jeudi 2 novembre 2017

Léon-Paul 1er, roi de Paris

Léon-Paul Fargue, Paris 1876 – Paris 1947.

Il appartient à cette génération, aux efflorescences nombreuses et brillantes, qui vit le jour chez nous autour de 1870 : Claudel, Maurras et Alain en 1868, Gide l'année suivante, Proust et Valéry en 1871, Léautaud un an plus tard, Jarry et Péguy en 1873 ; et quelques autres encore, qui restent tapis pour le moment. Parce qu'il devait déjà être une sorte de flâneur in utero, Fargue a lambiné jusqu'en 1876 ; puis, il est devenu l'un des plus savoureux écrivains du premier XXe siècle : premier par la chronologie, ce qui va de soi, mais premier aussi par sa richesse littéraire.

Fargue est un écrivain pour amoureux de la littérature, pour soupirants de la phrase, chevaliers servants de la langue française. Après de brillantes études, servies par d'aussi prestigieux professeurs que Mallarmé et Bergson, alors que sa famille le voit franchir en gloire les portes de la rue d'Ulm, il choisit de faire carrière dans l'oisiveté ; il va parfaitement y réussir : si le mot bistrologue devait être créé, ce serait pour nul autre que lui. Il y promène durant un demi-siècle sa nonchalance et son appétit, seul ou en compagnie de frères de tablée qui ont pour nom Jarry et Debussy, Picasso et Ravel, Auric et Morand. Il devient aussi l'un des piliers de la maison d'Adrienne Monnier, évoquée ici voilà quelques semaines. 

Et il écrit des livres, qui ne ressemblent à rien sauf à lui. Des rêveries où le saugrenu barre soudain son chemin à la nostalgie, lorsqu'elle devient envahissante et menace de se faire cafard ; mais la nostalgie contourne et revient à la page suivante, sous une autre forme, ondoyante, souriante, au filigrane triste. J'avais prévu plus ou moins de recopier un de ses paragraphes, mais j'ai soudain la flemme : l'insidieuse influence de Léon-Paul, probablement. Vous n'aurez qu'à y aller voir vous-mêmes, en vous procurant l'un ou l'autre de ses courts volumes, dont les pages débordent de partout. Commencez donc par Le Piéton de Paris ou par Méandres. Encore mieux : par les deux.

10 commentaires:

  1. Ecoutez,j'ai lu Le piéton de Paris et Refuges mais comment dire?..j'ai eu du mal à entrer dans l'univers de Fargue,peut être trop surréaliste pour moi,quand je m'attendais à y trouver une flânerie à travers les arrondissements de Paris,un peu à la manière de Malet avec Burma...
    Je suis passé à côté de Fargue, n'est-ce pas, mais ils m'attendent toujours sur le haut d'une étagère pour une deuxième chance.

    Vendémiaire.

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    1. Surréaliste, Fargue ? Je ne dirais pas ça, non. En fait, je trouve qu'il se rapprocherait surtout de Doisneau, avec une certaine étrangeté en plus.

      Mais c'est bien de lui laisser une seconde chance…

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  2. Vous trouverez l'essentiel à pas cher, dans la collection de Gallimard qui s'appelle L'Imaginaire.

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  3. Sinon, Le Piéton de Paris me paraît une excellent "entrée" dans l'œuvre.

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  4. Quelle belle idée de mettre ainsi Fargue à l'honneur !

    Paresseux peut-être, nonchalant surement, mais un homme à redécouvrir.

    A propos de Gallimard, oonnaissez-vous, Didier,ces mots de l'affreux Paul Riche, un sous-Béraud pour le moins :

    " Gallimard et sa belle équipe.
    Que de noms juifs chez Gallimard, Freud !Benda ! Schiffrin ! Wahl !
    Breton, le vendeur d'ectoplasmes, Aragon, l'archevêque de Ce Soir !
    Eluard, le fruit pourri !
    Et Gide, et... encore Gide !
    Gallimard marchand de rêve ! Marchand de Fargue !
    Assassin de l'esprit, Gallimard !

    Et tutti quanti...

    Remarquez, on savait s'amuser dans la vie littéraire de l'époque ;)

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    1. Le style de votre Riche est d'une affreuse pauvreté : ce sera sa punition devant la postérité qui l'ignore.

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    2. MDR ! Quelle horreur, ce n'est pas mon riche, j'en fais cadeau à qui en veut !

      Je vais plutôt de ce pas voir pour ce "Portraits crachés" dont vous parlez dans votre nouveau billet.

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  5. Le piéton de Paris...c'est le livre de chevet de Anne Hidalgo?
    ok je sors.

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  6. Combat, ce matin, annonce la mort de Léon-Paul Fargue, hier soir, mort tranquille, produite pendant qu’il dormait. Grand talent. Un autre écrivain que Valéry, original, gavroche, primesautier, spontané, plein de fantaisie, de couleur, rien de compassé, de grave, d’imité, de bourgeois, en plein dans la vie, et plein de liberté. Il évoque une époque, où, chez beaucoup d’écrivains prosateurs, la littérature était comme un chant allègre.

    Paul Léautaud, 25 novembre 1947.

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