jeudi 29 octobre 2009

Ce soir, j'ai niqué l'Irremplaçable...

Putain, quinze ans... Ce 29 octobre 1994, en la mairie de Beaulieu-sur-Loire – Loiret –, nous nous épousâmes, l'autre folle et moi-même. Il faut croire que nous étions fous tous deux, puisque, mariés, nous le sommes toujours. Et que, à ma connaissance (mais nul n'est à l'abri d'une mauvaise surprise), il ne semble pas être question d'une rupture. Je le revois très bien, ce 29 octobre 1994. D'abord, qui peut se vanter d'avoir ce merveileux chanteur qu'est Kent comme témoin ? Hein ? Eh bien, moi.

Et qui peut se flatter d'avoir, le soir même, dîné dans ce merveilleux restaurant, l'un des premiers “ Relais & Châteaux” de l'histoire, à la table voisine d'Alain Delon et de sa gonzesse de l'époque (actuellement Mme Afflelou) ? Moi encore. Je signale, par parenthèse, que la grande brune hollandaise en question, a passé le dîner buvant du Schweppes – ce qui pousserait soit à mitrailler à la kalachnikov cette somptueuse pétasse (sans dec', elle était vraiment somptueuse), soit à rayer de la carte le pays d'où elle vient. – Bref.

On reprend. Ce soir, donc, 29 octobre, c'était mon 15e anniversaire de mariage : le genre de truc donc les mecs n'ont rien à branler, mais qui fait pleurer les filles. Bon, les autres années, en général, je fais celui qui s'en tape. Mais, là, pour une raison qui m'échappe à moi-même, j'ai décidé de marquer le coup. Donc, revenant de Levallois, je me suis arrêté chez le marchand de fleurs de Pacy. Je m'étais renseigné, tout de même – auprès de filles et de garçons. Tous étaient d'accord : des roses rouges, bordel ! Bon, OK, comme vous le sentez.

Donc, je pénètre dans cet antre inconnu pour moi : une boutique de fleuriste. J'ai la trouille, je ne le cache pas. L'impression qu'on va se foutre ouvertement de ma gueule. Je me fais aussi petit qu'on peut l'être quand on fait 1,89 m et 103 kg. Je tombe sur une très jeune fille, assez boutonneuse : on dirait moi à l'adolescence, ça me la rend d'emblée sympathique, forcément. Je comprends bien, d'entrée, que je ne dois rien lui demander, quant aux subtilités du langage des fleurs. Donc, je décide de faire basique : 15 ans de mariage, 15 roses rouges. On peut difficilement faire plus con.

Elle emballe l'affaire (les 15 roses, donc). Dans le même temps, je me fais chier “grave” : on m'attend à la maison pour l'apéro, bordel ! Mais je jouis, tout de même : gros con de mec, jamais je n'ai offert de fleurs à l'Irremplaçable, ni pour cet anniversaire commun, ni même pour le sien propre. Bourrin je suis. Et puis, tout de même, sur le comptoir de ce fleuriste, il ya un petit panier de bonbons, à destination des clients en attente, comme moi. Ces bonbons sont des “Régal'ad”, des machins à l'orange ou au citron, qui collent gravissime aux dents, et que j'adorais quand j'avais... Combien ? 14 ans ? Oui, à peu près. Je bouffais de ces saloperies quand j'allais au cinéma de Châteaudun, vers 1971, rendez-vous compte. – Tout change, sauf les Régal'ad. À cette différence que, dans ma jeunesse, les bonbons à l'orange étaient orange, et ceux au citron jaune fluo : aujourd'hui, ils collent pareil aux dents mais ils sont tous blancs. Néanmoins, pendant que la petite fille m'empaquetait mes roses, je me suis payé un violent retour, parfaitement délicieux.

Là-dessus, la petite boutonneuse pose une question difficile : “Qu'est-ce que je mets comme autocollant ?” Je regarde. J'ai le choix entre “Plaisir d'offrir”, “Bon anniversaire”, etc. J'en avise un autre et ne me retiens pas de lui dire : “J'aimerais bien qu'on mette celui-ci : Sincères condoléances.”

Son visage, déjà béant, bée encore plus, au point que je me sens obligé de préciser rapidement : “C'est un gag”. Elle ne comprend pas le gag, ma chère boutonneuse, mais semble soulagée d'apprendre que rien de tout cela n'est vraiment sérieux.

Quand j'ai raconté cette petite histoire à Catherine, elle a trouvé, comme moi, que le petit papillon “sincères condoléances” aurait été vraiment drôle. Et j'ai compris (le sachant déjà) pourquoi j'avais mieux fait d'épouser Catherine plutôt que la petite boutonneuse marchande de fleurs. – Que je recommande, néanmoins, si vous êtes un jeune crétin de moins de trente ans : elle a l'air toute gentille.

