vendredi 23 novembre 2007

La presse Cannavo

Vous vous êtes réveillé d'une bonne humeur alarmante ? Vous vous trouvez charmant dans le miroir ? Vous avez envie de sourire à tous les passants, dans la rue ? Même la catastrophe ambulante qui partage et empoisonne votre existence vous paraît ce matin adorable ? Aucun doute : vous êtes victime d'une crise d'optimisme purulent qui risque de tourner rapidement à la septicémie béate si vous ne faites rien ! Heureusement, le Professeur Didier connaît le souverain remède...

Précipitez-vous sans tarder au kiosque le plus proche (une maison de la presse fera également l'affaire) et achetez le Nouvel Observateur (non remboursable, malheureusement). Jetez sans hésiter le magazine lui-même dans la poubelle la plus proche, mais conservez précieusement le supplément télé. Allez vous installer au café du coin, commandez ce que vous voulez, ouvrez l'opuscule.

Le remède est là, en page 3 : l'éditorial de Richard Cannavo, rédacteur en chef de ce mirobolant additif. Il n'est qu'à le lire pour retrouver aussitôt votre sain pessimisme naturel. L'univers vu au travers des bésicles du sieur Cannavo, c'est l'histoire de Fantine en moins eau-de-rose, en plus Misérables. Notre sémillant rédacteur en chef a une sorte de génie pour aller débusquer, dans les programmes de la semaine, l'émission la plus sinistre, la plus pitoyable, la plus lacrymogène, et d'en remettre une épaisse tartine supplémentaire sur ses deux colonnes bien tassées.

Que la plus confidentielle des chaînes du câble diffuse, à trois heures du matin, en semaine, un reportage sur un jeune handicapé violé par son père, vendu par sa mère et mutilé par ses frères (ne cherchez pas : c'est juste un exemple), hop ! aussitôt vous pouvez entendre les lourdes ailes du vautour qui va s'abattre sur cette tranche de vie bien saignante pour s'en maculer les babines. Rien ne le rebute, le Richard, jamais ! Il carbure au malheur, il pond ses petits oeufs de folliculaire sur la pourriture. Il pond-tifie dans les égoûts.

C'est la presse Cannavo.

Avec cela, un style flamboyant, à la hauteur des moisissures sur lesquelles il prospère. Le plumitif s'est un jour avisé que l'on pouvait ouvrir un article par "c'est", ou par "ce sont" lorsqu'il s'agit d'une tragédie à plusieurs victimes (car tout le monde est victime, chez Cannavo, par décret, pour ainsi dire). Depuis, aucun éditorial qui ne commence, semaine après semaine, par l'exposition magique.

"C'est une jeune femme au regard brisé et sans âge..." "Ce sont des enfants que la souffrance a tués tout en les laissant en vie..." Etc., etc.

Lorsque vous êtes parvenu au terme de votre lecture, vous pouvez sans crainte affronter de nouveau le monde extérieur : il a repris son habituel gris cannavo - tout est normal.

6 commentaires:

  1. C'est une tranche de journaliste saignante ...

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  2. C'est le patronyme d'une collègue de Lettres Classiques que j'appréciais grandement. Vous m'avez fait une belle peur Didier!

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  3. Kenavo les bouseux, comme s'exclame Dupontel dans je ne sais plus quel nanard où il incarne un trucideur de Bretons...

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  4. le nanard en question s'intitule "le créateur"... Ce n'est pas le meilleur Dupontel il est vrai mais ca sort tout de même de l'ordinaire.

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  5. C'est un commentaire qui ne s'en sortira pas vivant.

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  6. Je n'en attends pas moins de Georges et son Pseu il est vrai. ..

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.