Il n’était que sept heures et demie passées de quelques secondes lorsque Boris Corentin émergea du métro au Kremlin-Bicêtre, où vivait depuis des années maintenant son vieil ami Aimé Brichot. Comme ce dernier lui avait bien demandé de ne pas se pointer chez lui avant huit heures, Boris traversa le carrefour légèrement en biais et s’engouffra dans le premier café qui se présenta à lui.
Celui-ci s’appelait La Comète.
Peut-être en raison des gigantesques travaux qui venaient de commencer sur le RN 7 traversant la ville de part en part – et dont Aimé Brichot lui avait déjà abondamment parlé pour s’en plaindre –, Boris pénétra dans un café quasiment désert.
À gauche de l’entrée, face au comptoir, une petite table ronde était occupée par deux femmes d’un certain âge, formant entre elles un assez plaisant contraste : l’une frêle et l’œil vif, les mains sans cesse en mouvement, le sourire prompt ; l’autre opulente et molle, surplombant la table de sa masse mammaire, le regard à la fois ennuyé et peiné de qui se sait dans le droit, le juste, le bien, mais se rend compte qu’il ne parviendra pas à tirer son interlocuteur de l’ornière de ses inadmissibles erreurs.
- Écoutez, Séraphine, vous êtes gentille, certainement, je veux même bien croire à votre sincérité, était en train de dire la première, mais vous ne pouvez tout de même pas contraindre votre voisin bengali à défiler dimanche prochain en tutu, de Belleville à République, sous prétexte qu’en tant qu’immigré il se doit de prouver sa solidarité avec les gays victimes d’homophobie ! Ce serait très humiliant pour cet homme, tout de même !
- Marie-Suzette, je ne vois absolument pas ce que Dinesh pourrait trouver d’humiliant dans le fait de se mettre dans la peau d’un petit rat de l’Opéra ! répliqua son interlocutrice, sur ce ton un peu trop patient que l’on prend avec les gosses irrécupérables. D’autant que sa plus jeune fille veut se mettre à la danse. Décidément, vous n’arriverez jamais à vous défaire de cette conception rancie, limite pétainiste, que vous avez de la sexualité ! Vraiment je vous plains...
Boris Corentin se désintéressa de leur duel, qui semblait pourtant riche d’implications de toutes sortes, pour s’installer au bout du zinc, dos calé contre le mur.
Le patron était en grande discussion avec son seul client, un habitué visiblement, quadragénaire replet et frisé, le cou sanglé dans une cravate que Boris renonça à décrire, y compris pour sa seule édification personnelle – et qu’il évita même de regarder tout à fait en face.
- Oui, enfin, bon, c’est quand même mon pote... était en train de dire le client entre deux gorgées de bières.
- Écoute, Colas, je dis pas que t’as pas le droit d’être copain avec des gros cons fachos qui tiennent pas la chopine, non je dis pas ça, répondit le patron avec une véhémence assez belle à voir. Ce que je dis, c’est que tu pourrais les voir ailleurs que dans mon troquet. Parce que, je vais te dire, le verre de pastis qu’il m’a balancé sans prévenir en travers de la tronche, eh bien je l’ai encore !
- Tu l’as encore quoi ?
- Ben, en travers ! En plus, ça pue, le pastis. À boire ça va, mais à renverser ça pue ! Je ne sais même pas ce qui m’a retenu de ne pas l’allonger par terre à coups de mandales, tiens !
- Moi, je le sais, répliqua calmement le type à la cravate hallucinogène : c’est qu’il était tellement bourré qu’il s’est vautré tout seul dans la sciure avant que tu aies eu le temps de lui balancer un pain...
Cela faisait déjà trois fois que Boris Corentin faisait un petit signe en direction du patron, pour signaler son arrivée et son désir d’étancher sa soif. Ce fut de nouveau peine perdue, aucun des deux hommes ne lui accorda le moindre regard. Il se résolut à quitter La Comète sans avoir rien bu.
- N’empêche que, ton pote facho, la prochaine fois qu’il se casse la gueule tout seul au moment où j’ai décidé de le friter, eh ben il va m’entendre ! était en train de déclarer solennellement le taulier au moment où Boris quittait l’établissement.
Celui-ci s’appelait La Comète.
Peut-être en raison des gigantesques travaux qui venaient de commencer sur le RN 7 traversant la ville de part en part – et dont Aimé Brichot lui avait déjà abondamment parlé pour s’en plaindre –, Boris pénétra dans un café quasiment désert.
À gauche de l’entrée, face au comptoir, une petite table ronde était occupée par deux femmes d’un certain âge, formant entre elles un assez plaisant contraste : l’une frêle et l’œil vif, les mains sans cesse en mouvement, le sourire prompt ; l’autre opulente et molle, surplombant la table de sa masse mammaire, le regard à la fois ennuyé et peiné de qui se sait dans le droit, le juste, le bien, mais se rend compte qu’il ne parviendra pas à tirer son interlocuteur de l’ornière de ses inadmissibles erreurs.
