Donc, nous en sommes là. Il n'y a désormais plus qu'un seul moyen de tirer les Européens en phase terminale de leur stupeur aphasique, c'est de leur titiller la glande émotionnelle ; pour se frayer un chemin jusqu'à ce qui leur reste d'esprit, il faut se résoudre à ramper dans leur conduit lacrymal. Pleurnicher ensemble nous tiendra lieu d'action commune : le petit garçon en bleu et rouge sera efficace jusqu'au départ en week-end ; la semaine prochaine, il faudra dénicher autre chose ; on trouvera, ne vous inquiétez pas, vous aurez votre quota de gros sanglots. Comme pour un malade au long cours, dont on change la molécule apaisante parce qu'il s'est trop habitué à l'ancien traitement, on essaiera de varier un peu : une petite fille africaine en pleurs, par exemple, offrira une diversion bienvenue, tout en présentant toutes les garanties. Car vous avez le mouchoir délicat et regardant : pas question de s'arracher les cheveux, de pousser de grands braiments de pleureuse méditerranéenne, pour une victime insuffisamment estampillée, à la souffrance douteuse, au curriculum incertain. On n'oubliera pas non plus que la communion lacrymale exige le lointain ; une quantité assez précise d'exotisme est nécessaire, pour pouvoir se sentir frères éplorés : on vous trouvera ça aussi, n'ayez nul tourment. Et ce sera délicieux puisque, cette fois encore, comme avant et comme après, on n'exigera rien de vous : ni intelligence, ni lucidité, ni compréhension ; juste une forte dose de compassion bruyante qui, rassurez-vous, a ce mérite précieux, à l'issue de son passage, de ne laisser aucune trace dans l'organisme.
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vendredi 4 septembre 2015
jeudi 13 août 2015
Dos à dos, mais sous le parasol
J'éprouve une horreur quasi sacrée, et un accablement qui l'est à peine moins, dès que j'entends cette expression : renvoyer dos à dos. Renvoyer Pierre et Paul dos à dos, lorsqu'ils s'opposent sur un point ou un autre, c'est se laver les mains, avouer son incompréhension, son aveuglement ou sa frousse ; en se donnant, en outre, des allures d'esprit large, supérieur, surplombant. Par exemple, on peut ainsi renvoyer dos à dos le catholicisme et l'islam, ce qui est une manière dégagée de dire qu'on ne veut pas d'ennui et que, par conséquent, on se gardera bien de voir ce que l'on voit et d'écouter ce que l'on entend.
Néanmoins, et pour une fois, je vais moi aussi renvoyer dos à dos. Paris Plage est une monstruosité dont Philippe Muray a dit tout ce qu'il convenait de penser, si l'on est un esprit à peu près sain. Partant, le fait que la sottise s'invite soudain au cœur de la stupidité béate, et que cet enfer ludique devienne pour une journée Tel Aviv sur Seine, ne pouvait en aucun cas me tirer de ma léthargie estivale. Que les habituels antisémites d'extrême gauche grimpassent aussitôt au sommet des parasols pour s'époumoner et crier au monde leurs indignations soigneusement repeintes en tenue de camouflage n'a pas pu davantage me faire soulever une paupière, tant les pavloveries antijuives des palestinolâtres sont prévisibles et toujours au rendez-vous. Choisir entre les clowns blancs de la mairie de Paris et les augustes des officines judéophobes m'était décidément impossible ; et d'autant plus que, pour les départager, il m'aurait fallu descendre dans leur arène, c'est-à-dire dans ce cloaque festif que sont, en ce moment même, les quais de la Seine.
