mardi 11 décembre 2012

La morale victimaire manichéenne

« L'espérance d'une libération totale de l'humain, à titre d'espèce, en route vers l'horizon du post-humain, suffisamment sûre d'elle-même pour pulvériser toute réalité, est source d'une nouvelle morale qui opère le renversement de l'éthique classique de la démocratie. Celle-ci prônait le sacrifice de soi (de l'individu privé, notamment) sur l'autel du bien public, de la “nation”. Cette éthique compensait en fait la concession de “droits” sans exigence de devoirs. Le citoyen demandait l'abnégation de l'homme et ce dernier – concrètement, les individus – fut épisodiquement appelé à se sacrifier pour la patrie, à l'occasion des guerres nationales ou impériales, ou d'une urgence économique. Les hécatombes de la Première Guerre mondiale, la Shoah, les génocides contribuèrent au déclin de cette éthique dont l'accent sacrificiel s'est déplacé, dans le post-modernisme, du sacrifice de soi (l'homme sacrifié au citoyen) aux sacrifiés d'entre les hommes, victimes des “citoyens” des États-nations. La légitimité éthique va désormais à l'homme, non plus en tant qu'il se sacrifie pour le citoyen, mais en tant qu'il a été sacrifié par le citoyen qui, de ce fait, est a priori d'essence coupable.

« Cette culpabilité semble devenue héréditaire, car les descendants des “victimes” – et non les victimes réelles – demandent réparation tandis que les descendants des “bourreaux” (les États-nations) se sentent responsables des fautes des générations précédentes. La morale de la démocratie participative est ainsi nécessairement “victimaire”, dans le sens où la condition de victime est la seule source de légitimité pour la “minorité” (ce n'est plus le suffrage universel). La “victimitude”, néanmoins, n'est pas liée à des circonstances mais assignée à une origine (religion, ethnicité, etc.) spécifique : de façon exclusive, extra-occidentale. Par principe, les descendants des victimes ne peuvent pas être coupables et pour l'éternité. La condition de victime n'est pas uniquement le résultat d'une action contemporaine, mais un état de faits permanent que ne contredisent pas la violence et l'amoralité éventuelles de ses titulaires. Par conséquent, dans la morale post-moderniste, le monde est divisé entre bons et méchants, opprimés et oppresseurs. L'opprimé désigne une condition indépendante de la réalité, de sorte que derrière l'apologie de la multiplicité, de la multitude, de l'Alliance, de la compassion, se terre en fait une division binaire et manichéenne de l'humanité qui n'est pas supposée pouvoir changer et qui donc réinstaure une hiérarchie fondée sur la souffrance et la victimitude des ancêtres, c'est-à-dire indirectement sur la race, la religion, la chair et l'origine. »

Shmuel Trigano, La Nouvelle Idéologie dominante – le post-modernisme, éditions Hermann, pp. 69-71. 

15 commentaires:

  1. Je dois avouer que ce texte atteint les limites de ce qu'il m'est donné de pouvoir comprendre : je n'ai même pas pu déceler si ce monsieur Trigano était pour ou contre cette morale victimaire.
    Pour ce qui me concerne je l'ai déjà rencontrée plusieurs fois,en particulier sur le blog d'un journaliste israélien.
    Chaque fois je m'y suis fortement opposée, ce qui m'a valu bien des avanies, tant les "victimes" auto-proclamées ont intériorisé ce statut de victimes.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je dois dire que le livre est court mais assez trapu. Pour votre question, voir la réponse de Sébastien plus bas.

      Supprimer
  2. Il y avait déjà la dialectique riche/pauvre.
    Désormais, il y a la dialectique bourreau/esclave.
    La seconde étant un produit importé par certaines minorités gueulardes.
    La France, avec sa palette de couleurs, est devenue le porte-parole des opprimés.
    Quelle richesse! Quel savoureux spectacle!

    Est-ce que je me trompe si je prétends que Shmuel décrit sans prendre partie?

    RépondreSupprimer
  3. Je me demande bien où ce type est allé chercher que la démocratie prônait le sacrifice de l'individu privé sur l'autel du bien public.

    Qu'est-ce que c'est, une "urgence économique" ? C'est quand les fonctionnaires n'arrivent plus à ponctionner les citoyens honnêtes pour vivre en ne foutant rien ?

    Et qui définit le "bien public" ? Monsieur Trigano et ses potes ? Les fonctionnaires, les francs-maçons et les hommes politiques ?

    Ce type confond la démocratie et le socialisme. Il confond le libéralisme, le beau, le bon, le noble libéralisme, et la Raie-Publique frônçése.

    C'est pas tout à fait pareil.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me disais bien que je n'avais rien compris à ce texte.