- Écoutez, Séraphine, vous êtes gentille, certainement, je veux même bien croire à votre sincérité, était en train de dire la première, mais vous ne pouvez tout de même pas contraindre votre voisin bengali à défiler dimanche prochain en tutu, de Belleville à République, sous prétexte qu’en tant qu’immigré il se doit de prouver sa solidarité avec les gays victimes d’homophobie ! Ce serait très humiliant pour cet homme, tout de même !
- Marie-Suzette, je ne vois absolument pas ce que Dinesh pourrait trouver d’humiliant dans le fait de se mettre dans la peau d’un petit rat de l’Opéra ! répliqua son interlocutrice, sur ce ton un peu trop patient que l’on prend avec les gosses irrécupérables. D’autant que sa plus jeune fille veut se mettre à la danse. Décidément, vous n’arriverez jamais à vous défaire de cette conception rancie, limite pétainiste, que vous avez de la sexualité ! Vraiment je vous plains...
Boris Corentin se désintéressa de leur duel, qui semblait pourtant riche d’implications de toutes sortes, pour s’installer au bout du zinc, dos calé contre le mur.
Le patron était en grande discussion avec son seul client, un habitué visiblement, quadragénaire replet et frisé, le cou sanglé dans une cravate que Boris renonça à décrire, y compris pour sa seule édification personnelle – et qu’il évita même de regarder tout à fait en face.
- Oui, enfin, bon, c’est quand même mon pote... était en train de dire le client entre deux gorgées de bières.
- Écoute, Colas, je dis pas que t’as pas le droit d’être copain avec des gros cons fachos qui tiennent pas la chopine, non je dis pas ça, répondit le patron avec une véhémence assez belle à voir. Ce que je dis, c’est que tu pourrais les voir ailleurs que dans mon troquet. Parce que, je vais te dire, le verre de pastis qu’il m’a balancé sans prévenir en travers de la tronche, eh bien je l’ai encore !
- Tu l’as encore quoi ?
- Ben, en travers ! En plus, ça pue, le pastis. À boire ça va, mais à renverser ça pue ! Je ne sais même pas ce qui m’a retenu de ne pas l’allonger par terre à coups de mandales, tiens !
- Moi, je le sais, répliqua calmement le type à la cravate hallucinogène : c’est qu’il était tellement bourré qu’il s’est vautré tout seul dans la sciure avant que tu aies eu le temps de lui balancer un pain...
Cela faisait déjà trois fois que Boris Corentin faisait un petit signe en direction du patron, pour signaler son arrivée et son désir d’étancher sa soif. Ce fut de nouveau peine perdue, aucun des deux hommes ne lui accorda le moindre regard. Il se résolut à quitter La Comète sans avoir rien bu.
- N’empêche que, ton pote facho, la prochaine fois qu’il se casse la gueule tout seul au moment où j’ai décidé de le friter, eh ben il va m’entendre ! était en train de déclarer solennellement le taulier au moment où Boris quittait l’établissement.
Cher ami, y'a quand même quelque chose de special dans votre style de tout à fait réjouissant !!
RépondreSupprimerCette histoire n'est pas crédible.
RépondreSupprimerConvoquer le mot "style" pour ça me paraît exagéré... mais merci !
RépondreSupprimerNicolas : c'est pour ça qu'on parle de "fiction"...
RépondreSupprimerA mon avis, vous n'êtes pas assez payé pour la qualité de ces textes.
RépondreSupprimerPourquoi ne pas voler de vos propres ailes et publier sous votre nom avec un vrai statut d'auteur?
je me mêle sans doute de ce qui ne me regarde pas.
Henri : d'abord parce que vous vous exagérez considérablement la qualité en question. Et d'autre part parce que si je publiais (en admettant que j'y parvienne) de semblables choses sous mon nom, j'en vendrais 300.
RépondreSupprimerEnfin, parce que je suis trop vieux pour me fatiguer à gagner de l'argent.
A propos qui est le quadragénaire replet et frisé?
RépondreSupprimer"Boris Corentin" : anagramme de "(les) crétins boiront".
RépondreSupprimerCette "fiction" (sic) est donc crédible.
Henri,
RépondreSupprimerFeriez mieux de demander qui est le type qui a jeté le verre de Ricard !
Christophe,
RépondreSupprimerFaites gaffe ! Voir la suggestion que j'ai faite à Henri.
j'acheterais sans doute le 301 eme...enfin, bon...j'aime beaucoup quoi.....
RépondreSupprimeret puis comme je dit ça gentiment avec le coeur, c'est pas la peine que les affreux la ramène....na....
Cette molle fiction à la comete se terminera en folle miction .