Néanmoins, si on pouvait effacer l'ardoise magique et tout reprendre de zéro, je me demande si je ne réépouserais pas Catherine. Vous dire à quel point les mecs sont cons, et notamment moi...

29 commentaires:

  1. T'es trop mignon, je l'ai toujours dit.

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  2. Bon anniversaire à vous deux!
    c'est rigolo c'est le mien aussi sauf que cette année me met hors course pour draguer la jeune boutonneuse. Vous connaîtriez pas d'autres filles moins jeunes ?

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  3. Dazredevil : Non, j'en connais aucune, démerdez-vous !

    Ah, si, maintenant qu'on en cause, j'en connais. Très jolies, dramatiquement jeunes. Et, si ça se trouve, elles aiment les vieux. Mais je ne veux même pas le savoir...

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  4. Ah Kent ! Le starshooter de mon enfance, Combien de fois je l'ai vu sur scène ? Sais plus.

    Ah Alain Delon .... ah ? euh rien.
    Ah Madame Affelelou ah ? rien non plus

    Pour le reste, plusieurs fois quinze pour vous.

    Putain, j'ai mes 10 ans en Juillet !

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  5. Ceci dit, le titre induit en erreur, si j'ose dire.
    J'étais , à destination de Catherine, sur le point de rédiger un commentaire, genre, comme disent les jeunes, "enfin heureuse Catherine ?" ou "ça faisait longtemps!"
    Je m'en suis abstenu au regard du geste chevaleresque de Didier Goux et de la teneur poétique du billet.
    Bien entendu et j'en conviens, ce qu'ils font de leurs corps ne me regarde pas.
    En revanche Catherine, le qualificatif "mignon" me paraît guère approprié à l'individu.

    Didier Goux, pour les filles pubères que vous lorgniez, parlez leur de mes avantages.

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  6. "1,89 m et 103 kg."

    Ça doit se sentir quand vous distribuez les parpaings.

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  7. Tonnegrande,

    prends en de la graine. En 15 ans de mariage, Didier Goux n'est JAMAIS rentré bourré à la maison quand sa femme m'attendait amoureusement et soumise comme doit l'être toute bonne épouse.

    Ça s'arrose.

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  8. "quand sa femme m'attendait amoureusement"
    Il y a du crime passionnel dans l'air...

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  9. « C'est à un désolant spectacle qu'ont dû, bien malgré eux, assister hier les cinéphiles venus en nombre au Club à la première dunoise, moins de six mois – c'est à noter – après sa sortie nationale, du "Mort à Venise" de Luchino Visconti. Non que la qualité de la dernière œuvre du maître transalpin fût en cause en l'espèce – même si elle pèche parfois, avouons-le, par quelques scènes à la limite du scabreux dont on croit pouvoir écrire que leur intérêt reste à démontrer. Non, c'est bien plutôt de la salle qu'est venu ce que d'aucuns n'ont pas hésité à qualifier de scandale, en la personne d'un jeune perturbateur, collégien de son état, qui sembla se faire un devoir de gâcher leur soirée à ses concitoyens, lesquels avaient manifestement le tort, à ses yeux juvéniles visiblement embrumés par des idéologies bien dans l'air du temps mais dont il doit pour sa part à peine percevoir les contours, d'être d'honnêtes travailleurs ou de respectables pères de famille ou mères au foyer...
    À peine la séance avait-elle débuté que cet adolescent doté d'une puissance vocale à la mesure de l'imposante carrure qui lui vaut dans son collège, croit-on savoir, le surnom de Bébé Cadum, se mit ainsi à hurler "P... ! J'ai plus de régal'ad à la fraise !", profession de foi bientôt suivie d'autres interjections braillardes d'une semblable subtilité, qui culminèrent, lorsqu'apparut le jeune Tadzio dans sa tenue de petit mousse, par un "Va te rhabiller, c'est un gros p...".
    Il fallut faire appel à la police municipale pour déloger l'impudent, qui quitta la salle en entonnant La Ravachole...
    À la sortie de la projection, des spectateurs indignés confièrent que ce jeune asocial avait déjà, les mois précédents, ponctué la projection de "Love story" et de "Boulevard du rhum" par des "À poil !" enflammés et proféré des plaisanteries pour le moins obscures à propos d'une certaine dame Poignet (Poignée ?) lors de la diffusion de La Veuve Couderc.
    Triste spectacle, en vérité, d'autant qu'on a appris entre-temps que le père de cet individu dont on n'ose imaginer quelle profession il embrassera plus tard est adjudant dans l'armée française... »

    L'Écho républicain
    , jeudi 18 novembre 1971.

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  10. La fille était en boutons, OK ? Et les roses ?

    Je ne sais plus ce que je faisais le 29 octobre 1944, c'est trop loin. J'étais encore Nazi ou bien déjà Coco, j'sais p'us.

    Apparemment, les Québécoises, quand on pogne la bonne, on devient très vieux ensemble. Je suis plus jeune que vous en mariage européo-québécois (4 ans et quelques), mais ce n'était pas mon premier. Le premier me cuit toujours autant. Celui-ci me venge. J'ai bien fait d'attendre.

