samedi 2 mai 2015

Philippe Muray à travers mon âge


J'ai repris Le XIXe siècle à travers les âges, je ne sais même pas pourquoi. Lecture passionnante, par ce qui y est dit (ce lien indubitable, tu par tout le monde, entre socialisme et occultisme), et horripilante par cette manière qu'avait Muray d'écrire avant de se découvrir lui-même, de savoir ce qu'il avait l'intention de dire : cette façon d'entasser les phrases sans verbe, d'accumuler les comparaisons sans être capable d'en choisir aucune… Du coup, on arrive à se demander si Muray était écrivain. Si on se réfère à ses romans, la réponse est évidemment : non. Rien de plus pâteux, de moins lisible que ces pavés tournant sur eux-mêmes, s'engluant dans ces phrases mal bâties, redondantes, m'as-tu-vu-quand-j'écris, etc. Pourtant, dès qu'on revient aux Exorcismes spirituels, on retrouve une espèce de maître, un souverain ayant trouvé non seulement sa matière mais la langue pour la dire, et comme personne. Que s'est-il passé entre ce pavé de 1984, difficile à digérer, horripilant par cette langue qui ne cesse de s'effondrer sous son propre poids – gros gâteau aux apparences allemandes –, et cette aisance, cette parfaite agilité qui se donne à lire deux ou trois ans après ? Qu'est-il arrivé à Philippe Muray, dans ces moments-là ? Il faudra attendre la suite du journal pour espérer le savoir. Mais je pense qu'on n'en saura rien.

Ultima Necat.

18 commentaires:

  1. Restera muré dans ses secrets...

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  2. Merci d'écrire si clairement ce que je pense de ce livre. En dépit de l'intérêt de la thèse on se découvre un tempérament de prof : "faites plus court, jeune homme ! vous l'avez déjà dit...etc.." Mais je n'aurais pas osé me permettre de critiquer Muray au vu de sa " canonisation " actuelle (et de ses trouvailles géniales).
    Vous n'êtes pas mal non plus dans le genre trouvailles avec "gros gâteau aux apparences allemandes". ..
    Estelle Marque.

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    1. Voici donc la version courte :
      - Je ne mange que pour le plaisir du palais hihihi...
      - On en reparlera dans une semaine. Et voilà ta ration de pain sec pour cette semaine.

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    2. La version longue décrit la communication humaine comme la comparaison partielle de deux objets récursifs (aussi appelés dictionnaires en langue vernaculaire). Déconseillée à ceux qui n'aiment pas la forêt-noire.

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  3. Et vous n'êtes pas un gâteau mais un apéritif, vous lire nous donne envie d'en savoir plus sur les auteurs que vous aimez. Quel est donc ce lien entre socialisme et occultisme à part la franc-maçonnerie ?

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    1. Muray emploie 650 pages (mais 350 auraient rendu le livre bien meilleur…) pour dévoiler ces rapports, qui sont multiples : vous ne pensez pas que je vais vous les résumer en un touite, tout de même ?

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  4. Tiens c'est rigolo ce billet... Il y a de ça, maintenant (hein !), plusieurs années que je m'étais attaqué à ce bouquin parce que mon frangin m'invitait à le découvrir. Et ce fut dur ! A chaque essai, j'échouais vers le milieu du livre. Je laissais alors quelques mois de détente dans les écrits d'un autre et je ré-attaquais. Et pouf ! (ou pan !) rebelote ! (sans les cartes...) A chaque tentatives, je recommençais depuis le début ! Et j'ai finalement réussi à le terminer. Et peut-être alors que cette difficulté rencontrée était due à ce que vous mettez en avant... Why not ?

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    1. Ce livre est un gros arbre qui s'étouffe lui-même tant il est touffu : un bon élagage se serait imposé.

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    2. Certes. Mais l'analyse est belle et convenue. Quoique disgracieuse... Mais, je crois qu'on est d'accord.

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  5. "Que s'est-il passé..." Peut-être a-t-il eu recours aux services d'un "rewriter" ?

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  6. Moi c'est Brigade Mondaine que chuis pas arrivé à lire...

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    1. Je reconnais bien là votre pudibonderie d'un autre âge.

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  7. Vous aviez plus ou moins la même interrogation à propos de Balzac, quand était-il passé d'écrivain en bâtiment à écrivain, une transformation en peu de temps... quand est-ce que Napoléon perce sous Bonaparte, quand Jésus devient-il JC...De mon avis, c'est le mystère de la transcendance...

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  8. "Qu'est-il arrivé à Philippe Muray, dans ces moments-là ? Il faudra attendre la suite du journal pour espérer le savoir."
    Il n'y a pas de mystère: le style c'est du travail, du travail et encore du travail.

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