dimanche 23 décembre 2012

Assis, les forçats de la terre !


Au Plessis-Hébert, la journée commence toujours de manière festive : Catherine et moi jouons à celui qui ne se lèvera pas le premier. Le vainqueur ne gagne rien, mais le perdant – moi, ce matin – voit fondre sur lui une cascade de tâches toutes plus urgentes et impératives les unes que les autres. Il faut d'abord, la porte de la salle à manger ouverte, subir les assauts enthousiastes d'Elstir, lequel tente de faire croire au primo-levant qu'il l'aime alors qu'il lui réclame simplement sa ration de croquettes matutinale. Il faut ensuite aller délivrer Swann et Bergotte du salon où ils dorment et les canaliser vers le jardin : déjà deux de moins.

Ensuite, débloquage de la porte de la cuisine et mise en route du café (j'ai tout préparé la veille au soir, il n'y a plus qu'à presser le bouton). Puis, ouverture de la porte de l'arrière-cuisine (dans laquelle le chat s'engouffre comme un crétin, environ deux matins sur trois), afin d'y prendre le sac de croquettes déjà mentionnées. Nourrissage de la bête. Pendant qu'Elstir engloutit à grand bruit (et en en foutant partout), délivrer le chat et le nourrir, ce qui se fait dans la salle de bain. Là, on peut s'autoriser un moment de détente, en poussant la porte des toilettes pour la miction inaugurale. 

Quand on ressort, Elstir a fini de manger, et il faut à son tour le mettre dehors, lui aussi pour sa miction. On profite de ce moment de calme pour gober avec un peu d'eau ses médicaments-de-vieux, qui doivent permettre de survivre jusqu'au lendemain, en principe. Puis, avant de faire rentrer les chiens qui vous regardent d'un air suppliant depuis la terrasse, vous n'oublierez pas d'aller “refaire leurs lits”, c'est-à-dire déchiffonner les tapis dans leurs paniers. Revenant dans la salle à manger, il vous faut encore désécuriser la pièce ; comprenez : défaire l'empilement de chaises que vous avez, la veille, disposé devant le meuble rouge contenant divers objets usuels, tels que boîte de mouchoirs en papier, téléphone portable, cigarettes, stylo, etc. Si vous avez oublié cette opération essentielle, il y a de bonnes chances pour que vous ayez, tout à l'heure, en vous levant, retrouvé tout cela au sol et déchiqueté par les mâchoires pleines d'allant du gars Elstir.

Normalement, quand vous avez accompli tout cela au pas de charge, le café a fini de passer ; vous vous en servez une tasse, que vous buvez debout dans la salle à manger, devant la porte entrouverte, afin d'évacuer dans le jardin la fumée de votre première cigarette. Dans l'intervalle, les trois chiens se sont recouchés. Après cela, enfin, il vous est loisible d'aller vous épandre dans votre fauteuil habituel, avec un soupir de satisfaction et un livre.

Mais ça, c'est dans les moments creux. Là, depuis quelques jours, à l'instant de la récompense, ma conscience professionnelle opère un certain nombre de dérivations neuronales dans mon cerveau, opération dont le but est de m'empêcher de lire pour ne plus me faire penser qu'à Madame Piaf qui m'attend dans la Case, afin d'y être mise en mots et habillée de phrases. Vous avez beau tenter de ruser, de résister à ce diktat, il n'y a rien à faire : si vous vous obstiniez, même un roman de Mme Angot deviendrait incompréhensible ; il ne vous reste qu'à venir vous installer ici, devant l'ordinateur un brin goguenard de vous voir apparaître si tôt, et à vous réenchaîner à votre boulet – votre seule lueur d'espoir, scintillant là-bas, très loin devant, étant l'apéritif que les puissances terrestres vous autoriseront ce soir, si vous vous êtes acquitté des quinze mille signes qui, pour l'instant, vous attendent en vrac, et exigent d'être mis en ordre de bataille.

La journée sera longue et pleine…

31 commentaires:

  1. Mais c'est quoi votre problème ?
    Plon et Fayard vous auraient commandé le "Dictionnaire amoureux de Piaf" ?

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    1. Je crois l'avoir déjà dit (peut-être que non, en fait…), mais soit, je veux bien le redire pour vous. 2013 sera l'année du cinquantième anniversaire de la mort de Piaf. Dans cette optique, le digne magazine qui m'emploie m'a commandé une série de trois articles, d'environ 15 à 20 000 signes chaque, sur la chanteuse. Et c'est précisément ce à quoi je travaille depuis environ deux semaines (je suis censé écrire le dernier volet aujourd'hui…). Voilà pourquoi, vous me trouvez, ces derniers temps, ces tendances piafomaniaques qui semblent vous surprendre tant.

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    2. Je croyais que c'était pour justifier le nom de votre maison.

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    3. Je me souviens avoir lu sous la plume de je ne sais malheureusement plus quel musicien classique qui s'était trouvé par hasard à un concert d'Edith Piaf, et voilà, disait-il, que cette petite femme plutôt laide qui chantait faux des chansons ineptes, l'avait bouleversé jusqu'aux larmes.
      Il disait que c'était de ce jour-là qu'il avait compris que la musique se situait ailleurs que dans les notes.

