lundi 25 novembre 2013

On ne devrait jamais quitter Montauban


De Georges Méliès à Guillaume Canet, en passant par Abel Gance, Jean Renoir ou Josiane Balasko, le cinéma français a engendré un certain nombre de chefs-d'œuvre, sur lesquels il est inutile de revenir tant ils sont indiscutables. Ils ont tous, plus ou moins, un air de famille. Ce même cinéma français a aussi donné naissance à quelques rares bijoux qui ne lui appartiennent pas en propre, et même le contredisent radicalement. C'est en particulier le cas de Drôle de drame, revu il y a trois ou quatre jours, et des Tontons flingueurs, sur quoi nous sommes tombés ce soir par hasard, alors qu'il n'était programmé nulle part.

Le film de Carné est une sorte de boule de nonsense, servi par des acteurs qui ne prennent même pas la peine de se demander ce qu'il fichent à bord de cet ovni : même Jean-Louis Barrault semble en état de grâce, ce qui n'est pas un mince exploit, si l'on veut bien se souvenir de la profonde nullité de cet acteur. Tout le monde, là-dedans, semble saisi par une sorte d'ébriété créatrice naturelle.

Venons-en à Lautner et Audiard. Leur film est sans doute encore plus étonnant, dans la mesure où il ne paraît même pas avoir conscience d'être fou ; fou au sens propre : aliéné ; conçu et réalisé entièrement à l'intérieur d'un asile, comme L'Impossible Monsieur Bébé d'Howard Hawks – lequel, d'ailleurs, n'est pas non plus un film américain. Et surtout parce que, aux yeux des spectateurs distraits, il parvient depuis trois ou quatre décennies à se faire passer pour l'archétype du film français, dans la mesure où, à l'inverse de celui de Carné, il n'affiche pas d'entrée sa loufoquerie ; au contraire, il semble se plier très docilement à tous les codes du film-de-gangsters, mais c'est évidemment pour les dynamiter les uns après les autres, sans toutefois sortir du cadre qu'il s'est imposé, ce qui lui donne cette puissance de feu irrésistible. Le seul regret que l'on pourrait avoir, et il me rempoigne à chaque nouvelle vision, c'est que Lautner n'ait pas embauché Mireille Darc pour jouer le rôle de la jeune fille par qui tout arrive.

Ce n'est pas non plus un plaisir à bouder, que de se souvenir qu'à sa sortie tous les critiques sérieux ont tordu le nez devant ce film, qui fut qualifié de franchouillard, alors qu'il est tout sauf précisément cela.

22 commentaires:

  1. Ben oui, ils passent des films hors programme en cas de décès. Vous reverriez de même Les petits mots choir si Guillaume cannait.

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  2. Bel hommage à un film hors norme. Je pense qu'il tournait le dos à une partie du cinéma français de l'époque (Godard, Truffaut,...) tout en rassemblant les acteurs emblématiques et tout ça... ce qui fait que les critiques étaient mauvaises à la sortie. Et c'est peut-être un des éléments qui le rendent sublime aujourd'hui : il passe toujours pour un navet, mais le meilleur de tout le temps. On le regarde avec un brin de honte, l'air de se dire "tu n'as rien de mieux à faire ?".

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    1. Ah, mais je n'ai pas honte du tout, moi ! Pas plus que de revoir pour la dixième fois Pouic-Pouic ou encore La Grande Vadrouille.

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  3. La jeune-fille dans les Tontons Flingueurs était pourtant joyeuse, graçieuse, légère comme une libellule, à mon avis parfaite pour le rôle, et Mireille Darc me donne vaguement l'impression d'une femme fatale, peut-être Lautner pensait comme moi, hum ?

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    1. Enfin, elle joue horriblement mal ! Il est vrai que le rôle n'est pas très gratifiant…

      Quant à Mireille Darc, pensez à elle dans cet autre chef-d'œuvre qu'est Pouic-Pouic : elle n'y était nullement femme fatale.

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    2. Oui et non. Je trouve Sabine Sinjen parfaite pour le rôle. Mimiques adorables, frimousse espiègle. Mais,car il y a toujours un mais, elle disait son texte en phonétique, car elle était allemande.

