Avant-hier :
– Terminé Bruit de fond, de DeLillo, juste après le déjeuner. Comme Outremonde est arrivé ce matin par la Poste, je vais pouvoir enchaîner. Écrivain puissant et original, c'est évident, alliage fait d'humour et de profond malaise, regard à la fois cruel et tendre sur ses personnages – mais je suis fatigué et n'ai nulle envie de jouer maintenant les critiques littéraires. D'ailleurs, j'en ai de moins en moins envie, d'une manière général. Tout de même : il y a dans ce roman une sorte de folie latente, d'autant plus effrayante qu'elle semble toujours prête à se répandre sur le monde si propre et ordonné que l'on nous donne à voir, tout comme se répand le mystérieux nuage toxique de la seconde partie, mais qu'elle n'agit qu'à “bas bruit”, justement. Elle finit par exploser tout de même, à la fin, au moment de la tentative de meurtre perpétrée par le personnage central. Mais alors, elle est elle-même obligée de battre en retraite face à la mort, ou plutôt à la puissance de la peur que la mort implique. Enfin, dans les dernières pages, même la mort bat en retraite, devant la toute puissance des habitudes et des voies balisées de la consommation réflexe – à moins que ce ne soit cela, le vrai visage de la mort (et on pense aux zombis de Romero arpentant en titubant les allées d'un centre commercial, film d'ailleurs presque contemporain du roman de DeLillo). Le bruit de fond du titre c'est bien sûr celui engendré par les radios et télés omniprésentes, mais c'est surtout, il me semble, le bourdonnement que produisent ensemble toutes ces peurs individuelles que plus rien ne parvient à divertir, ni la religion (extraordinaire dialogue avec la bonne sœur allemande, à la fin du roman) ni le monde des objets familiers (scène brutale du personnage narrateur disséquant littéralement les détritus de la famille pour tenter d'y trouver une définition juste de ce qu'ils sont). Il semble que, englués dans ce bruit de fond, les protagonistes ressentiraient comme une délivrance, une libération, la moindre explosion qui surviendrait – mais justement il ne s'en produit pas la moindre.
Hier :
– Les cinquante premières pages d'Outremonde, qui se déroulent entièrement durant un match de base-ball new-yorkais, celui qui opposait les Dodgers aux Giants en octobre 1951, sont éblouissantes d'intelligence, de virtuosité, de composition, toutes pleines d'échos, d'appels et de répons, etc. Du coup, j'ai commandé un nouveau livre de DeLillo : Libra, ainsi qu'American psycho de Bret Easton Ellis, que je n'ai jamais lu et dont je n'attends pas grand-chose, je ne sais pourquoi. Peut-être parce qu'on m'en a, à une époque, un peu trop rebattu les oreilles. Mais il semble qu'il y ait de véritables correspondances entre les deux romans.
– Terminé Bruit de fond, de DeLillo, juste après le déjeuner. Comme Outremonde est arrivé ce matin par la Poste, je vais pouvoir enchaîner. Écrivain puissant et original, c'est évident, alliage fait d'humour et de profond malaise, regard à la fois cruel et tendre sur ses personnages – mais je suis fatigué et n'ai nulle envie de jouer maintenant les critiques littéraires. D'ailleurs, j'en ai de moins en moins envie, d'une manière général. Tout de même : il y a dans ce roman une sorte de folie latente, d'autant plus effrayante qu'elle semble toujours prête à se répandre sur le monde si propre et ordonné que l'on nous donne à voir, tout comme se répand le mystérieux nuage toxique de la seconde partie, mais qu'elle n'agit qu'à “bas bruit”, justement. Elle finit par exploser tout de même, à la fin, au moment de la tentative de meurtre perpétrée par le personnage central. Mais alors, elle est elle-même obligée de battre en retraite face à la mort, ou plutôt à la puissance de la peur que la mort implique. Enfin, dans les dernières pages, même la mort bat en retraite, devant la toute puissance des habitudes et des voies balisées de la consommation réflexe – à moins que ce ne soit cela, le vrai visage de la mort (et on pense aux zombis de Romero arpentant en titubant les allées d'un centre commercial, film d'ailleurs presque contemporain du roman de DeLillo). Le bruit de fond du titre c'est bien sûr celui engendré par les radios et télés omniprésentes, mais c'est surtout, il me semble, le bourdonnement que produisent ensemble toutes ces peurs individuelles que plus rien ne parvient à divertir, ni la religion (extraordinaire dialogue avec la bonne sœur allemande, à la fin du roman) ni le monde des objets familiers (scène brutale du personnage narrateur disséquant littéralement les détritus de la famille pour tenter d'y trouver une définition juste de ce qu'ils sont). Il semble que, englués dans ce bruit de fond, les protagonistes ressentiraient comme une délivrance, une libération, la moindre explosion qui surviendrait – mais justement il ne s'en produit pas la moindre.
