lundi 11 décembre 2017

Deux avatars de Michel Houellebecq


Influencé par de pernicieuses lectures (en l'occurrence Élisabeth Lévy dans Causeur), je me suis risqué sur le roman français contemporain ; deux, coup sur coup. Tout d'abord L'Homme surnuméraire de Patrice Jean, puis L'Art des interstices de Pierre Lamalattie. Si je voulais être méchant, je dirais que j'ai eu l'impression de deux marionnettes que Michel Houellebecq aurait fixé au bout de ses mains pour amuser les petits enfants réactionnaires et désabusés ; mais ce serait nettement excessif. Car ce n'est pas que ces deux romans soient mauvais, fort loin de là : si le deuxième est tout de même un peu long pour le propos qui est le sien, le premier propose une mise en abyme plutôt intéressante et habile. On ne s'y ennuie pas, on sourit assez souvent, on déprime à loisir, on ricane à gogo. Le problème est que chaque page de l'un et de l'autre amène leur lecteur, irrépressiblement, à penser à Houellebecq (et aussi, un peu, à Muray, dans le cas de Lamalattie), et que cette comparaison ne tourne jamais à l'avantage de nos avatars. La quatrième de couverture de L'Art des interstices nous affirme que ce roman est écrit dans un “style incomparable”. Je ne voudrais vexer personne, mais j'ai trouvé le style de M. Lamalattie tout à fait comparable ; et là encore, la mise en regard ne tourne pas à son bénéfice ; d'autant moins qu'il n'est pas toujours bien assuré de sa propre langue (il se vautre sur “éponyme”, par exemple, laisse passer des phrases grammaticalement incorrectes ; sans parler de ce moment où l'un des personnages est conduit au commissariat entre deux gendarmes…). Bref, Michel Houellebecq peut être rassuré : ses dauphins ne sont pas sans valeur, mais la couronne et le sceptre ne risquent pas encore de glisser de sa tête et de sa main.

14 commentaires:

  1. Décidément, cet "éponyme" vous défrise...
    Cela dit, votre coup de griffe est sûrement justifié, d'autant que vous n'étiez pas tombé dans le travers du démarquage avec votre "chef-d'œuvre".

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  2. Dit autrement : vous préférez l'original aux copies !

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  3. Après lecture de ce procès-verbal très explicite, nous nous ne prendrons donc pas la peine d'ouvrir ces ouvrages. Comme s'il n'y avait que ça à lire, sans compter tous les articles plus ou moins fatigués sur les blogs du lundis !

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    1. Vous faites peut-être allusion au dernier billet d'humour ménager de Jacques Etienne.
      Qui ne peut s'expliquer que si l'on sait qu'il a été pondu en hâte pour enterrer (quelle irionie) son billet précédent R.I.P ? dont les commentaires étaient devenus explosifs par la faute de Mildred (eh oui toujours les mêmes).

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    2. Jolie bibliographie ! Quel labyrinthe endiablé vous faites parcourir à cette chère Mildred, est-elle au moins chaudement vêtue ?

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    3. Ah Barbara, je savais que je pouvais compter sur vous...

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  4. Ayant lu "L'Homme surnuméraire", je partage votre jugement. Plus j'avançais dans la lecture de ce livre, plus je me disait que c'était du sous-Houellebecq.
    Joël

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  5. Je vous trouve très indulgent avec "L'homme surnuméraire". Les parties "dialoguées" sont poussives, la blague de potache qui tient lieu de pirouette conclusive ruine l'intérêt de la mise en abîme. Seul le cœur du propos a de la solidité et du style, mais c'est désormais du réchauffé. C'est un peu du "reader's digest".

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  6. Je ne suis donc pas le seul - le contraire m'eût tout de même étonné.

    À lire un estimable blogueur,je me suis retrouvé chez un autre blogueur que j'ai trouvé estimable, lequel tressait des couronnes à Patrice Jean. Comme je boulimise, question lecture, ces temps-ci, hop, j'achète les trois bouquins dudit Jean (Patrice) en Presse Pocket. Et j'ai mais alors très très vite déchanté. En plus, c'est bourré d'impropriétés, à tel point que j'en ai conclu qu'il devait être "jeune" journaliste ou "néo-prof" pour écrire comme ça. Bises sur mes biceps : quelque part (je ne sais plus où) on nous apprend qu'il est professeur de français.

    C'est du "sous" (Houellebecq ou Muray, soit) à en être adoubé par Télérama. J'aurai dû me méfier. Mais on ne nous apprend pas à nous méfier assez…

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  7. Je lisais justement "L'homme surnuméraire" pour me changer les idées après un "Brigade Mondaine" et j'ai trouvé ça très bien. D'ailleurs j'ai fini le livre ce qui devient de plus en plus rare. Et puis un livre parrainé par Fienkielkraut et Levy et ignoré par Télérama mérite toute notre attention.

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    1. Vous noterez que je n'ai jamais dit qu'il s'agissait de mauvais romans…

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  8. Cher Didier, dans votre phrase vous écrivez : «  je me suis risqué sur le roman français contemporain ». Allez savoir pourquoi cette phrase me fait bigrement penser à une réplique culte des Tontons Flingueurs dans la scène de la cuisine « on se risque sur bizarre... ». Est-ce le plus pur des hasards ?

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.