mardi 7 août 2012

C'est bien… ça…

Un excellent moyen pour découvrir l'univers de Nathalie Sarraute, si comme moi on a lambiné jusqu'aujourd'hui pour ce faire, c'est de regarder sa pièce, Pour un oui ou pour un non, filmée par Jacques Doillon et mettant en scène ces deux comédiens remarquables (et ici vraiment remarquables) que sont Trintignant et Dussollier. L'argument en est simple : deux amis de longue date et très proches l'un de l'autre – ceux qui les connaissent les voient souvent “comme deux frères” – se retrouvent chez l'un d'eux. Le second est venu voir son ami pour essayer de comprendre pourquoi, depuis quelque temps, il semble s'être éloigné de lui. Au début, celui chez qui l'on se trouve refuse de dire ses raisons, ou plutôt sa raison, car il pense n'en avoir qu'une. Finalement, il passe aux aveux : les coupables, ce sont les mots ; quatre petits mots, un jour prononcés par son ami suivant une certaine intonation : « C'est bien… ça… ». C'est la première lézarde que nous voyons apparaître entre eux. Ensuite, tout va se déliter implacablement, une violence sous-jacente va s'installer, croître, tout envahir. Et ces deux amis, ces deux “comme des frères”, une heure après le début de leur réunion, vont se découvrir ennemis jurés, pantelants, vides, désarticulés. L'écriture de Sarraute, ici, agit comme un scalpel, mais presque au sens littéral du terme : on croit voir se multiplier les lacérations sur les deux visages de Trintignant et Dussollier ; lesquels sont, je le redis, prodigieux. Et, la pièce achevée, on se prend à songer au massacre de ce texte auquel pourraient se livrer deux acteurs qui seraient simplement honnêtes.

10 commentaires:

  1. Sans avoir vu la pièce filmée par Douillon, je mets ma main à couper que c'est Trintignant qui prononce le "c'est bien…ça"
    Me tromp'-je ?

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    1. Oui et non : c'est Trintignant qui l'a dit la première fois, mais c'était avant que la pièce ne commence. Dans la pièce même, c'est Dussollier qui lui rappelle ces mots, que l'autre a d'ailleurs oubliés.

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  2. Bonjour Didier.
    Qu'entendez-vous par "honnêtes", à la fin?
    Un jeu d'acteur sans conviction?
    Vous parlez de Dussollier, et je pense de suite à "un crime au paradis", ou il excellait en avocat parisien.
    Son jeu est un régal.

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    1. Honnête dans le sens de bon artisan, consciencieux mais dénué de génie, ou même de panache.

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  3. Merci pour le lien.
    J'ai beaucoup aimé le livre il y a vingt ans, déjà. Vous m'avez donné envie de relire Sarraute ( et de découvrir l'adaptation que je ne connais pas).
    Si je peux me permettre de conseiller à mon tour quelque chose, sur le sujet de l'amitié, ce serait cette pièce de Reza, qu'on ne trouve malheureusement qu'en vidéo de mauvaise qualité mais dont les performances d'acteurs et la qualité du texte à mes yeux font oublier la pixelisation :
    http://www.dailymotion.com/video/x66105_art-de-yasmina-reza-la-piece-aux-2_fun

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    1. Reza juste derrière Sarraute ? J'ai peur que ce soit comme faire passer un verre de Meursault avec une gorgée de Muscadet, non ?

      D'un autre côté, quand il n'y a plus de Meursault…

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  4. Bon et bien puisque môssieur est trop difficile et que ma Reza n'est pas assez chicos pour môssieur, et bien je n'écrirai plus jamais de com sous un billet littéraire et pis c'est tout.
    En plus, elle est bien sa pièce. Et toc.

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  5. Mais ça m'énerve... parce qu'en plus vous avez raison, bien sûr :)
    Reste que la "Reza" n'est pas mal du tout dans son genre (et elle est mieux roulée que Sarraute qui plus est, surtout depuis 1999^^).

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.