De toute manière, on n'aurait pas échappé à la Résistance – il y a des soirs comme ça. Au milieu d'un océan de niaiseries télévisées surnageaient deux films, hier. L'Armée des ombres et un film américain datant des années quatre-vingt, avec Meryl Streep, consacré lui aussi, tout au moins en son début, à cette période. Je tiens le film de Jean-Pierre Melville pour le meilleur et le plus grand jamais tourné sur la Résistance (avec La Grande Vadrouille, tout de même). Le plus vrai, le plus dur, le plus épuré sans doute aussi, le plus brutal, le plus froid et tendu à la fois. À égalité d'excellence avec Rome, ville ouverte.
Néanmoins, comme l'Irremplaçable l'avait déjà vu deux fois, et moi trois ou quatre, nous avons délaissé Simone Signoret pour Meryl Streep. Durant une demi-heure, qui se passa en ce qui me concerne à me languir de ne pas revoir le film de Melville. Dès que Catherine décréta (à très juste titre) que « Bon, ben... encore un film chiant... », nous bondîmes sur la chaîne voisine et rattrapâmes Lino Ventura et Paul Crauchet au moment où ils doivent exécuter le jeune traître. Dans la plupart des films traitant de cette période, on voit des partisans tuer comme on se mouche. Ici, la scène est à la limite du soutenable parce que l'on sent nettement les improvisés tueurs suer littéralement de trouille, autant que la victime en attente, bien que la leur soit plus dure, plus intériorisée ; qu'elle semble produire des ravages d'invisibles métastases. Et l'on comprend que tuer est une chose très difficile. (Le contexte étant tout autre, je me souviens d'une impression semblable, dans une scène de Blanc, de Kieslowski.)
Au bout du compte, je suis ressorti de cette quatrième ou cinquième vision du film dans le même état que les fois précédentes : à la fois tendu et écrasé, presque physiquement essoufflé. Car si la Résistance de carton-pâte qui est le lot ordinaire au cinéma, la résistance-western, exalte et glorifie, la véritable abat et glace.
De Kieslowksi, sur le même sujet, voir surtout Tu Ne Tueras Point (tout le Décalogue est excellent)!
RépondreSupprimerAlfred Hitchcock a également très bien montré, dans un contexte là aussi tout autre (quoique pas tant que cela, direz-vous sans doute, histoire de provoquer un hypothétique lecteur brejnévien égaré chez vous), que tuer est parfois, ne serait-ce que d'un point de vue matériel, une chose extrêmement difficile (ici, la fameuse scène du Rideau déchiré, que d'aucuns, paraît-il, trouvèrent un brin grand-guignolesque à la sortie du film, mais qui m'a toujours semblé pour ma part très convaincante, à la fois concise et interminable).
RépondreSupprimerEntièrement d'accord avec vous, sinon (comme, du reste, la plupart des gens, je suppose), en ce qui concerne L'Armée des ombres de Melville.
Ben y'avait La Haine sur Arte...
RépondreSupprimerTG : mais que je suis con : c'est évidemment dans ce film du Décalogue que se situe la scène de meurtre à laquelle je pensais !
RépondreSupprimerChieuvrou : mon problème est que je ne suis jamais parvenu à vraiment aimer Hitchcock. Je me demande même si je ne l'aime pas de moins en moins.
Nicolas : en dehors du fait que ce film ne m'attire pas (pour des raisons que je vous laisse imaginer tout seul), il se trouve que j'éprouve une répulsion quasi physique pour le jeune Cassel. Pour sa gueule, je veux dire.
RépondreSupprimerEt puis, dans L'Armée des ombres j'ai eu le père, ce qui est tout de même autre chose.
RépondreSupprimerce film est sorti en 2006 sur les écrans américains et fut élu meilleur film par les critiques du pays.
RépondreSupprimerhttp://www.amazon.com/Army-Shadows-Collection-Lino-Ventura/dp/B000NOK0HG
tant de scènes pleines de tensions...rare qu'un film soit plus puissant que le livre.
Néanmoins une scène ratée, celle avec De Gaulle.
Un de mes films cultes...et de répliques glaçantes.
