lundi 18 janvier 2010

Osez le pari du hot-dog déstructuré !

Lorsque nous avons quitté Évreux, l'Irremplaçable et moi, il était près de deux heures – nous n'avions pas déjeuné. Afin de gagner du temps, en escamotant la préparation d'un véritable repas, nous avons décidé de nous contenter d'un simple hot-dog, mais “maison” : achat d'une baguette à Pacy et de saucisses de Strasbourg au Super U, la moutarde, le ketchup et les oignons étant déjà dans le frigo.

Ce déjeuner sur le pouce a produit sur moi un effet étrange, dans la mesure où le hot-dog est ma nourriture de base lors de mes périodes de célibat. Effet que j'ai traduit comme suit pour l'Irremplaçable : « C'est bizarre, j'ai l'impression que tu n'es pas là. » Sinon, j'étais ravi, car j'ai toujours eu une appétence coupable pour les hot-dogs. Simplement parce que je trouve ça bon, mais bon au premier sens du terme, selon la classification établie par Renaud Camus à la page 477 d'Une chance pour le temps :

« Je ne suis pas un raffiné. Et je suis très attaché à ma confuse théorie des deux bontés, en matière de nourriture – mais ce n'est, je l'espère, qu'une métaphore : une nourriture est bonne parce qu'elle satisfait le boulimique, parce qu'elle donne du plaisir au moment où elle est avalée, parce qu'elle est conforme à un désir sommaire de nourritures agréables au palais (sucrées, par exemple, ou grasses) ; une autre est bonne en un autre sens, infiniment plus relevé, parce qu'elle est vraiment bonne, de bonne et haute qualité, ayant été préparée avec intelligence, recherche et talent. Je n'ai jamais bien pu m'expliquer sur ce point, qui a reçu peu d'écho et ne semble pas avoir été compris, ni surtout dire grand-chose à qui que ce soit : les gens voient bien ce qu'un plat réussi de grand cuisinier a de bon, mais ils comprennent mal ce que je veux dire quand je parle de ce qu'un cheeseburger, ou une barre de Mars, ou un paquet de mauvais biscuits, peuvent eux aussi avoir de bon. »

Eh bien, moi, je le comprends fort bien, et ma référence en ce domaine, le “Petit Véhicule” qui m'a aidé à entrer dans le distinguo gastro-camusien, c'est le hot-dog – plus spécialement ce que j'ai coutume d'appeler le hot-dog “en kit”, et qu'on pourrait, pour ajouter un peu de noblesse et de patine intellectuelle, nommer le hot-dog déstructuré.

Le hot-dog en kit, ou déstructuré, ne peut se consommer qu'à un moment bien particulier de la journée : entre dix et onze heures du matin, et à plusieurs conditions essentielles : 1) vous n'avez pas pris de petit-déjeuner ce jour-là ; 2) vous mourez de faim alors que le déjeuner est encore lointain ; 3) vous êtes en train de faire les courses. Si la configuration est parfaite, il vous suffit de glisser dans votre chariot à roulettes un paquet de saucisses de Strasbourg (les Francfort marchent aussi bien) et un petit verre de moutarde forte – non sans avoir pensé au préalable à acheter une baguette supplémentaire lorsque vous étiez à la boulangerie de Pacy.

Ensuite, une fois votre coffre de voiture empli, il ne vous reste plus qu'à vous installer au volant et, moteur coupé pour ne pas trop attirer l'attention, à tremper vos saucisses froides dans le verre de moutarde, tout en mordant à même la baguette surnuméraire : c'est le hot-dog en kit, celui qui vous plongera, le dévorant (car il s'agit là d'engloutir sans retenue : ce n'est pas de la nourriture pour chichiteuse), dans une semi-animalité bien douce, dont il vous faudra tout de même ressortir si vous voulez pouvoir ramener votre voiture jusqu'à la maison sans incident notable. – Le restant de moutarde pourra sans dommage être utilisé ultérieurement.

15 commentaires:

  1. "...ma confuse théorie des deux bontés...":
    là, je trouve que le mot "bontitudes" s'imposait. Ou peut-être" bonnitudes"?
    Mon hot-dog déstructuré préféré, qui répond aux mêmes critères d'heure, de faim, de gloutonnerie et de culpabilité assumée que le vôtre (sauf qu'il n'est pas en kit, mais une façon d'accommoder les restes rassis) est un gros croissant aux amandes couvert de sucre-glace-qu'on-s'en-met/fout-partout-sur-le-manteau. Je ne sais pas pourquoi j'adore ce truc qui serait un cauchemar pour toute femme normale. Je m'inquiète.

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  2. Et on peut faire tiédir les saucisses sur le moteur fumant, génial !

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  3. Nicolas : elle a voulu nous faire prendre un sens interdit dans Evreux ! Du coup, à la diète...

    Marine : pas d'inquiétude, puisqu'on a une caution camusienne !

    Pluton : ah, tiens, je n'y ai jamais pensé...

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  4. Perso je suis un adepte du paquet de gâteaux au chocolat planqué dans la voiture et qui remplace en général le repas du soir " en dépannage" pendant que je conduis pour rentrer en général entre 2 et 3 h du mat' un soir où je n'ai pas dîné donc... Mais en général je mange quand j'ai faim .. À n'importe qu'elle heure et ce que je trouve... Tiens du coup j'ai envie de hot dog , là... ;-)) Geargies.

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  5. Ça me rappelle les heures sombres de mon histoire. Après une nuit de fièvre littéraire, crevé comme un vieux pneu, je partais faire mes emplettes et revenais avec un gros sac de chips au paprika, des moules au vinaigre, des saucisses de Francfort que je trempais dans la moutarde forte (sans pain). Je me carrais tout ça dans le bide, après je rotais puissamment avant de m'aller coucher auprès d'une blonde que je n'avais point, mais dont je rêvais, bien que préférant les brunes depuis l'éternité moins cinq ans.

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  6. Pour les chips, marque Smiths, aujourd'hui Lay's. Et pour les saucisses, des Zwan.

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  7. A la lecture de ce billet je me suis senti comme une espèce de saucisse

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  8. Il y a une vague charcutière sur les blogs.

    (ah, il inspire de beaux billets, le dernier journal de Renaud Camus... J'ai failli en faire un pire encore, et je me suis souvenue que l'auteur était vivant, et sensible. J'ai un cœur, moi, monsieur)

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  9. @ Yanka: ça manque de bière votre menu.. Geargies

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  10. Yanka, racissse!
    Au fait, quelle marque, la blonde?

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  13. Maintenant j'ai faim de hot-dog à cause de vous ;)! C'est vraiment agréable de vous lire.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.