dimanche 19 avril 2009

Écureuils morts, cannibales mutants et téléphones portables


« Mon corps était ankylosé à force de rester assis dans la voiture. J'ai dit à Marybelle que j'avais besoin de marcher une heure tous les matins, une activité que je pratiquais avec Lola [La chienne morte du narrateur, ndlr], qu'il pleuve ou q'il vente. Le diable s'en est alors mêlé, Marybelle m'ayant fortement suggéré de faire mes petites balades près d'une zone habitée pour qu'elle puisse elle-même utiliser son téléphone portable. J'ai répondu sans me démonter que le but de mes petites balades était justement d'éviter les zones habitées. Dans toutes ces régions vides de l'Ouest il n'y a aucune réception correcte pour les portables. J'ai donc ajouté que j'essaierais de me garer sur une colline, et que si ça ne marchait pas, je m'arrêterais dès que nous aurions atteint une ville digne de ce nom, pour boire un café et manger une part de tarte dans un boui-boui pendant qu'elle papoterait tout son saoul.

“ Je ne papote pas, a-t-elle rectifié. J'échange avec mes amies des informations liées à notre survie.
– Et vous survivez à quoi ? ai-je bêtement demandé.
– À la vie. Au mariage. Aux enfants. À mon développement rabougri d'être humain.
– Je te trouve pourtant très vivante, ai-je alors hasardé.
– Tu me vois sous mon meilleur jour. Tu fais ressortir ce q'il y a de mieux en moi. Tu étais mon professeur préféré. Tu m'as formée. ”

« J'ai donné un léger coup de volant pour éviter un écureuil qui dévorait son frère ou sa soeur mort, écrasé au milieu de la route. Cet animal m'a rappelé un élève à tête de rongeur qui avait rédigé un essai intitulé Les cannibales mutants ont dévoré le cadavre de ma mère. Ce gamin que tout le monde appelait “le cadet de l'espace” croyait dur comme fer au monde des aliens et des soucoupes volantes. Il était plutôt séduisant, mais toutes les filles le trouvaient “bizarre”. J'ai entendu dire qu'il avait surnommé sa queue “Force de l'Un”. »

Jim Harrison, Une odyssée américaine, Flammarion, p. 50-51.

10 commentaires:

  1. T'as bientôt fini, que je puisse le lire aussi ?

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  2. Je suis à la page 57, donc, il faudra patienter un peu. Reste avec Céleste Albaret et Monsieur Proust !

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  3. Soit ce texte est une dénonciation déguisée des pratiques portables téléphoniquement de Catherine avec ses amies, soit c'est une façon pour vous Didier de dire à Catherine "non, je ne prendrai pas de balise argos pour aller me promener ni voir mes potes à la Comète", soit c'est un rappel de la colline ou Dassin (Joe) allait attendre sa copine muni d'un petit bouquet d'églantines. Ou tout à la fois, et c'est bien là le génie de Harrison Jim.

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  4. j'ai dîné un soir avec lui et ce fut une, comment dire ?une soirée assez....particulière,
    cet homme est surprenant et e x ce p t i o n n el, dans tous les sens du terme.

    Vous nous direz s'il vous a plu ?
    bonne fin de dimanche Monsieur Goux

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  5. Marine : un peu de charité chrétienne, que diable !

    Mrs Clooney : ah ! mais il faut nous raconter cela absolument ! Un prochain billet sur votre blog ? Si, si, j'insiste beaucoup, et sans rire encore !

    Sinon, j'ai presque terminé ce nouveau roman de Harrison (je crois les avoir tous lus). Ce n'est sans doute pas le meilleur, ni le plus complexe, mais il se lit fort agréablement et c'est, comme souvent, un beau portrait d'homme (Dalva, magnifique portrait de femme, étant l'exception).

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  6. Marine bos : non, non, Catherine n'est pas du tout une obsédée du portable, grâce au Ciel. Quant à moi, je n'en ai pas.

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  7. c'est normal ce conditionnel au milieu du texte ? j'aurais pensé à un futur, vu sa hargne contre les portable bien sûr..
    Gearhies

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  8. Gearies : oui, le conditionnel me semble requis. Pas à vous ?

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  9. Habiter au fin fond de l'Amérique, les grands espaces et se retrouver à ne cotoyer que des zones urbaines pour cause de portable ! Voilà bien un des signes ridicules de la "modernité" !
    :-))

    [Bientôt ils vont nous inventer la pêche en rivière sans fil !].

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.