Je les ai donc renvoyés dos à dos. En espérant que, si jamais l'un ou l'autre vient à se retourner, nos braves CRS condamnés à surveiller ce jardin d'enfants cauchemardesque ne molliront pas de la matraque ni des friandises lacrymogènes.
vendredi 17 avril 2015
Salle d'attente
Quand vous aurez une ou deux heures à passer dans une salle d'attente d'hôpital (ce qui arrive, vous verrez), surtout si votre rendez-vous est avec un chirurgien indélicat, non dans sa pratique mais dans ses rapports moraux avec autrui – comprenez, je vous prie : qui est toujours infernalement en retard sur l'horaire qu'il a lui-même fixé –, je vous conseille, ce jour-là, de vous munir d'un volume de Léautaud. Écartez d'emblée In Memoriam : les quatre-vingt mille signes de cette merveille risqueraient de ne pas vous mener au bout de votre attente. Choisissez plutôt Passe-Temps, non seulement en raison de son titre, bien qu'il soit approprié à votre épreuve : dans cet esprit, Propos d'un jour n'est pas mal non plus ; mais restons-en à Passe-Temps.
Prenez-le car les courts textes qui le composent vous aideront à endurer la promiscuité de vos contemporains, punis le même jour que vous. Vous supporterez avec plus d'indulgence la vue de ce quinquagénaire en bermuda (cette horreur, cette négation de toute civilisation, s'écrit-elle au singulier ou au pluriel ?) et baskets, baise-en-ville en simili-cuir reposant sur les génitoires assoupis, chaînette dorée au cou, qui tient à deux mains son Charlie-Hebdo éployé, ce qui l'empêche d'en mettre une devant sa bouche quand il bâille. Sa petite moustache grise, taillée à la française, doit l'aider, on l'espère, à aborder joyeusement les petits jeunes gens aux terrasses estivales.
Les railleries de Léautaud vous feront oublier – presque – les ron-ron de joie fabriquée qui tombent du téléviseur accroché juste sous le plafond, trop haut pour être atteint par des mains humaines, des fois qu'un patient, rendu furieux par l'apparente immobilité du temps, décide de se dédommager en quittant la clinique l'écran plat sous le bras. Puis, quand l'homme de l'art appellera enfin votre nom, que vous reconnaîtrez à peine de l'avoir tant attendu, vous aurez eu la très belle consolation de faire, avant, la connaissance de Mme Cantili.
dimanche 25 août 2013
Le spectre des Lombards
« […] Le monde continuait de s'abîmer entre la peste et la guerre. On n'en finissait pas. Un immense bégaiement de malheur et de violence emplissait le siècle et le ciel. L'histoire des hommes était celle du blé sous le fléau. Que voulait Dieu, et de quelle faute punissait-il ses créatures ?
» L'empire de Constantinople, occupé à combattre au loin les Avars et les Perses, avait besoin de l'impôt italien et ne lâchait pas prise. Pour écraser à la fin l'impétueux Totila, il avait fait appel à d'autres mercenaires, les Lombards, venus de la Baltique et, pour la plupart, adorateurs du dieu Odin. Certains disaient même que le vieux général Narsès, mécontent de ce qu'il estimait être l'ingratitude impériale, leur avait délibérément offert l'Italie. Ce qui est sûr, c'est que plus de cent mille hommes, femmes et enfants s'étaient répandus dans la plaine du Pô, dans l'Ombrie, dans le Latium ; pas un instant ils ne songeaient à repartir, et l'on était bien loin, avec eux, d'un Théodoric à Ravenne ou d'un Clovis dans les Gaules, ces barbares avisés qui avaient su composer, tant bien que mal, avec les vieilles lois de l'Empire.
» Ceux-là étaient des fauves. Leur seule vue inspirait une étrange terreur, avec leurs cheveux rasés jusqu'à l'occiput, et qui pendaient au-devant plus bas que leurs bajoues ; il y avait là quelque chose d'inquiétant, de contraire à l'ordinaire et naturelle façon de présenter aux autres son visage. Leur férocité était sans limites. Ils laissaient derrière eux des flammes, des charniers et des mutilations. L'Italie, après cette nouvelle tempête, demeurait comme une fille de ferme secouée, battue, bondée de semences et rendue folle ; elle ne savait plus à qui elle était. […] »
François Taillandier, L'Écriture du monde, Stock, pp. 142-143.
vendredi 19 juillet 2013
L'espèce humaine
J'ai eu à écrire, pour FD, cinq mille signes sur une histoire
absolument glaçante ; celle d'un couple homosexuel vivant à Brisbane
(l'un est australien, l'autre américain), qui, en 2005, a eu recours au
services d'une mère porteuse russe afin qu'elle leur fabrique un enfant à
partir du sperme de l'un des deux (ma maigre documentation n'était
pas très claire quant à l'identité du “donneur”). Coût : 8000 dollars.
