vendredi 23 janvier 2015

Je vous lègue ce monde de merde – pardonnez-moi


Sautera ? Ne sautera pas ? Non, évidemment : je tiens à voir la comédie jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'au moment où je la quitterai. J'ai écrit, hier, dix lignes qui m'ont été reprochées ; je comprends ces reproches. Les gens que j'aime aujourd'hui ont tous – et ils sont peu nombreux dans ce “tous” – aux environs de trente ans ; ils deviennent adultes, voire pères et parfois mères, comme ils peuvent, dans un monde que les gens de mon âge leur ont considérablement salopé, sans même savoir ce qu'ils faisaient. (Ne parlons même pas de l'immonde génération d'avant moi, qui ne s'excusera jamais de rien, et sera maudite pour les siècles des siècles – en tout cas j'espère.) Sérieusement, nous n'avons pas su ce que nous avons fait. Nous avons ri et chanté dans une parenthèse qui se referme, et que nous pensions éternelle. (Si vous aviez pu nous voir, à 18 ans, face à ce monde qui ne pouvait aller qu'en s'améliorant ! Si vous aviez pu comprendre notre profonde stupidité !) Nous pensions nos parents en noir et blanc, nous vous voyions encore plus rubiconds que nous-mêmes. Nous étions… peut être pas des médiums, mais des médians : vous alliez, c'était certain, être encore plus progressistes, encore plus gentils que nous. Et il n'en a rien été. Nous vous laissons un monde dur, pénible, envahi, probablement invivable ; et des gens de notre génération qui vous demandent de chanter les louanges de ce qu'on vous lègue. Ne les chantez pas ; refusez le legs ; redevenez guerriers, violents, stupides s'il le faut, assoiffés ; tentez de préserver vos enfants et de leur léguer quelque chose ; apprenez-leur le maniement des armes et offrez-leur des fusils efficaces pour Noël, entraînez-les au combat rapproché, montre-leur les points faibles de leurs ennemis, crachez au visage des collaborateurs mous. Tout cela s'accomplira, ou ne s'accomplira pas, mais sans moi ; c'est pourquoi il m'arrive de désespérer de nous.

61 commentaires:

  1. Je n'ai pas "ri et chanté", j'ai travaillé, j'y ai cru, pour nous, pour nos enfants et maintenant ?
    Je ne me sens pas coupable, seulement incapable d'avoir milité plus fort que ceux d'"en face" :
    " LES BIEN-PENSANTS" qui ont perdu la France et qui continuent, continuent...

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  2. Jolie prose.
    Si ça se trouve, l'avenir est exaltant. Vous vous goinfrâtes ; nous nous battrons. Les trentenaires ont de la chance.

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  3. Mais non, bon sang! Sur les 121 commentaires (à l'instant où j'écris) qu'à suscité votre billet d'avant-hier, seuls deux ou trois, je ne sais plus, ont eu le malheur (l'arrogance, l'ignorance, la facilité...) d'exprimer un reproche aux générations précédentes.

    Seule l'union de tous (quelle que soit leur génération, leurs motifs etc.) serait en mesure, à défaut de changer la donne, de nous donner le sentiment (l'illusion?) qu'on peut encore se tenir chaud en se serrant les coudes, en faisant corps, en cultivant l'idée d'un nous, peuple de France. L'Union fait la France! (si l'ot conne cherche une idée pour le nom d'un parti...)

    Vous avez l'art de me cogner l'âme et de bastonner ce qu'il me reste d'innocence (d'ignorance?) ces derniers jours. Je ne vous en veux pas et vous prie d'excuser mon lyrisme de fin de race. Vive la France!

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  4. "Redevenez guerriers ...". C'est le seul moyen pour eux d'avoir une petite, toute petite chance de survie.