Hier :
– Les cinquante premières pages d'Outremonde, qui se déroulent entièrement durant un match de base-ball new-yorkais, celui qui opposait les Dodgers aux Giants en octobre 1951, sont éblouissantes d'intelligence, de virtuosité, de composition, toutes pleines d'échos, d'appels et de répons, etc. Du coup, j'ai commandé un nouveau livre de DeLillo : Libra, ainsi qu'American psycho de Bret Easton Ellis, que je n'ai jamais lu et dont je n'attends pas grand-chose, je ne sais pourquoi. Peut-être parce qu'on m'en a, à une époque, un peu trop rebattu les oreilles. Mais il semble qu'il y ait de véritables correspondances entre les deux romans.
Je te rappelle que tu ne voulais plus rien commander avant que ta PAL baisse un peu !
RépondreSupprimerIl faut que je t'apprenne une chose très grave : il y a quelques semaines, à la suite d'un complot intergalactique, j'ai été kidnappé par des sortes de Body snatchers et remplacé durant plusieurs jours par un clone absolument parfait et indétectable, même par toi.
RépondreSupprimerEt c'est lui, ce connard en plastique et aluminium, qui a pris cette décision stupide de cesser d'acheter des livres !
mékilécon
RépondreSupprimerC'est le cri du coeur !
RépondreSupprimerEt on ne le lui fait pas dire !
Si vous relisiez "La guerre des boutons" vous n'auriez pas tous ces états d'âme douloureux !
RépondreSupprimerElles sont très bien vos critiques Didier. Voyez, je tourne autour de cet auteur sans avoir réussi à savoir si ça valait le coup ou si c'était une de ces arnaques marketing (genre Frenzen ou Pynchon ou encore Harrison), du coup là j'irai voir.
RépondreSupprimerRéellement, je crois que c'est un véritable écrivain. Pour les trois autres que vous citez : jamais essayé Frenzen, “calé” sur Pynchon – et j'ai beaucoup aimé Harrison, mais en ai pas mal rabattu au vu des derniers parus (mais Dalva et sa suite, La Route du retour me semblent dignes d'être lus).
RépondreSupprimerQuant à DeLillo, je mle souviens avoir essayé de lire Mao II il y a douze ou treize ans et avoir renoncé à moins de la moitié. C'est donc avec une certaine réticence que j'ai retenté ma chance avec Bruit de fond, roman qui l'a balayée dès les premières pages ou presque.
Voilà.
les premières pages d outremonde sont vraiment bien faites. IL traite souvent les mêmes thèmes, notamment celui des stades et des foules, de l'inconscient collectif...je ne sais trop comment dire; vous allez retrouver deux ou trois figures de modernoeud qui vont vous faire sourire. Enfin, la fin, la dernière partie est tout aussi extraordinaire...Pour Libra, c'est pas mal, il est dit aue James Ellroy s'en est inspiré pour sa trilogie sur les states...ça ressemble au film JFK, ou plutôt le contraire devrais-je dire, si vous aimez théories du complot, chien galeux du même ne vaut pas grand chose et je suis mitigé quant à MaoII...pynhcon, c'est une arnaque, je crois aue j'ai deux bouquins et que je n'ai jamais pu dépasser (à pages de chaque et encore...peut-être; vais tenter son dernier il parait que ça ressemble à un polar...
RépondreSupprimerJe crois que le Pynchon auquel je m'étais attaqué s'appelle Dixon & Mason (ou peut-être l'inverse) : à la fin de la première partie, ne comprenant toujours pas ce que je foutais là, j'ai abandonné.
