mercredi 14 avril 2010

Les blogs, c'est déjà la fin du monde – et c'est une chance

J'aimerais bien, une fois au moins, écrire et publier un billet avec lequel personne ne serait d'accord. Vraiment personne. Partant des plus cons de mes lecteurs occasionnels jusqu'à mes amis les plus intimes. Rien, pas un. L'unanimité absolue. Une sorte de billet d'après l'homme, tel que vous m'en offrez l'image. Si j'y parvenais, il me semble que j'approcherais alors de la vérité ; un semblant de vérité, quel que soit le sujet. Au début que je bloguais (c'est français, ça ?), j'étais très content d'agacer Pierre, Paul ou Jacques. En réalité, j'aimais surtout quand les filles s'énervaient contre moi : il y avait de l'adolescence mal digérée, là-dedans ; un parfum de revanche, un arrière-goût de...

De quoi ? Un arrière-goût, sans plus. Une parade. L'impression de les tenir. Comme on serre les cuisses pour maîtriser son cheval. Une facilité d'arrière-vie, peut-être – sûrement.

Il ne sert à rien d'agacer qui que ce soit : ce sont toujours nos propres dents qui grincent. Or, pendant ce temps que l'on perd, il reste des livres à lire, à tenter de comprendre ; et des musiques à écouter, à essayer d'entendre. Sans doute aussi à voir des tableaux et des paysages, mais là...

Le blog est une invention terminale (au sens “terminus” : le fracas de la locomotive contre son butoir). Il est le ricanement dernier d'un monde sans Dieu, et même sans dieux, celui où chacun peut coasser à perte d'oreille – le cul de basse fosse de la sottise commune qui a enfin réussi à prendre le pouvoir, et qui s'esbaudit d'aise en s'observant soi-même : le panda restera seul, et il ne se souviendra pas de nous.

Le blog est notre dernière invention avant l'insignifiance immobile et roide. C'est-à-dire avant la mort générale et sans espoir de résurrection des corps – c'est l'ultime ricanement travesti en joie.

27 commentaires:

  1. Tout à l'heure, feuilletant le Grand Dictionnaire des rimes françaises, je suis tombé sur ce petit poème qui semble parler des blogs :

    De
    Ce
    Lieu
    Dieu
    Sort
    Mort.

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  2. Je ne suis pas d'accord avec le blocage des commentaires de votre avant-dernier billet....
    Hum...eh oui.

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  3. Ah oui, Yanka, il faut quand-même que je vous réponde. Oui, l'ondinisme, c'est un truc que j'aime assez, mais chut, ne le répétez pas, hein, c'est un truc de gros dégueulasse, encore.

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  4. Chère Emma, vos désirs sont des ordres : les voilà rétablis...

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  5. Cher Didier, je suis presque un peu confuse, vous êtes chez vous et bon, libre d'arrêter les commentaires, trop nombreux, peut-être. Mais cela me plaisait de lire les messages des uns et des autres, et comme vous vouliez que l'on vous "contrarie" je me suis lancée sur la perche, je m'emberlificote (je n'ai pas le talent de Suzanne).

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  6. "Il est le ricanement dernier..c'est l'ultime ricanement travesti en joie."
    Certains "ricanent" (bouh je n'aime pas ce mot) et d'autres pas.

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  7. Je pensais à vous en écrivant ce soir un billet: enfer ou paradis? Ou les deux mêlés? (Quelle histoire!) Ou le doute?
    Bonsoir.

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  8. J'aime bien votre noirceur. Elle est là cette intention que le blog provoque ou procure. Un message écrit dans le néant, le bruit, des idées entremêlées, des cris de joie ou d'indignation, des découvertes ultimes, des réflexions hâtives et acérées, etc...
    L'envie d'être en total désaccord avec le monde me fait penser à mon fils qui dit non à tout. Juste pour le plaisir. Pour nous emmerder en fait... Ce désir est finalement puéril mais humain, hein ?
    Et le blog, une fin du monde ? une fin de l'être ? une fin de course ?
    Cela doit être beau la couleur d'une tombe. Comme un berceau.
    Mais bon. En attendant, je bois à votre santé et je termine les mémoires d'outretombe.

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  9. Ha!!!
    Vous voyez quand vous voulez.
    Et demain vous serez là encore.
    Et nous aussi.

    Le blog est une invention terminale (au sens “terminus” : le fracas de la locomotive contre son butoir). Il est le ricanement dernier d'un monde sans Dieu, et même sans dieux, celui où chacun peut coasser à perte d'oreille – le cul de basse fosse de la sottise commune qui a enfin réussi à prendre le pouvoir, et qui s'esbaudit d'aise en s'observant soi-même : le panda restera seul, et il ne se souviendra pas de nous.

    Le blog est notre dernière invention avant l'insignifiance immobile et roide. C'est-à-dire avant la mort générale et sans espoir de résurrection des corps – c'est l'ultime ricanement travesti en joie.

    Magnifique.
    A la comète, qui est un peu votre café de Flore, on devrait vous remettre le prix du meilleur billet.

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  10. Pas mal (le billet). Je ne sais pas si il existe des malades qui en phase terminale, se mettent en tête de vouloir écrire leur bio ?

    Quand au blog, c'est une masturbation sèche. Vous branlez bien, Didier.

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  11. Mais non, les blogs ne sont qu'une nouvelle idole entre tant d'autres et les blogueurs des idolâtres plus ou moins inoffensifs ou illuminés...
    Nihil novi sub sole...
    Un divertissement comme un autre, aurait dit Pascal, et qu'est-ce qu'un roi sans divertissement ?

