger : Marseille est-elle vraiment une ville européenne ? C'est peut-être pour ça que vous n'avez pas visité une ville si exotique :)

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    3. Rimbaud est revenu vivant...pour mourrir peu aprè à Marseille!!

      En revanche Henry de Monfreid a aussi vécu et écrit sur Addis, dont le superbe "Le Lépreux"!

      Lui est revenu pour mourrir nonagénaire (après avoir été incarcéré dans les camps brittaniques, suspect de collaboration! ).

      You, anonyme par la force des choses, n'ayant pas de compte google ou autres live id.

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  14. Je suis aussi quelqu'un de très casanier, moins par choix philosophique ou véritable manque de goût que par paresse, j'en ai peur.

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  15. Très beau texte !
    Ecrit dans le cadre du "Mandela Day" ?... Mais comme je suppose que vous avez mis moins de 67 minutes pour le rédiger, il va falloir songer à une autre "bonne action" :-)
    Geneviève

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  16. Rien à voir, mais je cherche le blog de Catherine avec les recettes de cuisine. Depuis que mon précédent ordinateur a rendu l'âme j'ai perdu pas mal de liens...
    Merci d'avance !
    Geneviève

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  17. Les cafés caractérisent l’Europe. Ils vont de l’établissement préféré de Pessoa à Lisbonne aux cafés d’Odessa, hantés par les gangsters d’Isaac Babel. Ils s’étirent des cafés de Copenhague, devant lesquels passait Kierkegaard pendant ses promenades méditatives, aux comptoirs de Palerme. […] Dessinez la carte des cafés, vous obtiendrez l’un des jalons essentiels de la « notion d’Europe ». Le café est un lieu de rendez-vous et de complot, de débat intellectuel et de commérage, la place du flâneur et celle du poète ou métaphysicien armé de son carnet. Il est ouvert à tous et pourtant c’est aussi un club, une franc-maçonnerie de reconnaissance politique ou artistique et littéraire, de présence programmatique. Une tasse de café, un verre de vin, un thé au rhum donnent accès à un local où travailler, rêver, jouer aux échecs ou simplement passer la journée au chaud. C’est le club de l’esprit et la « poste restante » des sans-abri. […] Aussi longtemps qu’il y aura des cafés, la « notion d’Europe » aura du contenu."


    GEORGE STEINER
    Une certaine idée de l’Europe

    Bon... N'y aurait-il pas un nomadisme positif, l'errance rimbaldienne, l'éclosion de l'espace, la dérive des incontinents...et j'en passe! ????
    Nouvel Hermes




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    1. Beau texte, en tout cas. Mais Steiner, avec son ridicule attachement à la culture "élitiste" est désormais classé comme un sale réactionnaire discriminant…

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    2. Robert Marchenoir19 juillet 2013 à 10:53

      Le café, encore un truc qu'on doit aux musulmans... On n'en sort pas.

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  18. Vous êtes quand même allé voir l'arrivée du tour à l'Alpes du Aise. Je vous ai reconnu dans la montée en train de courir à côté des coureurs en hurlant des encouragements. Quelle santé!

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  19. C'est un pays où il fait trop chaud, pour-que j'y traîne mes guêtres, certes les espagnols font de l'excellent charcuterie(soubrassada), de bon musicien(Albeniz), du vin (xeres) mais non il fait décidement trop chaud et leur bière est immonde.

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    1. C'est surtout leur jambon qui vaut le voyage. Cela dit, il fait trop chaud, faut voir : allez du côté d'Àvila en janvier ou février, vous verrez que vous allez vous peler de froid…

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    2. C"est un climat Estramadure!

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  20. C'est à Grenade que vous avez dégoupillé ?

    Désolé

    Duga

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.