mercredi 16 décembre 2009

Zardiescat in pace

Ce matin, en conférence de rédaction (appelée “point”, dans l'intimité professionnelle), quelqu'un demande : « On fait un truc sur Dominique Zardi ? » Moi, ne perdant jamais une occasion d'étaler mon inculture populaire : « C'est qui, Dominique Zardi ? » Gabriel, le chef des informations, me tend une page du Parisien pliée en deux. Je découvre la photo du petit homme, et cinquante ans de cinéma français, franchouillard, moisi, me sautent au maxillaire inférieur.

500 films, jamais ne serait-ce qu'un second rôle. Toujours troisième surin. Mais tout de même : Decoin, Duvivier, Bresson, Abel Gance, Litvak, Chabrol, Godard, Melville, Mocky, plein d'autres – et même Gene Kelly, Stanley Donen et John Huston. Et bien entendu Audiard.

On parlait de lui, tout à l'heure, avec l'Irremplaçable – alors que le hasard faisait qu'on se tapait un dîner sur le pouce, façon années cinquante, marcel et cuisinière à bois : filets de hareng aux oignons crus et morceau de claquos au lait cru. Et il me semblait que rien ne devait être plus enviable qu'une carrière comme celle-là, pour peu qu'on ne soit pas dévoré par le ver du vedettariat. Entre six et huit films par an, la gamelle assurée, les voyages tous frais payés, les dîners de pochetrons avec Gabin, Ventura et tous les autres, la petite décolorée en robe vichy qui, faute d'un calibre un peu mieux coté au box-office, se contente pour une nuit de la modeste pétoire que vous tenez à sa disposition, histoire de l'éparpiller au septième ciel façon puzzle.

Et que le film cartonne ou se ramasse, rien à foutre : presque pas là, responsable de rien ! Pas de faix sur les endosses, pas de stress ! Jamais bankable, toujours engagé. Oui, vraiment, je pense qu'elle a dû être choucarde, la vie de Dominique Zardi.

En plus, entre deux tournages, voire pendant, il écrivait des livres, le gars. Des romans avec des préfaces de Chabrol, de Granier-Deferre ou de la Signoret. Tout cela parce qu'il avait appris à descendre d'une guinde ou à tirer un soufflant de sa profonde : pas mal.

24 commentaires:

  1. J'ai été hyper surpris de savoir qu'il avait tourné dans 500 films, et comme tu as fait le calcul par an, il a pas du s'emmerder dans sa vie,entouré de pointures.Respect.

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  2. « On m’a donné les pires rôles dans le cinéma français : J’ai joué des psychopathes, des tordus, des tarés, des violeurs d’enfants, des assassins, des pourris, des tueurs aux abattoirs, j’ai fait des choses ignobles, j’ai tué des chiens, des cochons, des poules, des petites filles, des vieillards, j’ai fait des choses abominables… Jamais personne ne m’en a tenu rigueur…. »

    (Interviouve de Dominique Zardi à la revue Travelling avant, citée dans le toujours excellent Coin du cinéphage)

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  3. Bien d'accord Fidel Castor, respect. Le Zardi a quand même bien bossé avec sa trogne à vous filer les jetons... Je l'avais oublié le "gus", mais un billet façon "tontons flingueurs" l'a exhumé ! Merci Didier !

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  4. Je ne connaissais pas son nom, non plus... et rien que de revoir son visage, hop, les films défilent.
    C'est bien, ce qu'il a écrit ?

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  5. Il ne militait pas ces dernières années pour une organisation pro-sioniste assez virulente?

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  6. C'est encore le Belge du coin qui semble le mieux connaitre cette tronche remarquable du cinéma français populaire. Il se fait qu'il y a quelques années, j'ai passé un peu de temps, grâce au Net, à mettre des noms sur des visages de seconds rôles du cinéma français, et celui-ci m'avait frappé, d'autant plus que c'était un sacré personnage dans la vie, un touche-à-tout de génie comme on en fait plus. Et pas mauvaise plume du tout.

    Sa filmographie complète : http://zardi.free.fr/DZARDI/filmographie.htm

    Pas le temps de chercher, mais certains de ses textes sont disponibles sur le Web.

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  7. Mais est-ce de la nostalgie cet article ? ou la recherche de l'être du XXéme parfait dans la vérité ? Sûr qu'aujourd'hui il n'y a plus personne à l'écran cinématographique ou télévisuel, et qu'à l'avenir il n'y aura encore moins que rien, mais je comprends pas cette admiration commune qu'on a pour des gens (dé)qualifiés au populaire qui avaient le mérite de réfléchir et d'être modeste et discret. Ceci dit, je pense qu'à l'époque de mes grands parents ou encore avant, (j'ai eu l'occasion de connaître mes arrières-grands-parents, pas très longtemps) ils étaient aussi abrutis qu'aujourd'hui. Ainsi, mon voisin est un abruti avec sa techno de merde, son chien et sa bagnole...

