mardi 20 avril 2021

L'énigme de l'écrivain fantôme (et noir)


 Mon regard balayait paresseusement le rayon des Américains – juste en dessous des Anglais et à gauche des Hispano-Portugais : pouvez pas vous tromper –, quand il est tombé sur lui. 

Percival Everett

En dépit de mon crypto-alzheimerisme, je conserve toujours un vague souvenir des écrivains qui dorment debout dans mes rayons, même si le contenu de leurs livres m'est redevenu opaque.

Là, rien.

J'ignorais totalement, il fallait se rendre à l'évidence, qui pouvait bien être ce Percival-là. Pourtant, avec un prénom pareil, j'aurais dû en garder au moins un semblant de trace mémorielle… Mais non, rien. Et ce n'était pas un mais bien deux romans de lui qui se trouvaient là.

Qui avait bien pu signaler ce garçon à mon attention ? Les gens dont j'incline à suivre les recommandations littéraires sont fort peu nombreux , et je n'en voyais aucun qui pût m'avoir aiguillé vers cet écrivain-là.

Car, a priori, après une rapide visite à Dame Ternette, je voyais bien qu'il avait toutes les raisons de me déplaire. (Et, non, sa couleur de peau n'entrait pas dans les dites raisons : que mesdames et messieurs les vigilants veuillent bien rengainer leurs assignations à comparaître, au moins pour le moment.) Songez donc : un directeur du département de littérature dans une université californienne ! Et, facteur aggravant, marié avec une essayiste, spécialiste des questions de genre, de race et de maternité : le fond de l'horreur, l'alpha et l'oméga de la guignolerie post-moderne.

Pourtant, à un certain moment de ma piteuse existence, j'avais bel et bien acheté deux romans de Percival Everett. Ensemble ? Le second après avoir lu – et donc aimé – le premier ? Dans l'ordre de leur parution première, ils s'intitulent Effacement et Blessés.

Hier, j'ai relu le premier des deux (350 pages chez Actes Sud). Sans que, jamais, le moindre lumignon ne se mette à clignoter dans mon cerveau pour me dire que, oui, en effet, ce roman avait déjà été lu. 

Il y a du bon et du moins bon, dans l'histoire de ce professeur d'université, aussi noir que son créateur, auteur de romans très intellectuels et invendus (sa marotte est de réécrire les tragédies grecques antiques, ce qui m'a fait penser à quelqu'un…), et qui, un jour, par dépit, “pond” un court roman ressortissant à ce qu'on pourrait appeler la “littérature-de-ghetto”, dans ce qu'elle peut avoir de plus frelatée et clichesque. Naturellement, ce roman qui le dégoûte profondément se met à marcher du feu de Dieu, ou du diable. 

Le bon côté est que Mr Everett n'hésite pas à enfoncer les portes du politiquement correct, de l'antiracisme de convenance, en profitant assez malicieusement de sa propre couleur de peau, qui agit ici à la façon d'un pare-feu ou d'un gilet pare-balles : un romancier blanc écrivant le tiers de ce qu'il se permet aurait déjà été poussé au suicide par les ligues de vertu idoines, ou au moins à la démission de son poste universitaire.

Le mauvais côté vient de ce que le romancier ne parvient pas tout à fait à oublier qu'il est professeur de littérature et qu'il se croit obligé de nous montrer qu'il connaît et possède toutes les ficelles avant-gardistes. En bref, il fait un peu trop le malin. Mais enfin, comme on dit : “ça se lit”.

J'ai ouvert Blessés ce matin, entre le premier et le deuxième café. Celui-là, je suis certain de l'avoir lu, même s'il ne me dit absolument rien. Parce que j'ai pris des notes sur la page de garde. Notes qui, relues avant le roman lui-même, ne font qu'épaissir un peu plus le mystère, dans la mesure où elles me demeurent totalement opaques. Les voici telles que rédigées à l'époque (mais quand, bon sang de bois, quand ?) :

Cruauté ––––> tj humaine, tj inconsciente. (Sinon : barrières)

Animal le + humain : le chat.

Pourquoi le chien n'est-il jamais cruel ?

––––> Scène du Coyotte (––> Zoé)

––––> Recueillir 1 animal

––––> Végétariens

Après vingt pages du roman, la seule chose que je suis en mesure d'affirmer, c'est que Zoe (sans accent) est un chien. 

Pour le reste, on verra en cours de route. Ou bien on ne verra rien.


