samedi 30 janvier 2021

Le Talon et le pied bot

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, 1754 – 1838.

 On serait pris de vertige à moins. J'avais eu, voilà quelque temps, l'occasion de croiser la route d'Omer Talon, ainsi qu'en atteste une brève trace dans mon journal. C'était durant les journées les plus chaudes de la Fronde, l'avocat général était très occupé à contrecarrer les plans d'Anne d'Autriche et Mazarin et à batailler en faveur du Parlement de Paris, j'avais rapidement perdu sa trace dans les fumées de l'histoire.

Et, l'heure dernière, qui donc retrouvai-je en 1794, dans une auberge de Philadelphie, Pennsylvanie, USA,  partageant la table et les agapes du vicomte de Noailles, du duc de La Rochefoucauld-Liancourt, de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, ex-évêque d'Autun et futur prince de Bénévent, ainsi que de quelques moindres commensaux ? Omer Talon !

Inutile de me dire qu'il ne s'agissait pas du même personnage : je l'avais plus ou moins compris tout seul. 

Ce Talon new look, député de Chartres, avait eu l'idée, très noble mais fort risquée, de se mettre trois ans plus tôt au service des Tuileries et, après l'épisode de Varennes, de tenter de défendre les prérogatives du roi face aux clubs et à la partie la plus enragée de l'Assemblée. On comprend que, Robespierre et ses petits camarades de jeu arrivant au pouvoir, il ait jugé, ce Talon-là (lon lère), plus prudent de s'exiler, d'abord en Angleterre puis aux États-Unis. Le piquant de l'affaire est qu'il parvint à quitter la France in extremis – il était en quelque sorte guillotine moins cinq – grâce à un passeport délivré par Danton, c'est-à-dire exactement de la même façon et au même moment que Talleyrand lui-même. Les conventionnels avaient réussi à jeter dans la même galère un Talon et un pied bot.

À propos de lui, de Talleyrand, on donnerait tout de même assez cher pour avoir la possibilité de contempler les trognes mi-ébahies, mi-scandalisées des braves puritains de Philadelphie voyant passer dans leurs rues en équerres le descendant des comtes de Périgord avec, pendue à son bras, levant vers lui des yeux enamourés, une superbe négresse parée comme pour le bal et rutilante tel un sapin de Noël. Une façon, en somme, d'illustrer charnellement le fait qu'il existe bel et bien un Périgord noir.

En tout cas, ça devait valoir le détour, comme on dit chez Michelin.

17 commentaires:

  1. Je trouve que ce billet,ainsi que le précédent, manquent cruellement d'illustrations.

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    1. Et pourtant, elles y sont bel et bien !

      Vous devriez peut-être changer d'ordinateur. Ou de moteur de recherches. Ou d'yeux.

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  2. Votre Omer semble ne pas être référencé dans la page officielle des Omer Talon. Pourtant l'histoire en fut jonchée. Au moins 3 si je compte bien.

    Cette page nous apprend d'ailleurs que la trufficulture provinciale moderne a été inventée par un Talon né un an avant les agapes dont au sujet desquelles vous faites allusion.

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  3. Je ne savais pas que le terme Périgord noir venait de la. Mais a n'en pas douter c'est une piste amusante.

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  4. Est-ce parce que ça secoue chez nous aujourd'hui, que vous vous accrochez à ces personnages qui ont de la branche ?

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    1. Réveillez-vous, le mal court, mais ce n'est plus du théâtre pour faire rire le public des tournées Karsenty !

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    2. Le "mâle court", c'était voulu ?

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  5. Louis XVIII aurait dit de Talleyrand qu'il est DU Périgord et non pas DE Périgord.
    Pangloss.

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    1. Le château de Chalais, en Charente du sud, porte du Périgord, porte le nom de Talleyrand-Périgord.

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    2. Logique : les Talleyrand-Périgord étaient princes de Chalais.

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  6. Le ton badin dans vos billets va très bien à votre teint et à mon goût de l’humour.
    Je sais que ça ne se commande pas, il y a des jours avec et des jours sans.
    Prenons ce qui nous est offert.
    Hélène dici

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  7. Charles-Maurice croqué aux States, vers 1795 :

    http://museums.bristol.gov.uk/details.php?irn=116430

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.