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    4. Oh mais ses chansons n'étaient pas toutes ineptes, très loin de là ! Et dire qu'elle chantait faux me paraît très exagéré…

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    5. Oui, moi aussi, lisant qu'elle chantait faux, cela m'avait surprise, mais comme je n'ai pas l'oreille absolue ...

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  2. Vous devriez dormir dans la case et y descendre la cafetière. Que Catherine se débrouille !

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    1. Vous ne l'avez peut-être pas noté, mais Didier n'étant pas de gauche il ne saurait être égoïste ! :)

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    2. ah je pensais que le "gens" de droite était individualiste.

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    3. Non. Il est de droite, donc bête : il s'est marié mais n'utilise pas son épouse pour les tâches ingrates.

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    4. Le gens de droite est un parfait individualiste, et lorsqu'ils sont tous ensemble, ça forme un groupe parfait.
      Il n'y a pas de bon groupe sans de parfaits individus.

      Hu! Hu! Hu!

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    5. Nicolas : mais si, la preuve : en ce moment c'est elle qui est à la messe ! C'est la répartition des tâches : à moi le remplissage du compte bancaire, à elle le nettoyage de nos âmes.

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  3. Je vois qu'on n'hésite pas à travailler un dimanche.
    Tout fout le camp !

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  4. Vous plaignez pas, vous au moins, vous vous souvenez des noms de vos petits oiseaux.
    Moi le matin ma première tâche consiste à me rappeler qui je suis et quel est le nom de la jeune fille nue qui ronfle dans mon lit… Mais surtout : à mon âge, ronchon, catho et pourri de droite comme je suis, comment est-elle arrivée là… ?

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  5. Si la journée est un âne, l'apéritif est une carotte.

    Je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais depuis que je fréquente votre blog, et quelques autres,
    j'ai enrichi mon vocabulaire, pour ça je vous en remercie.

    Bon dimanche.

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    1. Pourtant, sachant que j'ai quelques lecteurs de gauche, je m'astreins à n'employer que des mots simples…

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  6. Au lieu d'empiler des chaises devant le meuble, pourquoi ne pas empiler le chien dehors ?

    Ou alors, faire appel à des solutions de haute technologie, genre tiroir.

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    1. Des tiroirs, chez moi ? Jamais, Monsieur ! Vous m'entendez : JAMAIS!

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    2. Ah merde, la boulette ! J'ai dû offenser la religion de Monsieur. La religion de Monsieur lui interdit les tiroirs, je suppose; Monsieur doit être tiroirophobe.

      Un faux pas est si vite arrivé, avec tout ce multiculturalisme.

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    3. Le tiroir est une invention du diable et les tiroirophiles mériteraient d'avoir les deux mains coupées à la machette.

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    4. Je connaissais les zoophiles (enfin, pas personnellement, je me comprends), mais les tiroirophiles ? Je suppose que dans cette perspective, il vaut mieux n'en point avoir chez soi... Un accident est si vite arrivé...

      Cependant, je garantis à Monsieur que la technologie des tiroirs a fait de remarquables progrès ces dernières années... Monsieur en est peut-être resté aux vieux tiroirs d'antan, aux tiroirs moisis de la France profonde, avec lesquels on risquait de se prendre vingt kilos de ménagère en argent sur les arpions, pour peu que l'on tirât un peu fort...

      Je peux assurer à Monsieur que notre maison a, depuis, révolutionné le concept du tiroir... Désormais, nos tiroirs s'ouvrent du petit doigt, flottent quasiment sur coussin d'air et se referment d'un simple soupir... Monsieur changerait certainement d'avis en découvrant notre nouvelle gamme 2013, qui s'apprête à casser la baraque... (Pas la sienne, bien entendu...)

      Monsieur aimerait peut-être une petite démonstration à domicile ?

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    5. Regarder pendant 7'07" le montage d'un caisson à tiroirs, j'ai pas pu.
      Il est vrai que la démo ne s'adressait pas à moi - la femme assise - mais au forçat assis. Nuance !

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  7. " (...) les deux mains coupées à la machette." Voilà qui est radical !

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  8. Vous avez eu un Dimanche bien calme, grâce à des CPF qui ont emprunté le porte-feuilles de mon fils dans un vestiaire lors d'une de ces séances d'entrainement, j'ai du tout refaire, carte d'identité(25 €), Carte ImagineR (Carte de transport pour étudiant) et aussi le téléphone avec achat d'un nouveau, j'ai oublié aussi les 4 heures passées au commissariat pour déposer plainte, de ce fait je n'ai pas pu allé voir Bénureau au théâtre, heureusement il s'agissait d'invitations.

    Vive la joie du vivre ensemble.

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  9. Quand vous l’aurez extirpé de la poubelle, ce commentaire, vous saurez, espèce de droitiste forcené (c’est vous qui tapez le petit caillou, gros malin !) que je vous Catherine (comme ça le pluriel n’est plus à expliquer) des bonnes fêtes.
    La Piaf. Pute Vierge ! « Rien n’est aussi sûr que l’Evident » se serait exclamé Raymond Souplex !

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  10. Il ne faut jamais jamais boire debout son premier café de la journée. Ca porte malheur.
    Vous ne le saviez pas ?

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.