RépondreSupprimerCe qui m'énerve sur Harrison c'est qu'on arrête pas de nous le présenter le "grantécrivain américain" et qu'on nous vend surtout sa gueule de cinéma. Or ce que j'ai lu de lui-outre son autobiographie- me parait dépassé, et je ne suis même pas sûr que ça ait jamais correspondu à une réalité. Trop carte postale. Trop "faulknérien présentable". Pas de personnages, ou plutôt personnages sacrifiés pour la "saga familiale", voilà : le personnage c'est la lignée elle-même, espèce de collages sépias qui forment un tout, une histoire, un passé-album photo. Bref l'anti-roman justement, où finalement le "négatif individuel" est absorbé par un monologue de mamie.
RépondreSupprimerVous êtes sévère ! Mais il a du vrai dans ce que vous dites, et je crois bien que c'est ce qui a fini par me lasser.
RépondreSupprimerEn fait, on lit Harrison pour retrouver quelque chose des westerns de l'enfance, peut-être. Comme on relit Dumas, dans un autre genre.
"cette décision stupide de cesser d'acheter des livres !"
RépondreSupprimer...pour encombrer des étagères et les exhiber de façon snobissime, sans doute.
Oui peut-être un peu sévère..Disons que lui, Harrison m'est sympathique au fond, mais que ce n'est pas le "grand écrivain" qu'on essaye de nous vendre. L'analogie avec Dumas ou les westerns-grands espaces, héros d’épopées surannés- est tout à fait pertinente.
RépondreSupprimerSinon content que Baudrillard vous plaise, mais soyons honnête, il y a eu dans son oeuvre beaucoup de bavardages conceptuels. Je conseille "Amérique" ou "Cool memories" (il y a là beaucoup d'"exemples réels"), pour l'instant. D'ailleurs lesdits bavardages ne prennent sens qu'une fois qu'on a compris ce qu'ils décrivaient dans le réel.
Le seul Pynchon comestible pour un cerveau courant (et malheureusement, je n'en ai pas d'autre) est "Vente à la criée du lot 49". Et en plus, c'est assez court...
RépondreSupprimerOutremonde est, me semble-t-il, un très grand livre. Je suis beaucoup plus réservé sur Ellis qui me semble juste un symptôme de son époque. Disons pour faire court que c'est de la littérature sociologique qui tourne en rond; le roman dénonçant ce qu'il est lui même. Je me permets de conseiller Libra qui vaut mieux que tout Ellroy auteur qui pour le coup me parait extrêmement fabriqué en plus d'être illisible.
RépondreSupprimerLe cas Pynchon, auteur auquel je suis insensible, me semble un peu plus complexe que ce qui en est dit plus haut (arnaque etc...
Harrison, c'est quand même une pointure au dessus même si je reconnais une assez grande puissance à Légendes d'Automne, son meilleur livre ? Mieux vaut lire ou relire Giono !
Je rectifie lire "au dessous" au lieu de "au dessus"
RépondreSupprimerPascal : j'ai bien avancé dans Outremonde et je suis ravi de voir que nos avis semble s'accorder à propos de ce roman.
RépondreSupprimerPour Ellis, je ne l'ai commandé que parce que, lors d'une interview croisée entre lui et DeLillo, ce dernier fait lui-même le rapprochement entre Libra et American psycho.
Harrison, second rayon, d'accord grosso modo. Mais tout de même, je lui trouve un très grand et très juste sens de l'immobilité. Et j'ai toujours un peu l'impression que ce qu'il cherche à dépeindre, ce ne sont pas des personnages (pour rejoindre le commentaire du Sorpasso) mais plutôt des coyotes dans un paysage, qui chercheraient à se transformer en statues. En statues de coyotes.
Je suis d'accord avec vous sur la notion "d'immobilité", le risque étant que cette immobilité ne finisse que par déboucher sur "la pose".
RépondreSupprimerA part ça, je viens juste de terminer une relecture des "Égarements du cœur et de l'esprit" de Crébillon fils et c'est sublime. Aux américains les grands espaces, à nous les intermittences du cœur (encore que Fitzgerald...)
J'attaque "Les belles endormies".
Ah, superbes les Belles endormies ! Lecture faite par moi il y a quelques mois et couplée avec celle, non moins enthousiasmante, de La Clef de Tanizaki.
RépondreSupprimerDe Crébillon je n'ai lu que ce délicieux petit dialogue qui s'appelle La Nuit et le Moment. Je vais sans doute me commander celui que vous dites.
Vous n'êtes pas pour rien dans la lecture du Kawabata !
RépondreSupprimerAh mais je vous préviens : la maison ne rembourse pas le livre si le client n'en est pas satisfait !
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