Dès que le petit garçon a eu 22 mois, les “deux papas”, comme les
nommait avec un ravissement énamouré la presse australienne il y a
encore peu de temps (titre de l'un des articles, en 2010 : Deux papas valent mieux qu'un !
On va voir à quel point…), les deux papas, donc, ont commencé à le
violer tous les deux. Puis, joignant l'utile à l'agréable, comme je
dirais si j'étais d'un répugnant cynisme, ils se sont mis à le proposer
aux amateurs sur divers réseaux pédophiles internétiques, et à sillonner
le monde avec l'enfant pour assurer eux-mêmes la livraison à leurs
clients : c'est la libre circulation des hommes dans un monde de plaisirs et d'échanges. Des clients, il y en eut en Australie d'abord, aux États-Unis
ensuite, puis en Allemagne et même en France. Les viols étaient
consciencieusement filmés par les “deux papas”, les films servant
ensuite à faire l'article sur internet pour démarcher de nouveaux
amateurs. Ce sont ces films qui, en 2011, ont finalement mis les
policiers américains sur la piste de nos sympathiques dégénérés ; ils
ont été arrêtés en Californie en février 2012. À l'heure actuelle Peter
Truong attend son procès en Australie, cependant que Mark Newton vient
de se voir condamner à 40 ans de prison par la cour fédérale de
l'Indiana. Au cours de son procès, Newton a déclaré que le fait d'être
père lui avait permis de vivre les plus belles années de sa vie.
Il
me semble aller de soi que l'on ne peut tirer aucune morale ni
enseignement d'une monstruosité de ce genre, ni contre, ni évidemment
pour le mariage homosexuel ; pas d'avantage pour ou contre la tristement
fameuse “gestation pour autrui” : les exemples de couples hétérosexuels
vendant à des “pédophiles” leurs enfants biologiques sont suffisamment
nombreux et courants pour stopper dans l'œuf toute velléité de
divagations à ce sujet. En revanche, il n'est pas interdit, ce me
semble, de partir de là, de ce cloaque, pour réfléchir un peu à la
vision angélique que peuvent avoir de l'homme, de sa nature, de ses
profondeurs obscures, ceux qui n'ont à la lèvre que les lendemains qui
chantent – et qui, hélas, activement et dans l'enthousiasme, nous les préparent.
mercredi 5 mai 2010
Donnez-nous des barreaux en bois dur !

Ôtez donc parc et barreaux à l'enfant : il restera planté sur son cul – inerte, bienheureusement hébété. À la rigueur, il apprendra la reptation, s'essaiera à la progression à quatre pattes : animal tranquille, tout satisfait de se croire mobile. Et toujours le nez au sol, comme l'exigera sa morphologie. Plus d'avant ni d'après, plus d'extérieur, plus d'obstacles irritant sa fierté : un vide pur, un présent étale, uniquement ponctué par la survenue des biberons.
mardi 27 avril 2010
Notre appétit de fabliaux est impossible à rassasier

Ceux de mon âge se souviennent bien du credo dans lequel ils ont été élevés, puisqu'ils sont nés dans l'âge de fer du communisme. Encore faut-il préciser, à l'usage des jeunes générations, que le fer était déjà sévèrement paillé à cette époque : Soljénitsyne et Sakharov étaient passés par là, et les avant-gardes arrière du trotskisme – je ne sais trop comment qualifier autrement ces jeunes gens qui regardaient derrière eux pour apercevoir l'avenir – lardaient de mille coups d'épingles indolores mais agaçants le mammouth sibérien, qui commençait à sentir de sa décongélation. Pour qui est trop jeune ou a la mémoire qui flanche, il faut peut-être rappeler qu'alors les communistes et les trotskistes se chamaillaient comme enfants au préau, mais qu'ils étaient d'accord sur à peu près tout – un peu comme l'UMP et le PS ou les Verts d'aujourd'hui : on se tiraient les cheveux à l'avant-scène, on s'empoignait par les habits sous les sunlights, puis on retournait bien vite se partager en coulisse les petits fours arrachés de haute lutte à la bourgeoisie réactionnaire. Mais enfin, le credo était toujours en vigueur.