Cherea : elle est moins raté qu'inutile, à mon avis. En fait, non, vous avez raison : elle est ratée en ce sens qu'elle affaibli le film, en introduisant, parmi ces "ombres" destinées à le rester un personnage réel et de pleine lumière. Qui, du coup, paraît beaucoup plus artificiel que les autres.
RépondreSupprimerC'est la raison qui a poussé Balzac, lors de ses révisions des différents romans de La Comédie humaine, à supprimer les personnages réels (Napoléon, maréchal Oudinot, etc.) chaque fois que c'était possible pour les remplacer par des "hommes à lui".
un Melville, même vu des fois et des fois ne se loupe pas, dixit l'homocinéphilus.....
RépondreSupprimermon préféré est le cercke rouge quoique peut-on dire mon préféré alors que tous sont des chef-d'oeuvre ?
quand à la haine, non merci, on a les mêmes à la maison..
RépondreSupprimerSans aucun rapport avec ce film superbe: la fin, la fin avec ce couloir où il fallait courrir...
RépondreSupprimerJe ne vous conseille pas d'aller lire la derniere ponte de vos ruminants sur les loups dans Paris, ce ne serait pas bon pour votre moral, néanmoins...
Résistance entre chèvre et chou
RépondreSupprimerCa débande chez les goux
Et surtout quand les résistants
se barrent chez les ruminants
Qui te l'enfoncent au fond du trou.
L'armée des ombres et la Grande vadrouille. Et bien oui, sans rigoler, deux films qui, cote à cote, portent parfaitement le tragicomique de l'Histoire !
RépondreSupprimerJe continue de rire à certaines scènes de la grande vadrouille : De Funes quand il dirige l'orchestre, Bourvil (magnifique dans le cercle rouge de Melville. Bourvil mourra peu après je crois), Bourvil, donc, hilarant avec son vélo.
Quand à l'armée des ombres, ce film et les première pages de l'étrange défaite de M Bloch me mettent les guiboles en chewing gum.
Sans rapport avec la Résistance, n'y a-t-il pas une scène de crime difficile dans le film" Dancer in the Dark", avec Bjork ? Je n'ai pas revu le film, mais il me reste ce souvenir, entre autres.
RépondreSupprimerIl y a, à l'opposé, une scène résolument d'un comique macabre dans "Frenzy", d'Hitchcock : la fouille d'un sac de patates, contenant le cadavre d'une femme, que le meurtrier se voit obligé de fouiller malgré les cahots du camion en train de rouler, pour retrouver un objet personnel qui pourrait le trahir.
Boutfil : Revu Le Cercle rouge tout récemment : grand film en effet. Même si on se demande comment Montand peut, en quelques jours, passer du delirium tremens à une telle précision de tir...
RépondreSupprimerCorto : déjà lu ! C'est de la parodie extrêmement mauvaise, comme on en produisait adolescents : ces types retombent en enfance. Ruminances, c'est le Ris-Orangis de la révolution.
Hermès : vous devriez postuler pour devenir Ruminant : poétiquement, vous êtes au niveau.
PRR : je n'ai pas fait le rapprochement par hasard !
Mifa : je ne pouvais parler que des films connus de moi. Or, je n'ai jamais vu le film avec Bjork. Et, comme je disais plus haut, Hitchcock ne fait pas partie de mon panthéon personnel.
Ça devrait vous plaire, Didier…
RépondreSupprimerDu Muray 111 % !
(Traduction)
RépondreSupprimerAh oui, j'ai vu ça chez FDesouche ! Mon premier réflexe a été : bien fait pour ces cons, qui ne trouve rien de plus "festif" que d'aller se marier à 20 000 km de chez eux...
RépondreSupprimerVous les imaginez, aujourd'hui, rentrés chez eux, en Suisse, rapportant des flots de photographies toutes plus séraphiques les unes que les autres, et recevant un sms d'un de leurs enfants : « Maman, t'as vu le buzz chez Georges, à propos de votre mariage ? Trop Cool ! »
RépondreSupprimerLa gentille maman se mettant à pleurer, seule dans sa chambre, encore toute bronzée et tiède de la plage des Maldives… pendant que le gentil papa pique sa crise en balançant son iPhone contre le mur…
Ah oui, alors ! Je les vois comme si j'étais planqué sous le lit fraîchement conjugalisé...
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