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  8. Newtown... Avant, y avait des crétins en masse, de vrais crétins : des ignorants. Nos crétins modernes, eux, savent, mais ils sont abrutis. Ils ne sont donc des crétins que parce qu'ils sont abrutis. Autant les premiers étaient à plaindre, autant ceux-ci sont à... pfiou... fusiller, tiens ! Abondance d'abrutis nuit, dit l'adage que je viens d'inventer.

    La modestie et la discrétion, tout est là. On peut être bête, mais si en plus on est modeste et discret, on échappe à ce cancer des temps modernes qu'est la vulgarité.

    Voilà.

    Ygor Yanka dixit. Amen.

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  9. « Vous savez, dans le gigot, ce qui est bon, c'est pas la viande, c'est les pointes d'ail. C'est pas moi qui dit ça, c'est Raimu. »
    En disant ça, Zardi semble indiquer qu'il se satisfaisait fort bien de n'être qu'une gueule du ciné Français

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  10. entièrement d'accord avec vous, cher Didier, sur le naufrage houellebequien. J'ai même vu son film, auquel on ne peut faire que le commentaire suivant : "???!!!!...."

    il se caricature, se vautre dans son pessimisme, jusqu'au grotesque, dans La Possibilité.

    Plateforme et Extension sont ses meilleurs romans (comme par hasard ceux ou n'intervient pas la SF)


    (dites, vous deviez pas "y revenir", à propos des 5 points du dogme linganien? On attend toujours de par chez nous! (mbu)


    (oui, je sais, le billet Houellebecq c'est pas celui-ci mais un autre plus bas, mais j'ai horreur de poster un commentaire voué à l'oubli des basses-fosses)

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  11. Ok Yanka. Je vais relire Tolstoï et Balzac. Et puis Lautréamont, tiens, ça m'évitera de fusiller mon voisin. (ceci dit y parait qu'on peut avoir une kalachnikov pour pas cher ?)

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  12. Arrête Didier, tu vas me faire pleurer ! Cela ne fait pas partie de tes attributions ni de la fonction que tu occupes au sein de la Bougonie !
    Zardi ? Un con. Un égoïste. Il prenait la caisse et se barrait du côté de Vincennes ou dans n'importe quel autre hippodrome dépenser sa thune en compagnie de pépés visonnées ou chinchillées, avant la prochaine production.
    Un dur. Un vrai. Un sacré con d'acteur !

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  13. Bonjour Didier,

    je reconnais bien votre caractère dans ce billet, cela me rappelle farouchement le billet que vous aviez écrit il y a quelques mois sur l'époque de l'Histoire à laquelle vous auriez aimé vivre...vous aviez choisi d'être quelque part entre le Comte d'Évreux qui meurt vieux avant 1789 ou bien un aristocrate autrichien façon la marche de Radetzky.. la gamelle assurée sans souci avec les bons moments, les copains et les coquins et sans les inconvénients...bon choix...plus tard je serai Dominique Zardi...voilà un truc qui a de la gueule

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  14. Il avait une drôle de tête, Zardi, du coup, il en changeait souvent. C'est impressionnant.
    Pour les reste, c'est un acteur et sauf à l'avoir connu en personne, que dire ? :-))

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  15. Pas vraiment un progressiste... ce qui devrait plaire à notre hôte.

    Pour la petite histoire du cinéma :

    http://www.youtube.com/watch?v=m_u4D4Pl3uk&feature=related

    Ça se passe entre 4.55 et 5.00

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  16. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  17. didier goux sale facho d'extreme droite
    nique les racistes qui se la pètent

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  18. Merci de réhabiliter ce monument du patrimoine cinématographique français.
    J'ai revu récemment "Les Biches" où il est brillant (dans un rôle + long que d'habitude)

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  19. Les magazines de "centre-gauche" savent reconnaître le talent Goux qu'il vienne : http://www.marianne2.fr/savoirsvivre/Dominique-Zardi-le-triomphe-des-modestes_a152.html

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  20. Seb : monument est peut-être un peu excessif... Disons qu'il avait fini par représenter toute une époque à lui seul, ce qui est déjà beaucoup.

    Lediazec : je suis décidé à pousser la compromission jusqu'à son terme !

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  21. Je signale à ceux que ça intéresse qu'un hommage, à coup sûr réjouissant, va être rendu à Dominique Zardi par Christophe Bier dans environ un quart d'heure, à la fin de Mauvais Genres, sur France Culture.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.