Il consistait, on s'en souvient, à affirmer que, certes, tout n'était pas parfait dans les dictatures soviétoïdes, sinophiles ou cubanesques, mais que cela tenait exclusivement à un dévoiement de l'idée communiste, laquelle restait intouchable. En clair, on ne pouvait tenir le dieu de cette fable pour responsable des inquisitions, croisades et autres bûchers mis en circulation dans son ombre : discours qui avait déjà fait ses preuves en d'autres temps. Si cela ne vous suffisait pas, vous vous preniez alors dans les dents le deuxième article de foi de ce credo, solidement et dialectiquement arrimé au premier : « Et même s'il y a des choses à condamner dans les pays communistes, vous chuchotait-on avec des mines d'une impayable gravité, il ne faut pas le clamer trop haut, car ce serait faire le jeu de la droite. » Et on fermait le ban jusqu'à la prochaine fois, voire la prochaine foi.
La sonnerie du réveil ayant dissipé le cauchemar communiste, les petits chrétiens-sans-dieu se sont retrouvés ballots, avec leur dogme comme neuf et ne demandant qu'à se rendre utile, mais absurdement privé de maître à servir. Ça ne pouvait pas durer.
De fait, ça n'a pas duré, on a recyclé le dogme en réussissant à le garder intact, aussi efficace que dans sa prime jeunesse. C'est ce qui fait que lorsque vous émettez timidement une vague réserve au sujet de l'islam, on vous fait aussitôt remarquer avec sévérité que vous confondez l'islam avec sa hideuse caricature : l'islamisme. (C'est une idée que les gardiens du dogme “ancienne école” n'avaient pas eue, et c'est bien dommage pour eux : inventer le communinisme, ou le communissisme, pour mieux innocenter leur communisme-toujours-innocent. On est bête, des fois...). On vous explique avec indulgence que vous êtes en train de piétiner une religion de paix et d'amour, sous prétexte qu'elle a enfanté une poignée de malades mentaux bardés d'explosifs et vomissant de haine ; des malades mentaux que les musulmans – les vrais, les purs, comme il y a eu des vrais et des purs du communisme – détestent tout autant que vous sinon davantage.
À ce stade, il serait préférable de vous taire. Car si vous vous entêtez, par exemple en faisant remarquer que partout où des musulmans ont pris le pouvoir en tant que tels, ils n'ont eu de cesse d'instaurer la plus impitoyable et rétrograde des tyrannies, alors ce ne sera plus l'explication mais le couperet : vous faites le jeu de l'extrême-droite – bienheureux encore si ce n'est pas du fascisme. Là, vous n'avez plus le choix de vous taire, sauf si vous acceptez de vous couvrir de pustules vertes et mal-odoriférantes, et de faire peur aux enfants dans la rue.
On notera, poursuivant notre petit parallèle ludique, qu'au moins, lorsque les communistes accusaient leurs adversaires de faire le jeu de la droite, il y avait en effet une droite, et qu'elle savait être agissante. Mais le fait que l'extrême-droite qu'ils brandissent soit inexistante, ou en tout cas totalement inopérante, ne gêne nullement les gardiens du dogme : dans ces histoires de credo, c'est imaginaire contre imaginaire – et que gagne la tête la plus dure, la bêtise à front de taureau : le dieu mort reconnaîtra les siens.
