Les souvenirs de Céleste Albaret sont passionnants par ce qu'ils révèlent, moins de Marcel Proust lui-même que des rapports étranges, intenses, uniques qui se sont créés, durant dix ans, entre l'écrivain de génie et sa servante-esclave, inculte mais non dénuée d'intelligence ni de finesse ou d'ironie.
Ils inclinent parfois à un certain soupçon, lorsque l'on met à jour une incohérence ou une impossibilité manifeste. Ne parlons pas du chapitre "amours", dans lequel il est visible que Céleste s'est laissé totalement manipuler par Proust, lequel l'a amenée sans difficulté à penser de ses moeurs ce qu'il souhaitait qu'elle en pensât : loin de rendre le passage ridicule, cette sorte de "possession douce" que l'on ressent, du cerveau de Céleste par celui de Marcel, en fait au contraire un épisode très émouvant – si l'on m'accorde cet épithète galvaudé.
Il y a d'autres fait plus troublants ; anecdotiques en eux-mêmes, mais qui finissent par jeter une ombre, un doute sur la fiabilité de la mémoire célestine. Ainsi, à la page 354 de son livre, elle écrit, ou plutôt fait écrire :
« Je me souviens de l'émotion de François Mauriac, au mariage de son fils, Claude, avec la petite-nièce de M. Proust, bien après la mort de celui-ci. Je m'y était rendue. On m'a conduite à lui. Il m'a prise dans ses bras et m'a dit, de sa célèbre voix "blessée" : "Ah, Céleste, comme je suis heureux de vous connaître enfin !" »
Or, si l'on en croit les biographes de Proust, et notamment Jean-Yves Tadié (p. 864), si l'on se réfère à Mauriac lui-même (dans les Mémoires intérieurs, je crois bien), l'auteur d'Un adolescent d'autrefois a dîné chez celui du Temps retrouvé, chez lui, rue Hamelin, le 28 février 1921, dîner qui s'est prolongé dès le lendemain par un échange de lettres. Ce soir-là, il est à peu près impossible que François Mauriac n'ait pas été introduit auprès de Marcel Proust par Céleste Albaret elle-même, puisque tout le monde devait passer par elle pour accéder à l'écrivain, qu'elle ne s'absentait jamais, et certainement pas un soir où "Monsieur Proust" recevait – événement rare, donc considérable.
Comment, dans ces conditions, François Mauriac aurait-il pu dire à Céleste Albaret, quelques années plus tard, qu'il était heureux de la connaître enfin ? Un de ces jours, il faudra bien que les morts s'expliquent, une bonne fois pour toutes !
Ils inclinent parfois à un certain soupçon, lorsque l'on met à jour une incohérence ou une impossibilité manifeste. Ne parlons pas du chapitre "amours", dans lequel il est visible que Céleste s'est laissé totalement manipuler par Proust, lequel l'a amenée sans difficulté à penser de ses moeurs ce qu'il souhaitait qu'elle en pensât : loin de rendre le passage ridicule, cette sorte de "possession douce" que l'on ressent, du cerveau de Céleste par celui de Marcel, en fait au contraire un épisode très émouvant – si l'on m'accorde cet épithète galvaudé.
Il y a d'autres fait plus troublants ; anecdotiques en eux-mêmes, mais qui finissent par jeter une ombre, un doute sur la fiabilité de la mémoire célestine. Ainsi, à la page 354 de son livre, elle écrit, ou plutôt fait écrire :
« Je me souviens de l'émotion de François Mauriac, au mariage de son fils, Claude, avec la petite-nièce de M. Proust, bien après la mort de celui-ci. Je m'y était rendue. On m'a conduite à lui. Il m'a prise dans ses bras et m'a dit, de sa célèbre voix "blessée" : "Ah, Céleste, comme je suis heureux de vous connaître enfin !" »
Or, si l'on en croit les biographes de Proust, et notamment Jean-Yves Tadié (p. 864), si l'on se réfère à Mauriac lui-même (dans les Mémoires intérieurs, je crois bien), l'auteur d'Un adolescent d'autrefois a dîné chez celui du Temps retrouvé, chez lui, rue Hamelin, le 28 février 1921, dîner qui s'est prolongé dès le lendemain par un échange de lettres. Ce soir-là, il est à peu près impossible que François Mauriac n'ait pas été introduit auprès de Marcel Proust par Céleste Albaret elle-même, puisque tout le monde devait passer par elle pour accéder à l'écrivain, qu'elle ne s'absentait jamais, et certainement pas un soir où "Monsieur Proust" recevait – événement rare, donc considérable.
Comment, dans ces conditions, François Mauriac aurait-il pu dire à Céleste Albaret, quelques années plus tard, qu'il était heureux de la connaître enfin ? Un de ces jours, il faudra bien que les morts s'expliquent, une bonne fois pour toutes !
Même galvaudée, je ne vous accorderai quant à moi votre épithète que si elle n'est pas d'un trop mauvais genre.
RépondreSupprimerTiens, oui, je me suis vautré, sur ce coup-là...
RépondreSupprimerC'est bien parce que je suis gentille.
RépondreSupprimerValérie, vous êtes, vous aussi irremplaçable : je me demandais où trouver cette émission, que je possédais en ancienne cassette audio.
RépondreSupprimerMerci, vraiment !
You're welcome.
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