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  12. Ah la bonne blague... !

    Sur ce coup-là, vous me faite bien sourire et même rire aux éclats - pas comme hier. (Remarquez, après analyse du discours des médecins à mon endroit, j'en ai grand besoin.)

    En tout cas, j'en prends les paris : nul doute que certains de vos lecteurs, en silence devant leur écran ou bien ici en commentant, jugeront votre note éminemment sérieuse, sincère, profonde, sinon prophétique, mais heureusement toujours entre deux cafés, deux bières ou deux sorties dans le monde, ce qui ne peut que ravir les congédiés de l'Eternité que nous sommes - pour le moment.

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  13. Tiens ! Un ivrogne ! Ca lui permet peut-être de comprendre le billet.

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  14. Mince ! mon intention était d'écrire un billet vraiment imbitable, et voilà que je comprends tout...

    Trop fort, ce Didier Goux...

    J'aime bien l'idée du "Prix de la Comète".

    Et celle de reprendre les Mémoires d'outre-tombe...

    À plus tard : je suis t'à la bourre, là...

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  15. Feuilletant quelques écrits de Pascal, j'ai noté deux citations que vous connaissez sûrement et pourtant qui complètent votre propos:

    "Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre."

    "Car enfin, qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout."

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  16. – le cul de basse fosse de la sottise commune qui a enfin réussi à prendre le pouvoir, et qui s'esbaudit d'aise en s'observant soi-même

    Devant tant de radicale vacuité il vous prend l'envie de laisser tomber la souris, de tenter d'autres radicalités: de partir prendre un thé avec Ben Laden dans ses montagnes afghanes, de discuter un peu avec lui des sens de la vie à l'ombre des pavots en fleurs.
    Mais le bougre du fond de sa grotte n'aspire qu'à une chose: une connexion haut débit pour créer un blog.

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  17. C'est qui ce Pascal, là, qui semble écrire des trucs marrants ?

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  18. Tenir des blogs a permis à certains d'éviter le recours à la psychiatrie, aux cellules d'écoutes, aux copains de bars.
    Ce serait un rassemblement de fous, souffrant de la même névrose.
    Nous ne pouvons qu'être inoffensifs puisque la manière de communication utilisée l'est. Après à chacun d'éviter le simple défoulement (ça c'est le rôle des clips vidéos).

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  19. « Nous ne pouvons qu'être inoffensifs puisque la manière de communication utilisée l'est. »

    Rarement lu quelque chose d'aussi con.

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  20. Le second degré? connait pas? Tant pis.
    Libre à toi de blogger en ayant en tête un changement politique, mais si d'aventure cela doit arriver je ne penses pas que les blogs puissent jouer un grand rôle. Tant mieux si c'est le cas.

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  21. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  22. Attention, la grandiloquence vous guette !

    Votre blog et votre journal de blog sont ce qui se fait de mieux en matière de blogage. Enfin, c'est mon avis qui n'est pas un avis de vestale. Et Dieu sait qu'il ne s'agit pas d'être d'accord ou pas d'accord avec vos idées, avec ce que vous écrivez, avec vous. Même quand je ne le suis pas (à propos de ce que vous écrivez sur les tripotages de gamins, pour prendre un des derniers sujets), je vous tiens quand même pour l'un des meilleurs blogueurs qui soient, parce que vous êtes à l'intersection du blog et du journal et de la correspondance et de la littérature. Parce que vos pamphlets, colères, indignations, sont à la fois sincères et roublards, et grands et mesquins. Parce que vous avez beau tonner, gueuler, vous revenez toujours trois mots en arrière dès qu'on vous fait savoir que vous avez cogné sur la fêlure d'un pot. C'est assez rare chez les dézingueurs et les moqueurs, vous êtes beaucoup moins méchant que les dégoulinants de bonté sacrée et d'humanisme absolu que vous prenez pour cible. Audine disait naguère au cours d'une de vos querelles avec quelqu'une que vous qualifiez élégamment de "folle", alors que tout le monde vous tombait dessus par solidarité de gauche, qu'il y avait plus d'humanité dans ce que vous disiez que dans tous les reproches vertueux que l'on vous renvoyait. C'est souvent mon impression.
    Enfin, je trouve la critique du blog ridicule quand elle prend des accents nietzschéens avec les mots cloaque, marécage, Dieu, etc, dedans.

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  23. Suzanne : un grand merci pour m'avoir si facilement percé à jour ! Je voulais en effet me livrer à une sorte de "pastiche imprécateur et prophétique". Et j'ai été un peu déçu de moi-même, le lendemain matin, trouvant ce billet non pas "trop" mais au contraire "pas assez".

    Pour ce qui est de vos compliments, je rougis dans mon coin et me tais...

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  24. Dites Mr Goux: qu'il n'y ai pas méprise. Quand un peu plus haut je parlais de vacuité je ne faisais que rebondir sur vos mots. En aucun cas je ne portais de jugement de valeur sur votre blog dont le bilan, du peu que j'en vois, me semble globalement positif.
    D'ailleurs Suzanne (qui a des lettres elle) vous le dit mieux que moi.

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  25. yapadsouci, M'sieur Maque, yapadsouci...

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  26. Didier, si vous avez un blogue, c’est que vous êtes vivant. Si vous avez un blogue de qualité, c’est que vous êtes un homme de qualité. Et tout le reste... Mes ficelles de caleçon à vous et bises de ma part à Catherine (où vous voudrez, hein, arrangez-vous)

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.