vendredi 3 novembre 2017

Très portrait

Il n'est pas mal du tout, le livre que Claude Arnaud consacre au portrait en tant que genre littéraire. Ce très gros volume (900 pages dans la collection Bouquins) rassemble plusieurs centaines de portraits, aussi bien de personnages réels que de héros de romans ; sans oublier les autoportraits, ce sous-continent qu'on aurait tort de négliger. Il ne s'agit pas d'une anthologie à proprement parler, c'est-à-dire d'une juxtaposition chronologique de textes, mais plutôt d'une longue promenade, avec ses tours et détours, entre des massifs multiples, au cœur desquels on jette un coup d'œil en passant, quitte à y revenir ensuite, par un autre chemin. On y retrouve évidemment les grands maîtres du genre, à commencer par le Zeus de cet Olympe, à savoir le duc de Saint-Simon, qui a bien voulu poser pour l'illustration de ce modeste billet ; mais aussi celui de La Rochefoucauld, ces dames de l'hôtel de Rambouillet, la Grande Mademoiselle et la duchesse de Longueville, Châteaubriand et Huysmans, Barbey d'Aurevilly et Léon Daudet, Cingria et Cioran – impossible de citer tout le monde. Le seul reproche que l'on pourrait faire à Claude Arnaud – en dehors de ce titre aussi malencontreux qu'inélégant : Portraits crachés –, c'est d'être un peu moins écrivain que ce qu'il proclame, et de ne pas toujours résister au plaisir puéril de se présenter à l'avant-scène plutôt que de demeurer en coulisses pour y régler son ballet. (On pourrait aussi se gausser de ses engagements de jeunesse – c'est un homme de mon âge – dans le trotskisme et le maoïsme, mais ce serait peu charitable et hors sujet.) Au demeurant, ce serait probablement une erreur de se plonger dans son ouvrage pour n'en plus émerger qu'à la dernière page : c'est là un livre qui se picore, à moments perdus, quand on commence à en avoir un peu assez de ne croiser que son pauvre soi-même dans les miroirs.

6 commentaires:

  1. Acheté il y a deux ou trois jours, je souscris ! J'ai même voulu chercher le portrait de Fargue, mais peau de balle et balai de crin, il faudra se contenter de celui de Jarry qui n'est pas mal non plus !

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    1. Mais il est très parlant le profil de Léon Paul Fargue sur la photo du dernier billet.
      Bagouze à l'auriculaire pour le dandy;sèche au bec pour le populo.
      Et avec ça,du haut de son balcon,contemplant son royaume..
      Seulement,j'ignorais qu'il portât aussi perruque sur d'autres portraits.

      Enfin,900 pages tout de même,bigre...

      Vendémiaire.

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    2. Loin de moi l'idée de dévaloriser le portrait de Léon-Paul Fargue du précédent billet, mais je vous assure que lire de la page 527 à la page 531, le portrait désopilant que Guillaume Apollinaire croque d'Alfred Jarry, vaut son pesant de cacahuètes. Or en ayant lu : "Rivalisant en singularité morale et stylistique, dandys et marginaux encouragent une sécession toujours plus marquée, à la fin du XIXe siècle - une période si riche en personnages bizarres qu'on croule sous leurs portraits...", je pensais que l'affaire était dans le sac, mais bernique !

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  2. Curieuse, la page wikipedia du sieur Arnaud : c'est la première fois que je vois quelqu'un faire mention de sa réussite aux IPES. (J'étais allé y voir, étonné par son passage du trotskysme au maoïsme que vous évoquiez, et qui, si je ne m'abuse, est un cas plutôt rare.)

    Bon, ce n'est qu'une petite perfidie de ma part. Si on peut facilement passer les paragraphes autobiographiques du compilateur et que l'édition n'est pas truffée de fautes comme un vulgaire Robert Laffont (cf le Journal de Matthieu Galey - visiblement "corrigé" à l'OCR), peut-être ferai-je l'emplette.

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    1. L'édition est correcte. Claude Arnaud écrit une langue assez mauvaise, mais pas assez pour que cela nuise trop à l'ensemble. De toute façon, l'intéressant n'est pas tant ses commentaires que les très nombreux portraits qu'ils offre, soit complets, soit en extraits.

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  3. Il est vrai que Portraits à la rose et aux épines eût mieux convenu comme titre à cet ouvrage.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.