Quel sera le prochain fabliau – car, dans mes moments d'optimisme, je me dis que celui-ci passera comme l'autre – qui fera frétiller les chrétiens-sans-dieu ? Nul ne peut le savoir, s'il n'est prophète ou à la rigueur écrivain de génie. Mais j'espère être encore de ce monde lorsque pointera son mufle. Pour rire encore une fois avant d'avaler mon petit credo à moi.
jeudi 15 avril 2010
L'Âge des ténèbres : légères révisions de jugement

La fin, du reste, est ce qui pèche. Durant les dix dernières minutes, on se croirait presque dans un film de Bertrand Blier, tant Arcand semble soudain incapable d'en finir : les conclusions se succèdent, trois, quatre... Au point que, comme Ludovic le faisait justement remarquer, Arcand en vient à commencer un autre film, tellement il ne sait plus comment conclure celui qu'il vient de faire.
Néanmoins, il s'agit d'une œuvre forte, sombre, glaciale, tranchante, parcourue de bout en bout (sauf la fin, encore une fois) par un ricanement de tête de mort. Mais, pour autant, il ne s'agit pas d'un film réactionnaire. Dans la tonalité générale de cet Âge des ténèbres, un motif réactionnaire (c'était-mieux-avant) sonnerait encore comme une note fausse et joyeuse. Et ce qui nous interdit de céder à cette pente douce, c'est l'épisode à peu près central – mais tout de même décalé vers la conclusion – du tournoi moyenâgeux. Scène burlesque, volontairement outrée et trop longue, mais indispensable pour amputer tout le monde de toute velléité d'espoir. On peut déplorer ce monde, il est naturel que l'on en souffre – comme de son cancer futur, complaisamment mais froidement décrit au personnage central —, mais il est hors de question de l'annuler au profit de celui qui s'est effacé devant lui. Déplorer le passé serait revenir aux tournois de chevalerie qui, eux-mêmes, étaient déjà des combats “pour rire”. Et si on se mêle d'y revenir en effet, les armures se mettent à sentir la boîte de conserve, à sonner comme elle. Et la dame pour qui l'on se bat – dans une scène gesticulante et farcesque qui nous ramène à Chaplin, origine du cinéma comme la chevalerie l'est de l'Occident – n'est plus rien d'autre que de la chair à psys, une pauvre illuminée dont la prise sur le réel est peut-être encore moindre que celle de la mère de Jean-Marc Leblanc, que sa maladie d'Alzheimer plonge dans un silence incompréhensif, d'une intensité pénible.
Car il s'appelle bien entendu Jean-Marc Leblanc. Sa malédiction s'origine dans son état-civil, et aussi dans ce visage qui ne peut plus exprimer quoi que soit, alors que celui de sa mère est d'une furieuse intensité de douleur. Il est Leblanc. Ses seuls amis sont un nègre (ce n'est pas moi qui emploie le mot, mais eux-mêmes) et une lesbienne, qui, écrasés par les mêmes forces mécaniques, finissent eux aussi par devenir des Leblanc comme les autres : c'est l'assimilation terminale. Le nègre a encore la force de “se taper la femme blanche”, mais c'est à la suite d'un speed dating grotesque et morne, et elle est elle-même déjà morte (une sorte de Leblanc au carré), et on sent bien que lui-même n'en a plus pour longtemps : il est encore plus ou moins un souvenir de brousse, un parfum de savane, mais presque entièrement happé, déjà, par le gouvernement provincial du Québec dont il fait désormais partie, telle une métastase rendue inoffensive dans un organisme immunisé contre tout. Il ne sera plus nègre très longtemps : on lui apprendra rapidement à rire selon la technique des voyelles, internationalement reconnue.
J'ai parlé de Chaplin à propos du burlesque de la scène médiévale. Il réapparaît à ce qui aurait pu, aurait dû être la vraie fin du film, sept à huit minutes avant celle qui nous est proposée. Jean-Marc Leblanc sort de sa maison après avoir dit son fait à sa Desperate housewife hyper-battante, et part sur la route, vers l'horizon. Sauf qu'il n'y a pas d'horizon, bouché qu'il est par les pavillons cossus de cette sorte de Wisteria Lane montréalais. Et qu'il n'est pas filmé à hauteur d'homme, mais écrasé par une caméra surplombante. Et qu'on a compris depuis déjà longtemps qu'il fera la route seul, parce que le temps des Paulette Goddard est bien passé, les temps modernes sont derrière nous
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