(Ceux qui voudraient savoir à quoi ressemble Percival Everett iront frapper à la porte de Dame Ternette, Blogger me refusant toujours la moindre possibilité photographique. Et comme je n'ai pas l'intention de le supplier à genoux…)

27 commentaires:

  1. Tempête sous un crâne...
    "“littérature-de-ghetto”, dans ce qu'elle peut avoir de plus frelatée" : ce féminin à"frelatée" est-il bien justifié ? "Frelatée " renvoie-t-il à " littérature"(féminin) ou à "ce" (masculin) ?

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    1. Pour une fois vous avez raison : mon "e" est de trop.

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    2. Je craignais que vous ne soyez passé à l'écriture inclusive, avec l'enthousiasme des nouveaux convertis.

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  2. va falloir faire quèque chose pour ce blog niveau assistance. pourtant on en connait au moins un (gros barbu breton à ses heures)

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    1. Apparemment il s'en fout, le GBB…

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    2. Bon, dans ce cas : je fais quoi ?

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    3. 1. Vous prenez un blog annexe comme les modernoeuds et vous essayez.
      2. Vous essayez avec le portable de Catherine.
      3. Je vous envoie un mail.
      4. Vous revenez au rapport.

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    4. bon, on a une preuve de vie depuis la Bretagne, c'est bien. puis vot' blog est tout joli maintenant hein !

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  3. Alors là faut le faire, consacrer un billet à un auteur dont vous dites nonchalamment « ça se lit », j’en tombe assise.

    On dirait une journée de votre journal : aujourd’hui rien de particulier, je navigue entre deux eaux, la rêverie d’un œil fermé et la lecture en diagonale de l’autre. :°}

    Hélène

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    1. Le deuxième des deux, que je lis en ce moment, est meilleur, débarrassé qu'il est des affèteries modernistes qui alourdissent le premier.

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  4. Que nenni ! Je fais comme d'habitude et, chaque fois, on me dit : "serveur refusé". Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais c'est absolument catégorique, dans le genre refus.

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  5. On aurait aussi pu discuter pour savoir si, SUR mes rayons, n'eût pas été préférable à votre "DANS mes rayons", mais là j'ai kiné !

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  6. C'est y Dieu pas possible que not' bon maître soit à ce point crypto-alzheimerien !
    Une simple recherche sur son propre blog et il aurait su que ces livres lui venaient d'une certaine France-Hélène qui les avait amenés à Plieux en 2009 !
    C'est ici
    Et il y a plusieurs entrées avec ce cher Percival, comme quoi, le livre, il l'avait bien lu, mais en plus, il en avait parlé !

    k.

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    1. Alors là, ça m'en bouche vraiment un coin ! Je dois en effet être beaucoup alzheimer que crypto…

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  7. Et s'agissant des notes sur la cruauté, des chats proches des hommes et de l'abstention de la viande, vous en fîtes un article :
    Ici
    On espère autant de bonnes remarques de votre seconde lecture du livre !

    K.

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  8. Un grand merci à Nicolas J., Vénéré Puits de Science internétique, qui m'a fourni la solution à mon problème illustratif !

    Du coup, les trois derniers billets le sont désormais, illustrés.

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    1. Dis pas trop à gauche que je vous ai aidé. Je tiens à mes cheveux.

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    2. J'ai viré les caches, les cookies, la poussière sous les meubles, changer l'eau des plantes, etc. Bref, tout comme Messire J. m'a dit de faire… et ça marche !

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    3. Fredi, il y a eu une couille quelque part (j'ignore laquelle, je ne connais pas le monde Apple) qui a fait que le navigateur se plantait dans l'emplacement par défaut pour les fichiers à importer (comme si, sur un PC domestique "standard", il pointait sur autre chose que C: ou D: du coup, il cherchait un serveur externe qu'il ne trouvait pas).

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    4. J'aurais dû commencer par là, en effet.

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    5. Bof...Ça s'est limité à " essayez avec le portable de Catherine ", n'importe qui y aurait pensé.

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  9. Je me demande si l'ami Nicolas Jégou vous a vraiment rendu service en vous permettant d'insérer à nouveau des photos sur Blogger...Celle de Percival Everett ne donne vraiment pas envie de le lire ! Vous n'en avez pas trouvé de plus avenantes ?

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    1. Vous êtes dites ça parce que vous êtes un raciste incurable…

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  10. (suite) Pourtant, vous avez ici l'embarras du choix...

    https://images.app.goo.gl/CrrPS9URnfuFxR64A

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.