RépondreSupprimerMordelol aussi
Mordelol ! mékilécon, mékilécon !
RépondreSupprimer(j'aime beaucoup la cravate hallucinogène...)
Tiens et comme par hasard, les deux pouffes attablées, elle parlaient de gays en tutu !
RépondreSupprimerVous êtes incorrigible Boris, pardon, Didier !
Henri : c'est bien entendu un personnage de pure imagination.
RépondreSupprimerChristophe : bien trouvé !
Nicolas : le Ricard EST de la pure fiction !
(Ou de la pure miction, vous pisser dans le sens de Fidel...)
Boutfil : pourquoi le 301ème ? Alors que je suis déjà en train d'aécrire le 313...
En plus, le 301, c'est même pas moi !
Suzanne : il a fait d'son mieux...
Corto : j'ai pris le premier truc qui me venait à l'esprit, forcément !
Je tiens 5 personnages dont le verre de pastis. Mais les autres ? La maigrichonne à qui Céleste assène sa saine morale ?
RépondreSupprimerparce que vous disiez que vous n'en vendriez pas plus de 300 si vous écriviez et publiez sous votre nom.....
RépondreSupprimerWouarf !! N'empêche qu'au prochain coup, folle friction...
RépondreSupprimerJ'adore !
RépondreSupprimerFinalement, il le porte son tutu à la gay pride ?
PRR : cherchez du côté du prénom. Marie-SUZETTE...
RépondreSupprimerBoutfil : ah oui, pardon, j'ai eu une petite panne du serveur central, là.
Pluton : faut voir, faut voir...
Juliette : demandez donc à Séraphine, quand vous la croiserez !
Et qui a jeté le verre, donc?
RépondreSupprimerMais enfin Le Coucou, vous ne lisez donc pas le blogue de Didier Goux et ses aventures à La Comète...?
RépondreSupprimerJe voudrais que Nicolas m'explique pourquoi il a choisi cet affreux logo (les cravates en forme de compression ?), il était pas bien l'ancien ?
Bon, et Suzanne et sa sexu..uhu...pétainisteuh, ouah, c'est du recyclage de première !
Enfin, tout un B.M. avec rien que des personnages connus et moins connus, quel régal.
Emma,
RépondreSupprimerje vous explique. Avant, mon avatar était une boite de sardines. J'ai été obligé de changer car j'ai été repéré dans la vraie vie. Ensuite, j'ai mis la photo utilisée par Didier pour illustrée ce billet. Le problème est qu'elle est trop peu reconnaissable parmi une liste d'avatars. Donc, j'ai pris cette photo laide mais qui me permet d'être repéré rapidement. Et surtout de me repéré. Indépendamment, Didier m'a taillé une réputation de cravate à chier. J'en ai joué pour forger le personnage.
Grace à ce genre de conneries, mon blog est premier d'un classement, mais ne le dites pas aux gens qui font le classement.
Je constate que certains Goncourt récents font beaucoup de pognon avec peu de style. Qu'est ce qu'on se fait chier des fois chez Gallimard.
RépondreSupprimerNicolas,
RépondreSupprimerje dois dire que vos explications sont un peu bizarres. Ce n'est pas grave. C'est peut-être aussi de ma faute... il ne faut pas toujours vouloir tout comprendre.
Emma,
RépondreSupprimeroutre le fait que je ne sois pas spécialement à jeun, c'est assez normal de ne rien comprendre à mes conneries. Je laisse Didier vous expliquer. S'il est à jeun.
@Emma: en fait, je savais, mais j'ai simplement repris la remarque de Nicolas à Henri.
RépondreSupprimerOui mais,
RépondreSupprimerje ne vois pas le rapport avec la Fête des mères de famille
Mais moi, je vis près de la Comète, la vraie ! Le terrain de la brasserie est devenu un lycée que je connais bien et son nom est devenu celui d'une scène théâtrale nationale.
RépondreSupprimerhttp://3.bp.blogspot.com/_fduJx8-wrRA/S-nJSIo3F0I/AAAAAAAAAgg/jAa32-eU0qA/s1600/P1060036.JPG
Cravate hallucinogène ? Il faudrait la laisser tremper dans la bière pour savoir si elle l est sinon elle n'est qu hallucinante.
RépondreSupprimerCe n'est définitivement pas mon truc. Vous êtes meilleur en véritable écrivain qu'en nègre. C'est à dire. C'est à écrire.
RépondreSupprimerC'est une tactique pour vous faire réintégrer à la Comète ?
RépondreSupprimerLa séquence "repérage", façon actor's studio ? Le patron ne va jamais gober ça...
En tout cas, Suzanne sait qu'elle peut ouvrir un sex-shop historique, le concept fait florès...
Un sex-shop historique !
RépondreSupprimerMalavita m'avait déjà envoyé une photo de sextoy en forme de francisque...
Suzanne, sans-culotte.