lundi 18 avril 2011

Double compte rond au 36 quai des Orfèvres


Tout à l'heure, en tapant les mots-qui-dépriment, à savoir “chapitre premier”, en tête du prochain Brigade mondaine, 325e du nom, je me suis brusquement avisé qu'il correspondait à un anniversaire. Il y a en effet tout juste un quart de siècle (sans doute à quelques semaines près, mais on ne va pas ergoter), je sortais du siège des Presses de la Cité, rue Garancière, derrière la place Saint-Sulpice, avec des paillettes dans les yeux et un chèque de quarante mille francs (un peu plus de six mille euros, pour mes lecteurs au biberon) dans la poche, lequel correspondait à mon tout premier roman de cette mirifique série. Il portait le dossard 77 et s'intitulait Le Rodéo du plaisir – une histoire qui n'était pas de mon fait et se déroulait dans le milieu des passionnés de voitures de collection.

Ma toute première entrevue avec Jean-Paul Bertrand, qui n'était pas encore le patron des éditions du Rocher qu'il n'est plus, mais déjà le vrai créateur de la série (et accessoirement quelque chose comme directeur financier des Presses), mon entrevue avec lui avait été brève et rentable. Il savait que Gérard de Villiers m'avait demandé d'écrire un roman et c'était tout. Après que nous eûmes échangé quelques phrases dont l'histoire n'a pas cru bon de conserver la teneur, il a pris mon manuscrit – tapé sur ma petite Olivetti portative – et, sans y jeter le moindre coup d'œil, l'a remisé dans un tiroir de son bureau. D'un autre tiroir, il a sorti un chéquier, l'a ouvert et a dévissé le capuchon d'un stylo à plume – triple opération qui augurait assez bien de la suite.

– Gérard vous a dit combien vous alliez être payé ?

Ah, la saloperie de question piège ! Allez, réponds donc, jeune et gros abruti !

– Eh bien… il m'a dit que c'était entre trente et cinquante mille francs, selon le…

– C'est quarante mille ! m'a interrompu JPB, qui ne semblait pas du genre à vouloir perdre trop de temps avec des apprentis écrivains en bâtiment – des gâcheurs de plâtre – dans mon genre.

J'ai opiné avec une certaine allégresse : réfugié en Sologne, chez mes parents, dans ma chambre d'adolescent, j'avais mis huit jours à écrire ce truc ; et voilà qu'on me l'échangeait sans barguigner contre environ cinq mois de mon salaire net de rewriter. J'allais pouvoir creuser allègrement mon découvert bancaire chronique – ce que je n'ai pas manqué de faire dans les années suivantes.

C'était donc il y a a tout juste 25 ans : un compte rond qui méritait d'être célébré ici, m'a-t-il semblé. Pour que ce billet soit complet, j'ai eu l'idée, avant de commencer à l'écrire, de recenser combien j'avais écrit de Brigade, un quart de siècle plus tard. Je me suis aperçu que, sans compter la trentaine de romans “hors collection”, j'en étais à 99 parus.

Ce qui signifie que je viens de commencer mon 100e “opus”, comme se plaisent à dire les plumitifs de presse, ce qui constitue un deuxième nombre rond. Et ce sera le dernier, car je n'irai ni au demi-siècle, ni à deux cents titres.

18 commentaires:

  1. J'aurais parié le chèque du prochain que vous alliez dire ça.

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  2. J'aurais parié que vous l'auriez parié.

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  3. Ben... et Châteaubriand, dans tout ça...?

    Laurent l'Anonyme

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  4. Santé !

    tiens je vais aller me faire un porto flip pour la peine !

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  5. Que sont devenus les internautes qui avaient essayé d'en écrire un, avec votre aide ? (que sont devenus les romans, surtout ?)

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  6. Corto, vous filez un mauvais coton !

    Suzanne : un seul a réellement donné suite. Il en a même écrit deux, qui ont été publiés, et pour lesquels je lui ai versé la somme convenue au départ. Il aurait d'ailleurs volontiers continué mais comme la somme qui m'était allouée a été revue à la baisse, ce n'était plus rentable pour lui ni pour moi.

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  7. BM, c'est la série où opèrent deux flics dont un très membré malgré un corps malingre ?
    J'en ai lu une vingtaine (il y a une vingtaine d'années), ce qui me permet de m'exprimer 'achement bien vu que, depuis cette initiation, je suis cultivé...

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  8. Non, vous mélangez les deux : d'un côté il y a Boris Corentin, surmembré (mais j'ai un peu beaucoup passé à la trappe cet aspect ridiculement convenu du personnage), et de l'autre il y a Aimé Brichot, le maigrichon myope.

    Comme je les trouvais tristes et chiants, il y a quelques années je leur ai adjoint Géraldine Hébert, une jeune rouquine, lesbienne et rigolote…

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  9. Fêtez-moi ça !

    Mais pensez-quand même à vos résolutions pour la soif !

    (bien sûr, je casse l’ambiance…)

    A ce propos, pour marquer ce demi-jubilé, le titre de ce 100° est tout trouve : "Le rodéo du désir" (ou du délire) Ça ne colle peut-être pas avec l’intrigue mais je vous fais confiance pour trouver le lien…

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  10. Au vu de la photo ci-dessus, on est obligé de constater que, pour une fois, ce n'était pas mieux avant, et que le progrès a du bon. Exceptionnellement.

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  11. Encore que l'idée qu'on va enfin pouvoir sauter Tante Huguette, celle qu'habite Bar-sur-Aube et qu'a du poil sous les bras, ça peut avoir son charme…

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  12. Arrosez-bien cela.
    Vous arrêtez ? Quelle nouvelle !
    Et merci pour tout.

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  13. J'ai mal compris... Vous vous arrêterez au 199ème...
    Salutations d'une chambre d'hôtel située dans un ancien bordel à Port townsend, Etat de Washington.

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  14. félicitations!
    Juste une question: pourquoi n'écrivez-vous pas sous votre vrai nom?

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  15. Ca s'arrose, en effet! Félicitations pour ce centième titre. Vous n'avez écrit que des "Brigades mondaines"?

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.