J'extrais ce qui suit du livre de Jean Cau, Proust, le chat et moi, datant de 1984 et réédité dans cette excellente collection de La Table Ronde qui s'appelle la petite vermillon (pages 132 & 133) :
Le chat, au coin du feu, écoute son maître. Pour lui, ce monologue n'a aucune importance et n'est que le bruit ronronné d'un autre animal. Tu as raison, Proust [Proust est le nom du chat, note de moi-même], je ne suis aussi qu'une bête provisoirement vivante, essayant de donner des sens – au hasard – à la vie et à la mort de la vie. Je sais que je suis présomptueux de croire que l'homme est toute la Vie mais il n'y va pas de sa faute si les dieux firent cet homme poète racontant des histoires. Reste que n'étant pas hindou et adepte d'une sagesse de fusion, je mesure – chez moi, en mon lieu de la terre – ce qu'il y a de désaccordé entre ce que vagit la littérature et le grondement des énormes lames qui se soulèvent à l'horizon, prêtes à s'abattre sur les plages où nous nous livrons à nos jeux désuets. (…) Et, quand un barbare vainqueur, par violence ou reptation, entrera dans le cœur de nos villes, détruites ou investies, il marchera, botté ou en sandales, sur un tapis de feuilles mortes : milliers de livres. Rien qu'un froissement, sous son pas, de mots desséchés d'absurdité.
Redescendons, en chute non contrôlée, sur ce tapis. Chute brutale. Que deviendra, ô Narrateur, ton œuvre ? Ceci qui est hors de doute : le témoignage de mœurs singulières et de rapports humains incompréhensibles se déroulant en des lieux incroyables. Et les scribes égarés dans ces signes diront : « Nous n'y comprenons rien mais tout indique que ce fut le dernier livre écrit par le dernier homme. Ce fut l'étrange testament d'un monde aboli, le dernier opéra d'une civilisation défunte. Le seul cri encore modulé avant le hurlement. »
Photo : Irrempe.
Le chat, au coin du feu, écoute son maître. Pour lui, ce monologue n'a aucune importance et n'est que le bruit ronronné d'un autre animal. Tu as raison, Proust [Proust est le nom du chat, note de moi-même], je ne suis aussi qu'une bête provisoirement vivante, essayant de donner des sens – au hasard – à la vie et à la mort de la vie. Je sais que je suis présomptueux de croire que l'homme est toute la Vie mais il n'y va pas de sa faute si les dieux firent cet homme poète racontant des histoires. Reste que n'étant pas hindou et adepte d'une sagesse de fusion, je mesure – chez moi, en mon lieu de la terre – ce qu'il y a de désaccordé entre ce que vagit la littérature et le grondement des énormes lames qui se soulèvent à l'horizon, prêtes à s'abattre sur les plages où nous nous livrons à nos jeux désuets. (…) Et, quand un barbare vainqueur, par violence ou reptation, entrera dans le cœur de nos villes, détruites ou investies, il marchera, botté ou en sandales, sur un tapis de feuilles mortes : milliers de livres. Rien qu'un froissement, sous son pas, de mots desséchés d'absurdité.
Redescendons, en chute non contrôlée, sur ce tapis. Chute brutale. Que deviendra, ô Narrateur, ton œuvre ? Ceci qui est hors de doute : le témoignage de mœurs singulières et de rapports humains incompréhensibles se déroulant en des lieux incroyables. Et les scribes égarés dans ces signes diront : « Nous n'y comprenons rien mais tout indique que ce fut le dernier livre écrit par le dernier homme. Ce fut l'étrange testament d'un monde aboli, le dernier opéra d'une civilisation défunte. Le seul cri encore modulé avant le hurlement. »
Photo : Irrempe.
Rhaaa, j'ai encore fait le dernier commentaire sur le billet précédent.
RépondreSupprimerC'est encore perdu.