      La belle Mireille quant à elle était plutôt faite pour les rôles d'adorables salopes comme dans " Les barbouzes" ou "Laisse aller c'est une valse".

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  4. Excellente et fine analyse, mais le chef d'oeuvre de Hawks Bringing up Baby ( titre français étrange...) m' a toujours paru être un film parfaitement et absolument américain ( mais si vous le regardez "doublé" et ainsi mutilé, je ne dis plus rien ).

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    1. Franchement, est-ce que j'ai une tête à regarder des films en VF ? Pour Hawks, on peut discuter…

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  5. Je n'ai jamais vu de critique écrire qu'un film était anglouillard ou germanouillard ; c'est bête comme expression. et comment peut-on ne pas rire à la scène du vitriol ? ou de la demande en mariage ?

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  6. La jeune fille en question a été imposée par la production au regret de Lautner...

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  7. Grand film en effet (qui ne sort pas de nulle part non plus vu que Simonin avait quand même déjà bien déblayé le terrain). Grande folie, très drôle et en plus auréolé aujourd'hui de cette mélancolie pour un monde disparu où les hommes se comportaient peu ou prou comme les hommes se sont toujours comportés à part depuis la fin de la seconde guerre des heures les plus sombres etc. C'est d'ailleurs pour ça qu'il a été éreinté par la critique à sa sortie.

    En tous cas ça me parle plus que les galettes de Pont-Aven ou Calmos.

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  8. 50 ans plus tard, le film en question est toujours un révélateur à crétins redoutablement efficace: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/975765-les-tontons-flingueurs-sur-france-2-l-inquietant-succes-d-un-film-musee.html

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    1. Ben quoi ? L'intello germanopratin ne supporte pas de se faire piquer son hochet par ce peuple qu'il exècre. Comment imaginer qu'un type comme lui puisse accepter d'aimer un truc qui soit aimé et compris pas plus de 200 types, surtout si ce sont des bouseux franchouillards aux doigts gourds qui s'arsouillent au pastaga ?

      En attendant, un nom de plus sur la liste. Va y avoir du monde à tondre à la libération, moi j'vous l'dit !

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    2. Mais qu'il est bête et pontifiant, ce Roger-Petit ! Mon Dieu, c'est-y possible d'être aussi bête ?

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    3. Il suffit d'être un intellectuel de gauche. Race maudite qui semble se reproduire plus que de raison.

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    4. M'enfin aussi... quelle idée d'aller lire le Nouvel Obs...

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    5. Roger-Petit, chef d'escadrille. :D

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  9. Robert Marchenoir26 novembre 2013 à 02:41

    Belle écossaise en commentaire sur le Nouvel Obs :

    harry vederci a posté le 25-11-2013 à 22:17

    Je trouve que ce film ne fait pas la part assez grande à la diversité et à la richesse de la mixité culturelle et sexuelle, et globalement c'est très macho aussi.
    Certaines scènes sont stigmatisantes pour qui considère l'alcool comme impur meme s'il y a de la pomme dedans. les quotas de minorités visibles ne sont pas respectés ! Et on a les moyens techniques de supprimer tout ce tabac et sa fumée cancérigène.
    Ca manque aussi d'érotisme, de référence à la lutte des classes contre la finance internationale.
    Bref, c'est la France rance qui heureusement n'existe plus...


    Je me suis longuement tâté pour savoir si Roger-Petit faisait du douzième ou du premier degré, mais lui, à la réflexion, il pense vraiment faire partie d'une élite parce qu'il a aimé le film quand il n'était pas à la mode, et il est vraiment furieux que les gens l'aiment aujourd'hui, alors que ce genre de plaisirs devrait normalement être réservé à l'ineffable Bruno Roger-Petit de la Gauche.

    Profitons de ce que l'élite cinéphile peut encore préserver un pré carré inaccessible au commun.

    C'est un journaliste de gauche qui vous parle.

    Les mecs ne se cachent même plus : ils vous pissent à la raie et ils tiennent à ce que ça se sache.

    Tout cela ne se finira pas bien.

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