dimanche 10 janvier 2010

Les Énigmes licencieuses : de quoi butiner à son aise

À Monsieur B.L.

Hier, dans mon billet sur les Demeures de l'esprit, je notais comme en passant le plaisir qu'il pouvait y avoir, en ces pages, à découvrir tel ou tel poète dont on ignorait encore tout une minute plus tôt, y compris son nom – et je citais Honorat de Racan, puisqu'en effet, il figure bel et bien en ces Demeures. Aujourd'hui, je m'en fais amicalement tancer par l'un de mes lecteurs.

« Ne perdez pas votre temps avec cette vieille chouette de Racan ! m'admoneste-t-il en substance. Et découvrez plutôt les sonnets de Marc Papillon de Lasphrise ! »

On tendrait à lui donner aveuglément raison, sans même chercher à creuse plus avant : qui donc aurait le cœur de résister à un nom semblable ? On y résiste d'autant moins que, dans la suite de son mail, monsieur B.L. nous propose ce sonnet :

Çà, je veux fourniller en ton joli fourneau
Car j’ai de quoi éteindre et allumer la flamme ;
Je vous veux chatouiller jusqu’au profond de l’âme,
Et vous faire mourir avec un bon morceau.

Ma petonne, inventons un passe-temps nouveau,
Le chantre ne vaut rien qui ne dit qu’une gamme ;
Faites donc le seigneur et je ferai la dame,
Serrez, poussez, entrez, et retirez tout beau.

Je remuerai à bonds d’une vitesse ardente,
Nos pieds entrelacés, notre bouche baisante,
La langue frétillarde ira s’entre-mouillant.

Jouons assis, debout, à côté, par-derrière
(Non à l’italienne) et toujours babillant,
Cette diversité est plaisante à Cythère.


Et non content de cette incitation en forme de sonnet, notre décidément fort obligeant lecteur nous en livre un second, qui se clôt par ces deux vers :

Ha Dieu ! que j'ai de bien en ce doux exercice,
Maniant l'honneur blond de son petit tonneau.


Et, certes, on donnerait des strophes et des strophes, la moitié de la Pléiade ou presque, pour conserver à part soi cet honneur blond de son petit tonneau...

14 commentaires:

  1. Le beau langage que voilà ! et que d'épithètes flatteurs j'aurais à dire !

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  2. Et bien, voilà-ti pas que j'ai les honneurs de mon blog favori.... Mais je n'en attendais pas tant cher Didier !
    Du coup je suis tout autant béat que penaud, et j'ai grande envie d'éclairer vos lecteurs...
    Donc, il faut savoir que le capitaine Lasphrise, issu d'une noble famille désargentée de Touraine, a servit sous les ordres catholiques de mon pire roi préféré (Henri III, l'autre étant Philippe Le Bel...) durant les incessantes querelles religieuses du 16è siècle. Qu'il a prit part, non sans fierté, à la célèbre bataille de Lépante, au côté d'un autre obscur écrivaillon de son siècle, du nom de Cervantes si je ne m'amuse... Et, que sitôt les armes rengainées, le dit Papillon, s'est attaqué, d'abord à sa jeune nièce, puis à une novice, préalablement destinée au seigneur... Double scandale à l'époque, dont il fit la publicité à travers ses oeuvrettes rimées, tel un Gainsbourg portant l'épée... Pour finir, approchant le trépas, il sombra dans d'immondes vers chrétiens illisibles, mais ses fulgurances vigoureuses de poètes pré libertin demeurent à mes yeux, le summum de la poésie licencieuse d'une langue Française tout juste sortie de ses langes (c'est un contemporain de Ronsard et de la pléïade). Pour continuer en ce dimanche glacial, à vous réchauffer de ses traits d'esprits, goutez s'il vous plait cette énigme :

    Mon fruit est si plaisant que la plupart le prise
    Les illustres seigneurs, les Dames, les plus grands
    En sont plus que tout autre, amoureux et friands,
    Aussi que ma douceur semble entre toute exquise

    Apollon le crinu, souvent me favorise
    Encore que son fils et tous ses adhérents
    Me veulent mépriser, mais pour les méprisants
    La cour ne laisse pas d'aimer ma friandise.

    Même l'homme plus sain la daigne bien priser,
    Quand mon temps est venu, l'ami me vient baiser,
    On me met devant lui, avec réjouissance.

    Puis il me fend soudain, mais quand le bon morceau
    Est entré dans le trou, on sent une douce eau
    Qui fait joyeusement changer de contenance.


    Qui/que suis je ?

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  3. je me demande si on n'est pas en train de confondre Marc Papillon de Lasphrise avec son cousin Marc Pas Frisé du croupion.(Bon, c'est dimanche).

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  4. Mifa, PRR & Emanu : oui, hein ? Jolie découverte...

    Bertrao : Ah, c'était donc vous ! Avec cette manie des pseudos, n'est-ce pas...

    Pour la devinette, je laisse un peu chercher les autres...

    Henri : vous vous prenez pour Nicolas, maintenant ?

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  5. Ah, beb, vélà qu'ce mon Sieur est d'Amboise!! Quant à la devinette nous y veillons une grenade qu'nous avions pas l'esprit contourné nous autres ... Geargies

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  6. Rien à dire sur Henri, connais pas

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  7. Par ma figué, ça serait- y une figue or doncques? Geargies.

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  8. Merci, Bertrao !
    Jolie poésie délicieuse, comme dit Pierre RR, sans être égrillarde.

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  9. Mon cher Didier,
    Ne vous laissez pas intimider par les érotomanes modernistes, et lisez Racan quand même (celle-là je n'ai pu m'empêcher de la faire). C'est un élève de Malherbe et il fait de la belle ouvrage.
    Henri Bès

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