« Salus populi suprema lex, cet adage aucune collectivité ne peut le renier sans courir à sa perte. Pour elle il s'agit de vaincre l'ennemi, non pas de s'interroger avec scrupules sur les moyens employés, et d'autre part de vivre dans la plus grande prospérité sans toujours regarder au prix. La politique est dure, parfois impitoyable au regard des exigences de la pureté morale. Une collectivité a besoin de bonne conscience. Celle-ci peut être irritante aux autres, à ses voisins et à ses ennemis, encore qu'il faille soi-même avoir bonne conscience pour en faire le reproche aux autres. Dès qu'une unité politique est ravagée par le complexe de culpabilité, elle perd tout dynamisme politique, elle doute d'elle-même et ou bien elle se jette dans les bras de celui – fût-ce un aventurier – qui a su réveiller son besoin de bonne conscience ou bien elle est prête à tomber sous la dépendance de l'étranger qui ne s'embarrasse point de scrupules. La conscience collective d'une faute signifie politiquement un échec, car la culpabilité apparaît comme un aveu de faiblesse, d'impuissance. »
Julien Freund, L'Essence du politique, Dalloz, p. 673.
Julien Freund, L'Essence du politique, Dalloz, p. 673.
Excellent, que dire de plus ?
RépondreSupprimerVous me faites rougir, comme une demoiselle, ce qui, provenant d'un homme, et en nos temps dé-féminisés (et pourtant ultra-féministes) est une double provocation ;)
RépondreSupprimerJe vois que vous êtes allé loin dans votre lecture de la somme politique de Freund ! Je n'ai pas eu courage, mais vous me le donnez. Je vous promet d'entamer ce soir même sa lecture intégrale.
Ce passage est excellent, notamment la première ligne.
Elle me fait penser à ce passage du De regno de Thomas d'Aquin :
«En second lieu, il doit, par ses lois et ses préceptes, par ses châtiments et ses récompenses, détourner de l’iniquité les hommes qui lui sont soumis, et les amener à des oeuvres vertueuses, en recevant son exemple de Dieu, qui a donné la loi aux hommes, récompensant ceux qui l’observent, châtiant ceux qui la transgressent.
En troisième lieu, le roi a la charge de mettre en sécurité contre les ennemis la multitude qu’il commande. Rien, en effet, ne servirait d’éviter les dangers intérieurs, si l’on ne pouvait se défendre contre ceux qui viennent de l’extérieur.»
Criticus : c'est vraiment un livre à lire, comme je le disais à Lomig dans le billet précédent.
RépondreSupprimerJean-Baptiste : Freund cite Thomas d'Aquin à plusieurs reprises, au long du livre.
Je suis allé loin, en effet : il m'en reste une cinquantaine de pages. Dire que j'en ai tiré tout ce qu'il y avait à y prendre, ça, en revanche...
C'est votre Papa ?
RépondreSupprimerBien Monsieur Goux, vous savez attiser notre curiosité. Alors promis je vais lire Freund.
RépondreSupprimerUne fidèle lectrice
Tonnégrande : j'aurais rien eu contre : je serais peut-être un peu moins inculte à l'heure qu'il est...
RépondreSupprimerFidèle lectrice : je ne peux que vous y encourager.