L'excuse était trop bonne pour qu'on la laissât passer : puisque les plombiers barbaresques avaient investi notre chaumière, ainsi qu'il est raconté plus bas, nous nous trouvâmes contraints d'aller déjeuner au restaurant. Fut choisi un hôtel disposant d'une terrasse en bordure de l'Eure, laquelle rivière marque, à cet endroit, la frontière entre Pacy et Saint-Aquilin. Nous fûmes invités à nous installer à une table voisinant celle de trois braves travailleurs du secteur tertiaire. Et l'odyssée put débuter.
À peine avions-nous goûté le Sancerre blanc, attendant patiemment nos entrées, que nos Pieds Nickelés partaient pour un tour de chauffe. Au menu : les femmes, les divorces, les pensions alimentaires, comme dans un film de Pascal Thomas. Rien que de très normal jusque-là. L'un des trois tenait le rôle du comique, les sous-entendus graveleux pétillaient et retombaient en postillons sur la nappe grenat infroissable.
Nous attaquions notre plat principal, lorsque Croquignol, Ribouldingue et Filochard dérapèrent brusquement dans la géopolitique spatio-temporelle. En une vingtaine de minutes, tout fut passé au tamis de leurs intelligences groupées, depuis la politique de George Bush, jusqu'au conflit israélo-arabe, en passant par le génocide arménien (« Moi, ça me dépassera toujours, qu'une espèce humaine puisse vouloir anéantir une autre espèce humaine »), les Croisades, ou les rapports Nord-Sud (« Nous, on a une tradition de grande sagesse, mais on a obligé les Africains à évoluer dix fois plus vite que nous »).
Parvenu au plateau de fromages, je frisais l'hébétude, lorsque j'ai soudain compris. Nos voisins (dont le plus proche de moi arborait une attendrissante moustache taillée à la française) n''étaient rien de moins que la réincarnation trinitaire du coiffeur de Travelingue, ce personnage de Marcel Aymé qui dirige la marche du monde, puisque tous les grands de la planète viennent en son échoppe montmartroise lui demander conseil avant toute décision politico-stratégique.
Je m'émerveillai alors de la stupidité aveugle de mes contemporains, s'obstinant à organiser de dispendieuses élections pour choisir leurs dirigeants, alors qu'il aurait suffi de confier les affaires du monde à mon trio omniscient pour que toute difficulté s'aplanisse et que Dieu lui-même décide de prendre une retraite méritée, rassuré quant au devenir de sa créature.
La commotion fut de forte magnitude, pas au point cependant de me faire bouder les mignardises que la petite serveuse blonde, marchant sur ses talons comme moi sur des échasses landaises, venait de nous servir.
À peine avions-nous goûté le Sancerre blanc, attendant patiemment nos entrées, que nos Pieds Nickelés partaient pour un tour de chauffe. Au menu : les femmes, les divorces, les pensions alimentaires, comme dans un film de Pascal Thomas. Rien que de très normal jusque-là. L'un des trois tenait le rôle du comique, les sous-entendus graveleux pétillaient et retombaient en postillons sur la nappe grenat infroissable.
Nous attaquions notre plat principal, lorsque Croquignol, Ribouldingue et Filochard dérapèrent brusquement dans la géopolitique spatio-temporelle. En une vingtaine de minutes, tout fut passé au tamis de leurs intelligences groupées, depuis la politique de George Bush, jusqu'au conflit israélo-arabe, en passant par le génocide arménien (« Moi, ça me dépassera toujours, qu'une espèce humaine puisse vouloir anéantir une autre espèce humaine »), les Croisades, ou les rapports Nord-Sud (« Nous, on a une tradition de grande sagesse, mais on a obligé les Africains à évoluer dix fois plus vite que nous »).
Parvenu au plateau de fromages, je frisais l'hébétude, lorsque j'ai soudain compris. Nos voisins (dont le plus proche de moi arborait une attendrissante moustache taillée à la française) n''étaient rien de moins que la réincarnation trinitaire du coiffeur de Travelingue, ce personnage de Marcel Aymé qui dirige la marche du monde, puisque tous les grands de la planète viennent en son échoppe montmartroise lui demander conseil avant toute décision politico-stratégique.
Je m'émerveillai alors de la stupidité aveugle de mes contemporains, s'obstinant à organiser de dispendieuses élections pour choisir leurs dirigeants, alors qu'il aurait suffi de confier les affaires du monde à mon trio omniscient pour que toute difficulté s'aplanisse et que Dieu lui-même décide de prendre une retraite méritée, rassuré quant au devenir de sa créature.
La commotion fut de forte magnitude, pas au point cependant de me faire bouder les mignardises que la petite serveuse blonde, marchant sur ses talons comme moi sur des échasses landaises, venait de nous servir.
Le plus dur est alors de si dire : "quand je pense que je suis sans doute aussi con qu'eux".
RépondreSupprimerCa fait mal, mais c'est bon.
Plus important : le Sancerre était-il goûtu ?
RépondreSupprimerUne petite cuvée, mais il glissait, vaille que vaille.
RépondreSupprimerDites leur d'ouvrir un blog politique.
RépondreSupprimerRassurez-moi, vous avez pu parler entre vous, quand même ?
RépondreSupprimerComme Nicolas, je pensais au blog politique, mais peut être en ont-ils un que vous fréquentez sans le savoir.
Si nos décideurs consultaient des Travelingue, ce serait encore bien beau ! Certains, et non des moindres, ne juraient que par leur voyante favorite...
RépondreSupprimerAh bon, mais ce ne sont pas eux qui nous gouvernent ?
RépondreSupprimer:-)
Hmm, je te trouve un peu in-Sancerre, là...car nul n'est prophète dans son propre pays, tsé.
RépondreSupprimerÇa aurait été pire, z'auraient causé StarAc'.