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  5. je n'aime pas ce billet. Non qu il soit mal écrit, bien au contraire. Non que je sois en désaccord, j’acquiesce en tous points, non, je ne l aime pas parce qu il y a dedans, peut-être me trompe-je, de la désespérance. Et je n aime pas la désespérance.
    Sur ce un p'tiot digestif pour se remettre d aplomb ! :)

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    1. Désespérance est sans doute un peu fort. Mais reconnaissez que la réalité fait peu d'efforts pour me remonter le moral…

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    2. Spleen c'est peut être mieux que désespérance...

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  6. Et bien Non, le sursaut viendra, votre réaction en témoigne,car on n'enterre pas la France ainsi.

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  7. A-t-il été reproché à l’Église de Notre Dame de Paris de sonner le glas ? Vous sonnez de généreuse et bien belle façon le glas de l’Occident. Des cloches sonnent à la volée, passons. Personnellement j’aurai choisi de sonner le tocsin…
    La Patagonie me semble suffisamment éloignée de l’archipel de la barbarie…
    Gracias y buena suerte a ustedes y sus queridos
    Camisard

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    1. En Patagonie, on est encore fichu de tomber par hasard sur Florent Pagny…

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    2. Ou sur l'ombre errante de Bruce Chatwin, ce qui est plus engageant !

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  8. A moi "quarantenaire", ce qui me fait peur et honte tout à la fois, c'est que je sais parfaitement ce qu'il faudra faire un jour, peut-être plus tôt qu'on ne le pense, sans en avoir ni le courage physique ni le courage moral, du moins pour l'heure: il faudra se battre, avec tout ce que cela implique en termes de résultats humains concrets. En revanche, je suis assez fier, à la suite d'un long travail de réflexion (donc rien qui relève de la "phobie" ou de la réaction immédiate) d'être devenu ce que la bien-pensance qualifierait de façon schématique et très largement erronée un "raciste". Voilà ce qui épouvante les gens qui ont connu les années heureuses, la "parenthèse enchantée" comme disait l'autre, la peur de porter le fer (que je partage), la peur d'être pris pour un esprit rudimentaire (alors qu'il faut, au contraire, une belle qualité d'intelligence pour reconnaître et admettre qu'au final, c'est le sang qui compte).

    P.S. voyez comme cette peur me paralyse encore, je n'arrive pas à écrire les vrais mots, mais vous m'avez quand même compris.

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    1. Admettre que seule une certaine forme de barbarie sera en mesure de sauver notre civilisation est une équation qui a également mis du temps à se mettre en place dans mon testelat.
      Ma plus grande crainte vient de la structure des âges et du refus de combat (y compris dans notre bord) d'une population vieillissante qui fera tout son possible pour maintenir le status quo et dérouler pépère ce qu"il reste de la bobine. Certains, notamment les plus lucides, n'aspirent qu'à une chose: qu'on leur foute la paix.

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    2. Je fais partie des quarantenaires sans enfants, et je sais d'ors et déjà que les caisses de l'état seront vides (sauf pour l'AME, l'hébergement d'urgence des réfugiés politiques, la commémoration annuelle de la rafle du Vel d'Hiv) lorsqu'il sera temps pour moi aussi de prendre ma retraite...

      Or que fait-on quand on n'a plus rien à perdre, quand on ne peut plus se loger, se vêtir ou même s'alimenter? On se bat.

      Je ne crois pas en la volonté des européens de souche de se lever comme un seul homme pour mettre fin à ce qui sera alors un siècle d'abjection... en revanche je crois en la force du désespoir.

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    1. Je sais que vous avez tous les droits mais c'est un peu court, non ?

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    2. Je n'ai pas "tous les droits", et oui, c'est un peu court.

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    3. Ce genre de réponse est un appel à la violence....tellement c'est con...
      Matador

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    4. Oui, parce que toi, "Matador", tu nous as habitué à des développements somptueux, jusqu'à présent, pauvre andouille. Matador… Non, mais y en a qui n'ont vraiment aucun sens du ridicule. Même pas foutu d'écrire le nom de Didier Goux sans faire de faute, cet abruti !

