samedi 8 novembre 2008

Vertige métaphysique (et ta ceinture dorée)

Tout à l'heure, lisant les Mémoires de deux jeunes mariées, Catherine lève soudain les yeux du volume, pour me signaler l'emploi par Balzac de l'expression « donner la peau de poule », au lieu de la chair du même animal, que nous avons coutume d'employer de nos jours pour désigner les mêmes frissonnants phénomènes. Nous sommes convenus que l'expression ancienne était finalement beaucoup plus juste. Reste à savoir quand, comment et pourquoi, l'image a joué d'abord les peaux de chagrin, pour finalement se faire chair. C'est vraiment des coups à se remettre à boire, non ?

11 commentaires:

  1. J'allais le dire en me REservant.
    Mais j'ai vu que vous étiez dans les 10 jours d'abstinence et j'ai pas osé.

    RépondreSupprimer
  2. Ce que j'en disais, c'était juste pour cadrer avec le personnage, hein...

    RépondreSupprimer
  3. Je suis d'accord, c'est plus juste et puis j'aime bien les sonorités de l'ancienne expression.
    Ca fait poule au pot à l'envers, un peu (bon je file me faire une soupe, moi).

    RépondreSupprimer
  4. Le passage sur les oranges pourries est très curieux. On dirait du G.Bataille.
    J'aime beaucoup ce roman.

    RépondreSupprimer
  5. Tiens... j'ai totalement oublié ce passage que vous dites. Il est vrai que ma propre lecture remonte à quelques années. Je suis donc mûr (!) pour le relire.

    RépondreSupprimer
  6. "Si je dois te dire les choses comme elles sont, au risque de te causer quelque déplaisance pour le métier, je t'avoue que je ne conçois pas la fantaisie que j'ai prise pour certaines oranges, goût bizarre et que je trouve naturel. Mon mari va me chercher à Marseille les plus belles oranges du monde ; il en a demandé de Malte, de Portugal, de Corse ; mais ces oranges, je les laisse. Je cours à Marseille, quelquefois à pied, y dévorer de méchantes oranges à un liard, quasi pourries, dans une petite rue qui descend au port, à deux pas de l'Hôtel-de-Ville ; et leurs moisissures bleuâtres ou verdâtres brillent à mes yeux comme des diamants : j'y vois des fleurs, je n'ai nul souvenir de leur odeur cadavéreuse et leur trouve une saveur irritante, une chaleur vineuse, un goût délicieux. Eh ! bien, mon ange, voilà les premières sensations amoureuses de ma vie. Ces affreuses oranges sont mes amours. Tu ne désires pas Felipe autant que je souhaite un de ces fruits en décomposition. Enfin je sors quelque fois furtivement, je galope à Marseille d'un pied agile, et il me prend des tressaillements voluptueux quand j'approche de la rue : j'ai peur que la marchande n'ait plus d'oranges pourries, je me jette dessus, je les mange, je les dévore en plein air. Il me semble que ces fruits viennent du paradis et contiennent la plus suave nourriture. J'ai vu Louis se détournant pour ne pas sentir leur puanteur. Je me suis souvenue de cette atroce phrase d'Obermann, sombre élégie que je me repens d'avoir lue : Les racines s'abreuvent dans une eau fétide ! Depuis que je mange de ces fruits, je n'ai plus de maux de coeur et ma santé s'est rétablie. Ces dépravations ont un sens, puisqu'elles sont un effet naturel et que la moitié des femmes éprouvent ces envies, monstrueuses quelquefois."

    RépondreSupprimer
  7. De même, effectivement, que la peau de poule tirait son origine de la poule de Pau (gallus gallus palus) – gallinacé au fameux panache blanc, rendu célèbre par la suite sous le nom de poule au pot par le roi Henri IV en personne, et se distinguant des autres représentants de la gent volaillère en ce qu'il était capable, par un phénomène encore inexpliqué à ce jour (et sur lequel on ne peut hélas plus guère se pencher, l'espèce n'ayant pas survécu à l'essor de l'industrie matelassière en Béarn au XVIIe siècle), de pressentir quelques heures à l'avance le moment où il devait passer à la casserole (ce dont, de fait, rendait compte l'aspect hérissé que prenait, sous l'effet de la peur, son épiderme soudain parsemé de multiples follicules) –, la chair de poule vient directement de la paire de choules, expression par laquelle on signifie, en Normandie, qu'il existe localement deux versions de la soule – jeu de village que l'on a coutume de présenter comme l'ancêtre du rugby et qui était réputé pour conférer une peau lisse à qui le pratiquait même par temps froid (je crois me souvenir qu'il existe un vers fameux de Le Bouyer de Fontenelle à ce propos, mais, vous voudrez bien m'excuser, je n'ai pas le temps de chercher pour ce soir) –, soit la grande choule et la choule à la crosse.

    Et une assiette vide en est la preuve, comme disait une pube de mon enfance pour de la nourriture pour matous à base de viande de kangourou :

    http://nrm.wikipedia.org/wiki/Choule

    Bon, je vous quitte, l'ambulance m'attend.

    RépondreSupprimer
  8. "la chair de poule vient directement de la paire de choules, expression par laquelle on signifie, en Normandie, qu'il existe localement deux versions de la soule "

    Excellent !

    RépondreSupprimer
  9. Pascal, merci ! En effet, je me demande comment j'avais pu oublier un passage aussi saisissant. On lit bien mal, décidément...

    Chieuvrou : grande forme, à ce que je vois ! C'est la perspective du 11 novembre qui vous met dans cet état ?

    RépondreSupprimer
  10. comme quoi la moisissure, c'est de la pénicilline .. et cetera..
    geargies

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.