      Supprimer
    2. Robert, votre obsession du socialisme finira par vous perdre…

      Supprimer
    3. Je ne vois pas bien par quel biais. C'est au contraire le socialisme qui me perd.

      Un type qui ose écrire que "l'éthique classique de la démocratie prône le sacrifice de soi (de l'individu privé, notamment) sur l'autel du bien public" est un fou furieux et une graine de dictateur.

      Justement, les textes classiques qui fondent l'éthique de la démocratie disent exactement le contraire. Mais je suppose que Trigano a appris "l'éthique classique de la démocratie" dans le journal le Monde et les discours des politiciens frônçés.

      Dans spéhi, à peu près tout le monde est une graine de dictateur, et un tel discours passe comme une lettre à la poste.

      Supprimer
    4. L'auteur de ce texte fait comme si il décrivait de façon neutre, mais vu votre décryptage,
      c'est encore un fourbe qui joue le "je sais tout". Il ne faut pas avoir de vie personnelle
      pour oser dire "bien public avant tout". Comme si on appartenait à un groupe.
      Ca donne des nausées ces idées.


      Jamais un individu ne doit se soustraire au bien public.
      Je laisserai pas faire un truc comme ça, comptez-sur moi.
      Je sais pas comment, mais on peut tous participer à contrer ces idioties.

      Supprimer
    5. Pour l'essentiel je rejoins Robert Marchenoir.

      Le seul sacrifice qui vaille, à mon sens, repose sur la défense des siens, de sa famille, un point c'est tout. On ne meurt pas pour des idées, encore moins pour le bien public.

      Question "hiérarchie victimaire", Shmuel Trigano est semble-t-il, à le lire, le mieux placé pour l'évoquer. Ca n'étonnera personne.

      Pontifiant, donneur de leçons, la clarté n'est pas son fort... Difficile de suivre Shmuel Trigano dans les méandres visqueux de sa phraséologie attrape-gogos... Il ne mérite pas un shekel. Un fatras indescriptible de thèmes et de concepts enchevêtrés : de l'eau de boudin. On appréciera particulièrement la "victimitude", même entre guillemets.

      Nous sommes très loin de Montesquieu !

      J'imagine que lors de ses conférences à Bney Brit (orthographe simplifiée) il s'avise de se montrer plus clair.

      Il l'est parfaitement lorsqu'il s'agit de la défense d'Israël, ce que que je ne saurais lui reprocher d'ailleurs, tant la roquette est malfaisante.

      Mais comme d'habitude chez le peuple élu, l'excès le consume :

      " Un événement d'une ampleur que je qualifierai de mystique s'est récemment produit avec le vote de 138 Etats sur 188 pour l'admission de la Palestine comme " Etat non-membre "de l'ONU.

      D'aucuns y voient le début d'une ghettoïsation des Juifs planétaire. J'y vois pour ma part le signe éclatant de l'élection du peuple d'Israël, j'entends une élection théologique, car une telle unanimité dans l'exclusion d'un seul peuple sur toute la planète est absolument unique et constitue un signe spirituel de la plus haute importance. "
      Harmagedon des nations ? Shmuel Trigano (louyehi.wordpress.com)

      Rien de moins. Qui a parlé de victimes ?

      Il va sans dire que je n'irai jamais mourir pour Israël, pas plus que pour la cause palestinoque, dans ce conflit qui ne prendra jamais fin.

      Supprimer
  4. La tonalité du texte est critique, cela se sent. Quand on parle de "division binaire et manichéenne de l'humanité" et de "hiérarchie fondée sur la souffrance et la victimitude des ancêtres", c'est qu'on désapprouve l'idéologie en question. Est-ce que je me trompe ?

    Normalement, dans une démocratie, ce sont les citoyens qui définissent le bien public, puisqu'ils sont censés être autonomes (auto-nomos : qui se gouverne par ses propres lois). Ensuite, être citoyen suppose de se soumettre à la loi de la majorité. L'individu est autonome mais dans certaines limites. Rousseau parlait de "volonté générale" qui englobe les individus.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois que nous avons compris à peu près la même chose (ce qui n'est pas forcément rassurant pour vous…).

      Supprimer
    2. Je veux bien croire que Sébastien a mieux compris ce texte que moi, pourtant je ne sais quel instinct - peut-être celui de conservation - me pousse à préférer l'explication de Robert.

      Supprimer
    3. "Par conséquent, dans la morale post-moderniste, le monde est divisé entre bons et méchants, opprimés et oppresseurs."
      Si on applique l'échelle de Reiser, en France, il ne doit y avoir que des bons et pas d'oppresseurs...

      Amike

      Supprimer
  5. Sont-ce des foulards en bocal dans son étagère?
    A-t-il des passions cachées?

    En haut à gauche, dans le second bocal, on dirait une tête à l'envers,
    ou une couille d'animal mort.

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.