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    5. Tartuffe :) les mecs comme toi ne font jamais d'erreur, parce que l'erreur, elle est consubstantielle à ton existence ....Vivement qu'on se retrouve dans la rue face à moi, là , t'auras pas beaucoup de chance :) les types comme toi, on discute plus, on tape; en plus çà soulage ;)
      Matador

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    6. C'est sûr qu'avec ce que tu as entre les deux oreilles, il ne te reste que les poings pour t'exprimer, ça ne fait aucun doute. Enfin, il a réussi à écrire "consubstantielle", c'est bien.

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  10. Je sors aussi hébétée de la lecture de votre billet que de celle de Soumission de Houellebecq!

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  11. "Les gens de votre génération ne sont pas entièrement responsables de ce bordel :ils ne l'ont pas commencé, mais ceux d'aujourd'hui ne sont pas tout à fait innocents puisqu'ils le continuent" dirait mon papa.

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  12. En me relisant, je me dit qu'enchaîner le livre d'Obertone sur le journal de Muray était sans doute une trop forte posologie…

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  13. J'ai la fatuité de prendre ce billet un peu pour moi... Que ce soit clair, je ne vous reproche rien et je comprends parfaitement ce que vous voulez dire. Mon billet de réponse avait pour seul but de redonner du courage et de la moelle à nos lecteurs commun. Je suis persuadé que nous allons être amené à commettre des horreurs ou à disparaître à moyen terme et ça ne le réjouit pas mais j'essaie à mon minuscule niveau de réveiller la bête qui survit en nous. Sans elle nous sommes effectivement condamné.

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    1. Il était pour vous en partie, oui. Pour ce qui est des reproches, je n'avais pas pris votre billet comme tel. De toute façon, je suis hautement capable de me les faire moi-même…

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    2. Personnellement je trouve toujours réconfortant de voir l'insouciance, la légèreté avec laquelle vivaient mes parents et que vous avez connue Didier. Rien ne m'enchante plus de voir des films où il y a de gros cigares et des verres de whisky partout. C'était un monde où la liberté se vivait vraiment en ces petits détails... Jamais je ne pourrai reprocher quoi que ce soit à cette insouciance. Elle m'aide aujourd'hui à connaître ce que l'on a perdu et à transmettre ce goût de la vie et d'une vraie liberté à mes enfants.

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    3. Eh bien, votre réconfort me réconforte un peu !

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  14. Depuis quelques jours vous nous délivrez une grandiloquente et ridicule complainte pétainiste au sujet des mensonges qui nous ont fait tant de mal, de la terre qui ne ment pas, etc, etc. on sait ce qu'il est advenu.

    Ce pays n'a aucune envie de se recroqueviller, d'élaborer des statuts ségrégationnistes, de se confire dans une culture ancienne et figée, il a envie de se confronter au monde, de se mesurer à lui, et il le fera avec plus ou moins de succès, mais dans la dignité.
    Vous lui proposez de reculer et de haïr.Quel programme!

    Bernard Faure

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    1. Quand il s'agit de ravis de la crèche décervelés dans votre genre, il me semble en effet que la haine devrait être réhabilitée d'urgence. Mais, après tout, peut-être que le mépris y suffira.

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    2. Didier Groux, excellent !! décervelés est encore trop gentils, çà voudrait dire qu'ils avaient un cerveau avant...Rien n'est moins sûr...
      Le mépris? Même pas dignes de çà, juste l'indifférence...:)
      Matador

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    3. Je préfère ne pas le savoir…

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  15. Vous ne léguez rien du tout car ce monde ce n'est pas vous qui l'avez voulu et créé. "Les vrais coupables se tenaient le bras un certain 11 janvier 2015" comme dit Fredi M. Aujourd'hui, il faut le dire et le redire car il n'y aurait pas crime plus grand que de se taire. C'est ce que vous faites. Merci !