    15 ans de mariage : noces de cristal. Je heurte mon verre à votre santé.

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  11. « En revanche Catherine, le qualificatif "mignon" me paraît guère approprié à l'individu. »

    En québécois du Sud-Ouest, si (« charmant »). C'est vrai qu'il est mimi, Didi.

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  12. 1,89m? C'est bien vrai ça? J'ai pas eu cette impression mais je ne veux pas être désagréable en ce jour spécial.
    En ce qui concerne les fleurs, mon conjoint ne m'en a JAMAIS offert non plus... et j'ai dû attendre le 15° anniversaire de mariage pour qu'il se fende d'une alliance.

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  13. Je vais me marier, alors, je viens prendre des leçons.
    Billet au titre trompeur comme un plat de coquilles St Jacques Marie qui ne contient qu'un pétoncle et beaucoup de sauce.
    Je m'attendais en effet à un billet à haute concentration pornographique habillé d'une jolie prose. Et il n'y a que la jolie prose.
    Nous ne pouvons même pas hurler remboursez, c'est gratuit.

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  14. Je félicite Dame Catherine pour sa patience. Putain, 15 ans à attendre un bouquet en secret !!!

    :-))

    [Tout vient à point, etc.].

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  15. Bon, je réponds à tout le monde plus tard. Pour l'instant, j'ai :

    1) café,
    2) douche,
    3) trajet,
    4) boulot.

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  16. Yanka, je voulais dire cute. Et je précise que c'est 15 ans de mariage mais 19 ans de vie commune.

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  17. Bon anniversaire à vous deux!
    Cela dit, je ne sais toujours rien du café gourmand brillamment annoncé...Yavait rien à en dire? Pas de petites boutonneuses, rien?

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  18. "À cette différence que, dans ma jeunesse, les bonbons à l'orange étaient orange, et ceux au citron jaune fluo : aujourd'hui, ils collent pareil aux dents mais ils sont tous blancs. Néanmoins, pendant que la petite fille m'empaquetait mes roses, je me suis payé un violent retour, parfaitement délicieux."

    Vous confondez les regal'ad et les Krema, qui effectivement sont oranges quand ils sont à l'orange...

    Pour le reste, ben, vous le savez, je partage avec vous ce même respect débile et passé de mode pour cette merveilleuse institution qu'est le mariage.

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  19. Très touchant... Bon anniversaire à vous deux, un des plus beaux couples que je connaisse !

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  20. Bon anniversaire ! C'est très chou de vous imaginer vous faire tout petit dans le magasin de fleurs !

    Moi, je fête mes six jours de mariage !

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  21. Bravo pour le choix des roses rouges qui valent amplement les chrysanthèmes..! Et merci pour ce drôlatique billet !

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  22. Christophe : je cache bien mon jeu.

    PRR : J'ai connu Kent fin 1978 ou début 79, au studio où Starshooter enregistrait son deuxième album.

    Tonnégrande : mais c'est ce que je fais !

    Hank : je n'ai jamais mis de pain à qui que ce soit, même étant gamin.

    Nicolas : exact.

    Suzanne : non, trop fatigant...

    Chieuvrou : mort de lol !

    Yanka : mignon à la mode québécoise me va très bien.

    Orage : c'est parce que j'étais avachi dans le fauteuil...

    Ludo : armez-vous de courage et de patience : ce sont les trente premières années les plus dures...

    Monsieur Poireau : je reconnais qu'elle a bien du mérite, allez !

    Marine : finalement, je n'y suis pas allé...

    Dorham : mais les régal'ad, ce sont des kréma, non ?

    Zoridae : eh bien, dans ce cas, je ne veux même pas savoir à quoi ressemblent les autres couples de votre entourage, ça doit être d'un gore !

    Camille : vous verrez, ça passe très vite, tout ce temps...

    Pluton : j'aurais dû y penser, tiens, aux chrysanthèmes !

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  23. Didier, soyons sérieux pour une fois, je trouve ce billet vraiment très touchant!
    Orage

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  24. Bon sang de bois, j'ai du mal à vous imaginer émule de Starshooter !!
    (ne le prenez pas mal)
    Quand il y a un type comme Kent dans le coin, Alain Deloin fait pâle figure.
    En plus, voila qu'il offre des fleurs, et Daredevil lui demande conseil, on nage en pleine science fiction.
    Bon anniversaire !

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  25. Orage : bon, c'était aussi un peu le but, hein...

    Monsieur Social : Contrairement à ce que dit l'adage, on ne choisit pas plus ses amis que sa famille...

    Et mes hommages à Mme Sociale !

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  26. « lorsque apparut », évidemment.

    Mort de honte.

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  27. Le plus joli billet lu à mon retour piteux d'Auvergne.
    Mais tout de même, j'aurais voulu voir ça.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.