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    1. Je ne l'ai pas voulu, mais j'y ai, à mon minuscule niveau, activement participé. Et je trouve un peu trop facile – mais cela n'engage évidemment que moi – de toujours se retrancher derrière les semi-mythiques “vrais coupables”.

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    2. Vous êtes trop modeste, avec toutes les âneries écrites sur France Dimanche, vous avez une part significative dans la déculturation de ce pays, puisque déculturation il y a comme vous le dites si souvent.

      Robin

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    3. Sans doute, mais ils l'ont fait avec notre assentiment, et pas toujours tacite.

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  16. Vous n'avez pas à porter tout le poids de cette malédiction Didier..

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    1. Mais si ! Il me semble que chaque être doit porter le poids total de la malédiction, qui n'est pas un gâteau que l'on peut se partager.

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  17. "nous...nous...nous vous laissons un monde dur, pénible, envahi, probablement invivable"
    Si l'on excepte quelques erreurs de jeunesse, nous n'avons fait que voter !

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    1. Mais non ! Nous avons (en tout cas moi) applaudit à presque toutes les innovations aberrantes qui se présentaient.

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    2. Comme le droit au regroupement familial ? (en tout cas pas moi)

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  18. Ce monde n'est décevant que par rapport à ce que nous espérions qu'il serait quand nous étions jeunes (et nous n'espérions sans doute pas tous la même chose, d'ailleurs...) ; dans l'absolu, il y a-t-il beaucoup de périodes où il était plus agréable ou facile à vivre ?

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    1. Plus facile, certainement pas. Mais justement, la question n'est pas là, dans la facilité.

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  19. Réponses
    1. Mazette !

      (Et même Mazette Tov, en l'occurrence.)

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    2. En tout cas, pour illustrer votre texte, nos amis israéliens ont réussi à dénicher une photo beaucoup plus déprimante que la vôtre...

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  20. Allez-vous me rejoindre rapidement ?

    Stefan Zweig

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    1. J'ai assez peu de goût pour le suicide. Jusqu'à maintenant en tout cas.

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  21. Votre blog devient crépusculaire....

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    1. S'il n'y avait que mon blog, pour devenir crépusculaire, cela n'aurait aucune importance.

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    2. Et votre gouvernement de plus en plus agressif, c'est quoi? Une invitation géante à manger le dessert?

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  22. Mais que sont devenus nos bandes d'Écorcheurs, ils seraient les bienvenus pour remettre un peu d'ordre. Redevenir guerrier , c'est pas gagné mais après il ne faut pas désespérer.

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  23. Hé ho. Je n'ai pas environ 30 ans. Donc vous ne m'aimez pas. Donc je vais boire.

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    1. Non, c'est vrai que je ne vous aime pas, tout comme vous me détestez : voilà un aveu qui va foutre le bordel dans le petit cerveau de GdC…

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    2. Et voilà ! Vous oubliez encire mon pote pas Blanc. Au fait ! Le type chez qui on en parlait ce matin a fermé son blog. Je suis inquiet (réellement).

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  24. Excellent billet (tout comme celui qui le précédait sur le même thème)... Quelle puérilité, égoisme et narcissisme des générations qui ont voulu installer les jeunes et l'hédonisme au pouvoir.

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  25. Comment peut-on, sous le seul prétexte de l'age, penser détenir la vérité à ce point !

    En ce sens, votre manière d’être et de penser, que vous soyez jeune ou vieux, n'a pas changé.
    Ce ne serait qu'un détail (votre stupidité) si vous n'aviez pas un tel effluent de commentaires...

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  26. Laure Questembert26 avril 2015 à 23:07

    J'ai bientôt 30 ans, et un seul mot me vient en vous lisant : merci. Peu de gens de votre génération semblent capable de reconnaître ce que vous avez bien voulu écrire.
    Merci, merci, merci.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.